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Conseil Consultatif de la Refondation au Niger : quelque chose bloque-t-il l’installation ?

Assemblee Nationale VoteImage d'illustrationVoilà des semaines que les assises nationales se sont tenues et que la transition se dirige vers l’installation de ses dernières institutions. C’est ainsi, qu’après le forum national, les textes créant le Conseil consultatif National ont été élaborés et diffusés. Même les acteurs devant y siéger avaient été nommés par décret présidentiel avec en plus celle de son président, de ses vice-présidents et des présidents de commission. Mais voilà des jours que l’institution budgétivore, à un moment où l’Etat semble avoir beaucoup de difficultés financières, et ayant tout pour fonctionner, n’arrive pas à s’installer. Est-ce donc pour des problèmes d’argent ? Peut-être mais sans doute pas tant que ça. Le problème pourrait, avisent certains observateurs, se trouver ailleurs. Cette désignation des acteurs devant siéger au Conseil Consultatif de la Refondation vient à un moment crucial où des problèmes nouveaux ont apparu, voulu par un gouvernement qui cherche problème alors que le pays, lui n’en a pas besoin car il n’en a que trop déjà. On peut relever ainsi que l’a dit un certain Issoufou Kado visiblement très préoccupé par la question de la langue nationale qui divise, que c’est le gouvernement et le CNSP qui ont décidé de l’article 12 qui fait polémique, trouvant là une raison suffisante pour s’offusquer de ce que des Nigériens en parlent. Comment sait-il que ce sont le gouvernement le CNSP qui l’ont, ensemble, décidé ? De tels propos, dans la crise que vit le pays est assez grave surtout quand ils visent à faire porter le chapeau d’une décision controversé à tous. Pourtant, la vérité est que la question embarrasse bien d’acteurs qui gravitent aujourd’hui autour de la transition. Il y en a même qui redoutent, à juste titre, que cette question et d’autres liées à la justice, ne finissent par déchirer le coeur du pouvoir où certains, après les concertations issues des événements du 26 juillet 2023, pourraient avoir l’impression d’être grugés et même trahis.

On sait qu’un pas qui avait rassuré sur l’installation du Conseil avait été franchi quand le président désigné avait appelé les présidents n’en avait eu que peu d’échos d’ailleurs, ne pouvant pas aujourd’hui vous dire les sujets qui ont intéressé cette première rencontre, laissant libre cours aux spéculations et à toutes les interprétations. Ici, nous voudrions partager les plus raisonnées, celles qui ont plus de profondeur pour expliquer, en attendant d’en savoir mieux sur la question, les raisons de ce piétinement. Il ne faut pas oublier que des acteurs majeurs de la vie nationale et des hommes dont toute la vie avait été consacrée à se battre pour le pays, et notamment pour que ce pays aille mieux sont aujourd’hui membre de l’auguste institution qui risque d’être une chambre d’enregistrement depuis que, quelque part, des gens peuvent se mettre ensemble, pour détourner des décisions par des réécritures suspectes. Et c’est justement là que pourrait venir le problème et notamment pour au moins deux sujets : le fameux article 12 de la charte de la transition qui pourrait servir un agenda, un vieux démon que certains, depuis la conférence nationale, avaient porté, pour fonder un combat qui, parce qu’il gênait le vivre-ensemble à l’époque ne pouvait pas être entendu. Et la question de justice que le CNSP ne semble pas être prêt à vider, cherchant probablement les moyens de protéger les gangs d’une époque.

D’abord les leaders religieux et coutumiers…
Ils sont les gardiens de notre société et il se trouve que beaucoup d’entre eux sont désignés à siéger au sein du conseil consultatif. Ils ont la responsabilité, dans le premier cas, de rassembler la communauté nationale majoritairement musulmane, autour de valeurs que défend l’Islam commun pour vivre en harmonie dans la société tout en sachant transcender les différences qui composent les différents pans de la société. Les seconds sont les gardiens de nos valeurs et de ce que nous avons de plus cher dans nos cultures. Et la langue, justement, en fait partie. On comprend donc, face à tels enjeux incompressibles, qu’il soit difficile pour certains, de rentrer à une étape aussi cruciale dans le jeu où on les invite car aller là, c’est comme cautionner certaines décisions controversées que le gouvernement et le CNSP – à entendre la logique d’Issoufou Kado – tiennent coûte que coûte à maintenir malgré les vives protestations que l’on entend pourtant. Ces deux acteurs sont aussi, en même temps, ceux qui détiennent la sagesse pour comprendre mieux qu’un autre, la responsabilité historique qu’ils ont aujourd’hui dans la vie de la nation et notamment dans cette nouvelle marche du pays pour ne pas s’associer à ce qui pourrait entacher leur réputation et leurs noms. Ceux-là ne peuvent pas, pour un confort artificiel, accepter d’aller se compromettre dans des choix qui ne sont les leurs surtout quand, certains avaient été des Assises Nationales dont les conclusions avaient été trafiquées pour faire passer justement certaines décisions. Peut-on y aller encore pour subir le même traitement ? Ainsi, l’on peut croire que par les choix qui sont faits, réussir à amener tout ce bon monde à aller au CCR, n’est-ce pas une manière de légitimer une décision qui, pourtant, ne fait pas du tout l’unanimité dans le pays ?Si l’on apprend, selon certains activistes des réseaux sociaux que le ministre Ben Salah n’a toujours pas pris fonction après plusieurs semaines, l’on est en droit de se demander si, lui n’a pas compris, les enjeux de ces cooptations calculées qui visent aussi à discréditer certains, et dans son cas, sa personne quand on sait que ce qu’on lui demande de venir faire au gouvernement est incompatible avec ses responsabilités de chef religieux très respecté dans le pays. Il sait que son image est en jeu dans cette histoire et n’osait peut-être pas venir là – puis que lui n’a pas faim – pour ruiner sa belle réputation construite par son érudition avérée et sa conduite affable parmi les siens.

Les acteurs de la société civile
Certains de ce groupe, en plus d’être au Conseil Consultatif de la Refondation, ont trouvé des places de prestige au sein du gouvernement depuis le dernier remaniement. Peut-être qu’obnubilés par les honneurs qui leur sont faits, ils pourraient oublier leur engagement pour le pays et pour la Justice pour se contenter d’un confort suicidaire quand, dans la vérité, par les choix qui sont faits, le Niger pourrait courir à des jours encore plus difficiles. Parmi ceux-là, certains auraient donc compris les enjeux des nouvelles tournures de la marche du pays, pour hésiter à rejoindre le train, ce, depuis qu’il déviait des voies tracées par les Assises Nationales. Quand on a été de ces assises, n’est-ce pas se dédire que d’accepter d’aller dans ce que certains considèrent aujourd’hui comme une mascarade qui sert un certain agenda qui ne peut être celui du pays.

On comprend donc que les uns et les autres soient prudents pour ne pas s’engager dans ce qui pourrait les détruire. Dès lors, la transition elle-même doit comprendre de commissions à une première réunion de prise de contact. On qu’elle ne peut pas rassembler avec ces choix qu’elle fait. Comment peut-elle par exemple, vouloir protéger de grands voleurs d’Etat, quand, des voleurs d’Indomie sont exposés à la police, et face aux médias ? Quand la transition fait le choix de ces voleurs de luxe au détriment du peuple qui attend justice, il va sans dire que des deux groupes que nous venons d’exposer, certains ne peuvent pas accepter d’aller jouer le jeu, entendu qu’ils ne peuvent y aller que pour la vérité et pour le pays, les seules causes qui puissent les mobiliser. Politique issoufienne ? Les analystes avertis s’accordent à dire que derrière tout cela, l’on pourrait voir encore, le spectre d’un certain Zaki qui, dans ses stratégies, pour les secrets de ses ambitions démesurées d’imposer au pays une dynastie, a travaillé à faiblir des hommes en les poussant dans ce qui les compromet ou corrompt leur aura pour les discréditer auprès de leurs bases. On sait par exemple qu’un certain Omar Hamidou dit Ladan Tchana, Ibrahim Yacoubou d’une génération qui avait le vent en poupe, et qui avait encore de l’avenir devant elle, ont fini par succomber aux charmes d’un discours démagogique dont ils sont devenus les nièmes victimes, après Labo, Seyni Oumarou, Albadé Abouba et consorts. Il fallait les détruire politiquement pour ouvrir la voie, on l’imagine, au Fils, qui serait dans l’entendement du père, plus voué à un destin présidentiel. Et ce combat, chez l’homme qui a réussit à faire libérer son enfant, pour le même objet, n’est pas terminé. A qui le tour aujourd’hui ? Il faut craindre que ce soit les derniers guerriers, ceux-là qui, depuis des années, ont osé braver le pouvoir d’Issoufou, faisant montre d’une résistance extraordinaire, soient les prochaines victimes. Mais comment cela pourrait-il leur arriver quand on sait qu’ils résistèrent jusqu’ici, y compris à l’appât facile et ce d’autant que même ni la prison ni la persécution ne purent ébranler leur enthousiasme dans la lutte. Mais, le Lion les a aujourd’hui, Labusanisme oblige, dans sa cage. Peut-il enfin les écraser ?

Premier épisode d’un mélodrame en cours au pays de Seyni Kountché.

Gobandy (Le Monde d’Aujourd’hui)