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Conflit RTN-Canal+ : Tensions techniques et juridiques menacent la diffusion télévisuelle au Niger

RTN Niger La Radio-Télévision du Niger (RTN) se trouve au cœur d'une controverse majeure avec le groupe français Canal+, après des incidents techniques et des différends contractuels qui ont mis en lumière des tensions sous-jacentes. Le 31 juillet 2024, un procès-verbal de constat a été dressé par Maître Cissé Amadou, huissier de justice, à la demande de la RTN, pour acter une série d’actions unilatérales entreprises par Canal+ au détriment de la chaîne nationale nigérienne.

Perturbations techniques et ingérence unilatérale

Selon le constat, Canal+ a décidé, sans consultation préalable avec la RTN, de connecter ses propres encodeurs pour diffuser le signal en Haute Définition (HD) via le bouquet Canal+ International. Cette action a causé de graves perturbations, notamment la rupture du signal de Télé Sahel lors du Sommet de l'Alliance des États du Sahel et la finale de la CAN, des événements d'importance nationale. Le mécontentement est d'autant plus grand que les abonnés nigériens de Canal+ n’ont pu suivre le message du Chef de l’État, sous le prétexte fallacieux que le Niger n'avait pas acquitté les droits de retransmission de la CAN.

Conflit sur la propriété du signal

Un des points d’achoppement soulevé par la RTN concerne la propriété du signal de Télé Sahel, qu’elle revendique comme sien. Canal+ ne saurait en faire usage à sa guise sans l’accord explicite de la RTN. Le constat révèle que des incidents similaires ont été signalés par des chaînes publiques au Mali et au Burkina Faso, où des désagréments techniques ont également été observés.

Intervention musclée et agissement controversé

Le conflit a pris une tournure plus grave lorsque des représentants de Canal+, accompagnés d’un huissier de justice, ont fait irruption dans les locaux techniques de la RTN, déconnectant les encodeurs installés, selon des témoins, dans un but de sécurisation. Cet acte a été perçu comme une mesure extrême et injustifiée, mettant en exergue la tension entre les deux parties.

Constatation physique des équipements

Avant toute opération, l'huissier de justice, Maître Cissé Amadou, a informé l'assistance de l'objet de sa présence : vérifier la présence des encodeurs et leur état. À 15 heures 10 minutes, il a procédé aux constatations physiques, révélant que deux encodeurs de couleur noire étaient présents dans le coffre-fort de la RTN, confirmant ainsi qu'ils n'avaient pas été déplacés. Ces encodeurs ont ensuite été testés par le Directeur technique de la RTN, démontrant qu'ils étaient en parfait état de fonctionnement. Le basculement du signal de la définition standard (SD) à la haute définition (HD) s'est fait instantanément, prouvant la fiabilité de ces équipements.

Monsieur Abdoulaye Coulibaly, Directeur Général de la RTN, a précisé que suite aux propositions techniques faites par Télé Sahel à Canalsat, il avait été convenu de diffuser le signal en SD directement depuis le satellite, afin d'assurer une meilleure stabilité du signal, en lieu et place de la HD qui passait par une connexion internet peu fiable.

Questions juridiques et révision nécessaire de la convention

Le document met en exergue des insuffisances dans la convention de prestation de services liant la RTN à Canal+. Signée en 2022 dans un contexte politique favorable à la France, cette convention mérite, selon les responsables de la RTN, une relecture juridique approfondie. Les autorités nigériennes, notamment celles de la justice, sont appelées à prendre cette affaire à bras-le-corps pour garantir les intérêts de la RTN et assurer le respect des lois nigériennes, notamment en matière de publicité.

Conséquences et implications pour le paysage médiatique nigérien

Cette affaire soulève des questions sur l’indépendance des médias nigériens vis-à-vis des opérateurs internationaux, ainsi que sur la capacité de la RTN à protéger ses droits face à des géants de la diffusion comme Canal+. Elle met également en lumière des préoccupations plus larges sur la souveraineté médiatique du Niger, et sur la nécessité d'une révision des accords internationaux pour s'assurer qu'ils servent les intérêts du pays.

Le bras de fer entre la RTN et Canal+ est loin d’être terminé, et pourrait bien donner lieu à de nouvelles actions en justice. Le public nigérien, pour sa part, attend avec intérêt les développements de cette affaire qui pourrait redéfinir les relations entre la chaîne nationale et ses partenaires internationaux.

Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)