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Crise Sécuritaire au Sahel : Bazoum félicite et rassure la France

Le vendredi soir, sur les médias gouvernementaux, Bazoum Mohamed, président du Niger, s’était prêté à un jeu pour lequel, on le sait peu fin, car depuis qu’il a tenu des communications, il n’a jamais fini sans gaffer. Du moins, avant d’être Chef de l’Etat. Pour cela, les Nigériens surpris, avaient jusqu’ici apprécié les discours qu’il a tenus dans sa nouvelle position, des discours qui les rapprochaient davantage des Nigériens et qui l’éloignaient de l’autre Bazoum qu’on avait connu en d’autres temps. Mais chassez le naturel….

Ce message, il le voulait visiblement à la grande France et à Issoufou dont le camp le malmène, jouant à lui arracher la gestion du pouvoir qu’il lui remettait, par des calculs dont lui seul a le secret, dans les mains avant de faire semblant de s’éclipser, mais juché à quelque part, à surveiller. Cette intervention montre à suffisance que le clan Issoufou a fini par avoir raison des velléités d’émancipation de Bazoum Mohamed. La dernière communication est la preuve tangible de ce que cette communication vient des anciennes cellules d’Issoufou avec pour une fois, depuis son arrivée au pouvoir, un message qui ne s’adresse pas aux Nigériens, ne touchant donc pas aux préoccupations réelles et urgentes du Niger. Il avait peut-être à rassurer ses « grands électeurs ». Pourtant, le président du Burkina Faso, dans le même contexte de crise et de contestation, est aussi sorti la semaine dernière pour s’adresser à ses concitoyens. Mais, lui a eu un discours plus lucide et plus responsable. Sans s’imposer les éloges que l’on sait à un moment où son peuple se plaint et manifeste, il a un discours qui raffiné politiquement, pour dire l’essentiel : il appelle à l’union du peuple burkinabé et promet, dans la même foulée, de lutter vigoureusement contre la corruption et de mettre de l’ordre dans l’armée. Les Burkinabés ne demandent pas mieux. Mais chez nous, en lieu et place, les Nigériens, au lieu du discours de la responsabilité, ont eu droit à des flatteries au bénéfice des partenaires qui ont montré en sept ans qu’ils ne peuvent pas nous protéger avec l’efficacité que nous avons espérée et donc que nous n’avons aucune raison objective, aujourd’hui, au regard de l’ampleur que prend le phénomène de compter sur eux. Comment voudra-t-on alors que les Nigériens ne s’en indignent pas lorsque chaque jour qui passe les djhadistes gagnent du terrain. De Diffa, aujourd’hui le mal s’est étendu à la région de Maradi, à celle de Tahoua et à toute celle de Tillabéri, redoublant d’intensité. Si au moins le mal a été contenue, mais hélas, il ne fait que s’étendre de jour en jour, avec en plus, la fermeture d’écoles dans les régions affectées. Les populations ne sont pas d’accord. Et leurs colères ne sont que légitimes.

Un homme débordé…

A la télévision, les Nigériens ont vu l’homme dans un autre état qui n’est celui qu’il a montré depuis qu’il a été hissé au sommet de l’Etat. On a vu un homme nerveux, un président agacé, presque au bout des nerfs, en passe de craquer. Qu’est-ce qui a pu le mettre dans un tel état ? Les articles de presse de ces derniers temps ? Les débats autour de son pouvoir manipulé par son bienfaiteur ? La pression que pourrait lui mettre un Macron qui pourrait commencer à douter de lui depuis que le peuple commence à l’apprécier ?

Comment comprendre l’irritation visible de Bazoum Mohamed qui a visiblement perdu sa sérénité et sa mine agacée ne peut cacher un malaise profond. Il faut se rappeler qu’il y a quelques jours, dans l’Anzourou, l’on a entendu l’homme parler des problèmes qui l’empêchent de dormir : Bazoum n’a hérité que de problèmes, que d’un pays aux défis multiples et immenses. C’est la vérité. Faut-il croire que parce qu’il pourrait redouter – les renseignements généraux pouvant l’en informer – le même scénario de Kaya au Niger, et à Téra notamment que devrait traverser le convoi militaire français, Bazoum inquiet se serait mis dans tous ses états, craignant le pire scénario chez lui quand, face à Macron, il devrait sauver la face pour ne pas être accusé, lui aussi, comme Goïta, de velléités d’émancipation à l’égard de la France ? Cette thèse est d’autant crédible qu’un journal de la place, il y a quelques jours, au dernier sommet sur la Libye en France, Emmanuel Macron aurait reproché aux présidents du Niger et du Burkina Faso – le Mali ayant boycotté la rencontre – de suivre l’exemple du Mali, du moins d’avoir des fréquentations douteuses. C’est juste après le sommet que l’on a appris sur rfi, que Bazoum Mohamed avait eu un échange au téléphonique avec son homologue turque, conformant presque les appréhensions de la France. Mais à l’époque c’est plutôt, avait-on soupçonné, les proximités de Niamey avec Alger qui auraient provoqué le courroux de la France. L’un dans l’autre, la France qui se voit perdre de l’espace sur le continent, ne peut que s’en inquiéter surtout quand le Niger sur lequel elle peut compter pour avoir à installer ses bases d’occupation, pourrait ainsi lui échapper. On comprend la situation difficile dans laquelle ces faits connexes placeraient le président nigérien au point qu’il ait eu besoin de faire la dernière communication pour se justifier et rassurer « sa » France de bien jouer le jeu pour prendre le risque d’être pris, lui aussi, comme un valet de la France. Tous les observateurs ont compris que cette communication, plus que pour les Nigériens, est destinée à la France. Et on a vu avec quel intérêt les médiats Français – rfi et France 24 notamment – se sont empressés de relayer la teneur du discours. France 24 peut même dire sur le ruban qui défile sur sa chaine : « Diplomatie, le président du Niger ʺreconnaissantʺ envers la France et ses sacrifices ». Et peut-être qu’ainsi, la France pourrait être rassurée d’avoir le valet qu’il cherche chez nous. C’est terrible. Les Nigériens en ont souffert. Que d’indignation d’ailleurs sur les réseaux sociaux ! Mais pourquoi la France ne peut pas se comporter chez nous comme les autres partenaires ? On voit bien des différences dans ce que rapporte le président lui-même ? On voit bien que le Canada respecte notre souveraineté, car nous apprend, Bazoum Mohamed, il a formé des soldats nigériens et il est reparti. Les Canadiennes comprennent qu’ils n’ont pas vocation à rester chez nous ad vitam aeternam. Pourquoi la France ne peut pas faire la même chose surtout quand elle peut voir et entendre que les populations ne veulent plus d’elle, du moins de sa présence militaire aux visées douteuses. Cette communication ne peut donc pas servir le régime et surtout au moment où, le forum sur la cohésion sociale clôt ses travaux, que les derniers événement de Téra viennent trahir et contrarier. Il faut faire beaucoup attention.

Les Nigériens ne sont que choqués d’entendre le président dire : « la France nous a demandé ». On ne comprend pas. Mais comment peut ce « nous » qui ne serait que deux personnes finalement – Issoufou et Bazoum – prendre au nom de tout un peuple des décisions aussi importantes que celles qui concernent l’installation de bases militaires étrangères sur le territoire national ?

Contradictions…

Bazoum Mohamed ne maîtrise plus sa communication, désormais truffées de contradictions. Il revient dire que les populations n’ont pas vocation à assurer leur propre alors même que sans Jeune Afrique où il se confiait il y a quelques jours, il disait que les populations ne peuvent qu’occuper le vide que l’Etat aura laissé chez eux, comprenant que des populations acculées aient à faire le choix d’assurer leur propre défense. Aujourd’hui il voit certainement la gravité de tels propos et on comprend qu’il se rebiffe. Pour beaucoup d’analystes, Bazoum Mohamed aurait dû se passer de cette communication, car, politiquement, avec ce qui se vit au Sahel ces derniers mois, une telle communication n’est pas opportune. En tout cas l’on n’a pas trop compris pourquoi il était devenu si urgent et nécessaire pour lui de faire cette communication. On l’a vu venir se justifier, justifier « leur » relation avec la France dont il se défend d’être des soumis. Pour rassurer la France, il parle d’abord de leurs relations avec la France et ensuite des autres partenaires vers lesquels le régime va ces derniers temps.

Par Waz-Za