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De la “l’Issoufoumania” à “Bazoumnia” : L’impossible affranchissement du Président Mohamed Bazoum

 Le Niger, à la suite des deux mandats bricolés d’Issoufou Mahamadou sur fond d’injustices et de vols immenses entretenus et protégés, a eu droit, comme pour inaugurer une nouvelle forme de passation de pouvoir pour trafiquer et dissimuler un troisième mandat-totem, à une alternance atypique, façon-façon. Par laquelle, contre vents et marées, le “Chouchou de la France”, avec la complicité tacite de Jean-Yves le Drian, imposait une élection avec ses codes taillées sur mesure, et en fin de parcours du gangstérisme ainsi institué, un président «élu» qui peut ne pas avoir l’humilité requise pour annoncer péremptoirement, au dernier sommet sur la démocratie que «pour la première fois il eut la première alternance démocratique dans son pays avec un président démocratiquement élu qui passait le témoin à un autre président (lui-même) démocratiquement élu. Sauf que, dans le pays, on ne sait plus ce que peut signifier le mot démocratie, quand après dix années de gestion hasardeuse, les socialistes nigériens, réussirent à le vider de son sens, pour le charger de connotations nouvelles qui frisent la liberté outrancière de faire ce que l’on veut – pas ce que veulent et dictent les textes – disons aussi presque un certains je m’en- foutisme.

Nonobstant un passé chargé, les Nigériens, oublièrent leurs rancunes tenaces pour donner une chance à une alternance même factice et ce depuis que le « nouvel élu », pour gouverner a choisi, peutêtre par opportunisme politique, par imprimer à la conduite de son pouvoir un style nouveau qui rassurait et faisait croire – à tort peut-on dire aujourd’hui –que le nouveau “président dolé” pouvait être différent de son prédécesseur. La passivité de l’opposition, des acteurs de la société civile et de certains syndicats, ne s’explique par une telle attitude moins belliqueuse de sa part, a priori plus ouverte afin de mieux apprécier ses intentions pour le Niger et pour les Nigériens. En plus de cette attitude, il y a également le discours que le nouvel élu avait tenu dès son arrivée au pouvoir, notamment dès son investiture où, visiblement, il se démarquait de l’autre, traduisait sa différence, peut-être même son originalité. Mais après huit mois de gouvernance nouvelle, va-t-on aujourd’hui au désenchantement ? Alors que le style “Bazoumania” mettait en confiance, poussait à croire, naïvement, que l’homme est différent, qu’il peut être capable de rassembler en ces moments incertains, qu’il peut être capable de d’apaiser pour éviter au Niger des épreuves inutiles en renouant le dialogue et en favorisant la réconciliation, depuis des jours, les Nigériens réalisent que l’homme reste égal à lui-même, complice, mais pas différent forcément de l’autre qui a profondément déçu depuis que les Nigériens ont réalisé le grand fossé qui séparent ses discours de ses actes pour ne voir en lui qu’un grand démagogue. Son intervention sur les médias d’Etat pour évoquer sa relation avec la France dont il dit être fier de l’amitié pour ne pas avoir d’état d’âme à la revendiquer a fini par l’éloigner des Nigériens. En effet, sa parole de ce soir a sidéré plus d’un et convaincu les plus optimistes qu’il n’est que difficile de croire à un possible changement attendu de sa part dans la gouvernance car depuis des jours, l’on a l’impression que le camp Issoufou qui tenait à le manipuler a fini par le phagocyter pour le mettre sous la coupe de l’ancien système qui cherche à survivre à travers lui. Le premier signe du triomphe du camp d’Issoufou qui traîne aujourd’hui des casseroles bruyantes, a été d’avoir eu raison de son chargé de la communication poussé à la démission pour les raisons que l’on sait. Malgré tout, il semblait résister pour être lui-même.

Depuis des jours, les lignes de la complicité entre les deux hommes sont de plus en plus traçables avec le raidissement du nouveau régime qui semble avoir été convaincu qu’il n’a de chance de survie que par la restriction des libertés, que de gouverner comme Issoufou, donc par “l’Issoufoumania”. On sait par exemple que pour ses sorties, au départ, Bazoum Mohamed ne gênait personne dans la circulation et les Nigériens qui avaient trop souffert de la militarisation à outrance de la ville quand passait Zaki le grand roi, avait salué l’allègement du dispositif sécuritaire autour des cortèges présidentiels. La manière ne plaisait pas et pour le convaincre à ramener la même armada sur les voies à chaque passage. Aujourd’hui, peu à peu, l’on a fini par lui imposer les mêmes chars et les mêmes armes pour circuler dans la vie, remettant en cause par une telle précaution, le fait qu’il soit régulièrement élu pour s’effrayer de son peuple et se cacher derrière les armes comme le fit pendant dix ans son prédécesseur. Pire, depuis quelques jours, face des peuples qui en ont marre de la dégradation continue de la situation sécuritaire dans le pays, l’on a une MRN, version gouvernance Issoufou qui sort avec une communication maladroite qui semble comprendre le crime des enfants de Téra, et lorsque le peuple dit vouloir manifester pour exprimer son rasle- bol, et demander le départ des troupes étrangères stationnées au Sahel pour défaut de résultats, l’on assiste à un étouffement des libertés publiques avec des interdictions systématiques de toute manifestation pacifique dans le pays comme si le régime en place devrait se reprocher bien de choses pour craindre les colères du peuple, accumulé depuis dix ans. Pourquoi donc les Nigériens ne devraient pas manifester, ne devraient pas jouir de leurs droits à manifester ? Faut-il par ces brutalités contenir les colères pour ne pas irriter la France et son Macron et faire du Niger le nouvel eldorado de la Françafrique ? Bazoum ainsi, a fini par gouverner comme Issoufou, notamment en empiétant aux libertés, en restreignant les espaces des libertés depuis qu’un peuple se réveille, sort de ses silences, de sa trêve pour demander des comptes.

Ce raidissement, tout le monde le sait, n’était pas un bon choix pour le pays déjà douloureux, fait de rancunes et de colères, la preuve étant qu’aujourd’hui, par la récupération du pouvoir par ceux qui le lui ont confié pour faire croire qu’il partait, le pays souffre de ses fractures, de ses nombreuses blessures.

La “bazoumania” n’aura donc été qu’un feu de paille et c’est comme si le Philosophe revenait à se révéler sur les mêmes caractères par lesquels, en d’autres temps, les Nigériens l’avait connu et apprécié. La vérité étant que ce pays, aujourd’hui, est gravement malade et qu’on ne saurait continuer à faire semblant de ne rien voir et de ne rien entendre de ses douleurs pour faire plaisir à un clan auquel il faut continuer à assurer l’impunité, trônant sur les fortunes immenses amassées en dix années de détournements, de pillage et d’impunité. Il faut donc faire attention car les peuples, en accumulant tant de malaises, pourraient ne plus rien entendre dans un pays qui les renie, les accule jusqu’à leur dernier retranchement pour décider, mis dos au mur, de faire face aux loups. Le Niger n’a pas plus de chance que d’autres pays qui ont basculé. Aujourd’hui, ce pays a besoin de sagesse et il faut le dire, le Niger dont il est question aujourd’hui, est plus important qu’Issoufou et son confort, pour décider de protéger un homme non un peuple, non un pays. Il y a donc à penser plus au bien des 22 millions de Nigériens qu’un clan veut sacrifier pour préserver son confort acquis de manière douteuse. Clan qui, si la démocratie avait été normale, devrait être, aujourd’hui, devant un Juge, justifier et défendre leur nouvelle fortune immense. C’est sans doute pour cela que Jean-Baptiste Placca, dans sa chronique du samedi dernier sur RFI dit que « Tant que le pouvoir politique sera, pour certains, la courte échelle pour rattraper tout ce qu’ils n’ont pas réussi dans une vie professionnelle honorable, les reculs que déplorent le président de l’UA se poursuivront, et il le sait ! ».

Faisons attention pour que des égoïsmes ne nous détruisent pas. Une clique d’hommes et de femmes ne peuvent pas venir pour braquer un pays et s’en aller avec le butin ainsi amassé et croire qu’ils peuvent impunément conserver leur nouvel empire pour demeurer la nouvelle classe moyenne qu’Issoufou se vante d’avoir créée dans le pays depuis dix ans mais sans dire comment il s’y est employé. Partout, sur le continent, la mode est à la lutte contre les mauvaises pratiques de la gouvernance. Le Niger ne peut pas faire l’exception même si là, un président sortant, s’arrange, à confier le pouvoir qu’il quittait pour s’assurer, par une telle précaution dérisoire, de protéger ses arrières. Bazoum, ne peut donc pas ne pas ouvrir ce chantier attendu par les Nigériens, pour faire justice. Pour assainir.

Si en plus de gouverner un pays déjà acculé par de nombreux défis et urgences, Bazoum Mohamed devrait avoir la mission de protéger la pègre qu’on lui laisse en héritage dont un grand nombre lui est imposé comme collaborateurs, il faut reconnaître qu’il a du pain sur la planche. Le Niger n’est pas sorti des sentiers battus.

Dan Madougou