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Communiqué de la 1168ème réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 14 août 2023, sur l’exposé actualisé de la situation au Niger. Où en est-on dans le monitoring ?

Il vous souviendra que le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA), lors de sa 1168ème réunion tenue le 14 août 2023, sur l’exposé actualisé de la situation au Niger, a adopté huit jours plus tard, soit le 22 août 2023, le communiqué PSC/COMM.1168 (2023). De l’avis des observateurs, il s’agit d’une décision de compromis, qui ménage la chèvre et le chou. Sur certains points, elle réaffirme les grands principes auxquels l’UA est attachée, façon de ne désavouer la CEDEAO (exemple de la suspension immédiate de la participation de la République du Niger de toutes les activités de l'UA et de ses organes et institutions) ; sur d’autres, le Conseil affiche une certaine méfiance, pour donner une chance à l’option diplomatique.

Des actions devraient être entreprises dans le cadre du suivi du Communiqué ; toutefois un mois et demi après, rien ne permet d’observer un début de mise en œuvre des mesures dont certaines pourraient décanter la situation actuelle. Il s’agit notamment :

  • De la nomination et du déploiement d’un haut représentant pour encourager les efforts de médiation de la CEDEAO.

Rien n’a filtré à propos de cette nomination, du moins officiellement, qui aurait permis de nouer et maintenir le contact avec les nouvelles autorités. Il serait vivement souhaitable que le (futur) haut représentant soit une personnalité non ressortissante de la zone géographique de la CEDEAO, afin de mener sa mission en toute neutralité et à l’abri de toute interférence politique.

  • De l’évaluation des implications économiques, sociales et sécuritaires du déploiement d'une force en attente au Niger et d'en faire rapport au Conseil.

L’évaluation a-t-elle débuté ou encore en attente ? les implications désastreuses et néfastes d’une intervention seraient facilement mises à nu  par une évaluation, ne serait-ce que sommaire ; a fortiori si une étude sérieuse était réalisée, ses conclusions seraient défavorables à toute "agression". D’ores et déjà, sur le plan économique, malgré la résilience affichée des populations, la fermeture des frontières occasionne un grand tort du fait notamment de l’approvisionnement du pays très perturbé, impactant les recettes douanières. En payent le prix au plus fort, les innocents citoyens, qui n’ont pas accès à certains produits pharmaceutiques ;le tout dans un contexte de cherté relative des prix et de délestages du courant électrique préjudiciables aux activités économiques. C’est là une infime partie de l’impact social. Une "agression" dans ce contexte de précarité aurait des conséquences incalculables et incontrôlées, au-delà du pays.

En considérant les implications multiples et multiformes du déploiement d’une force en attente, telles qu’elles pourraient être vécues par les laborieuses populations, celui-ci ne résisterait pas à un veto du CPS de l’UA.

  • Le rejet ferme de toute ingérence extérieure d'un acteur ou d'un pays extérieur au continent dans les questions de paix et de sécurité en Afrique, y compris les engagements de sociétés militaires privées sur le continent, conformément à la Convention de l'OUA de 1977 pour l'élimination du mercenariat en Afrique.

Avant et après le Communiqué du CPS, une puissance extérieure au continent continue à s’agiter,  de plus en plus, en agitant  même publiquement le spectre du recours à des actes de déstabilisation. Sans aucune réaction de l’UA, alors qu’un rappel à l’ordre s’imposait afin de stopper cette ingérence inacceptable d’une époque révolue.

  • L’application progressive des mesures de la CEDEAO.

Par rapport à ce point, également le bât blesse. En effet, tout en faisant sien l'imposition de mesures punitives adoptées par le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation politique au Niger, le CPS dit veiller à leur application progressive et en minimisant son effet disproportionné sur les citoyens du Niger.

Force est de constater que les mesures n’ont pas été graduelles mais se sont plutôt abattues comme une chape de plomb, de façon immédiate. Et les innocentes populations les vivent durement dans leur chair. L’UA devrait veiller qu’il n’en soit pas ainsi, conformément à son Communiqué.

Au vu de ce qui précède, les nouvelles autorités, à travers qui de droit, se doivent d’interpeller l’UA afin que les mesures, énoncées ci-dessus, contenues dans le Communiqué du CPS soient mises en œuvre, le plus tôt possible, car concourant à la paix et au  retour à une vie normale.

Abdourahamane Oumarou Ly

Juriste/essayiste/analyste politique