CoLDEFF versus Toges noires : Les populations supportent la CoLDEFF
La brouille née de la déclaration du président de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale (CoLDEFF) lors de l’audience accordée par le général Tiani au membre de la structure est diversement appréciée au sein de l’opinion nationale. A l’issue de l’audience dont le but était de faire le point des activités de la CoLDEFF au président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l’organe politique de la junte militaire au pouvoir depuis le 26 juillet 2023, le colonel Abdoul Wahid Djibo, président de la CoLDEFF, a déclaré à la presse que cette dernière a entrepris des démarches pour ‘’arracher légalement les dossiers pendants devant la justice’’ sans succès.
Il s’agit de dossiers relatifs à des actes de corruption et de malversations multiformes portant sur des biens publics traités par la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) et transmis à la justice depuis le règne Bazoum.
Le fait pour le président de la CoLDEFF de dire qu’il a cherché à récupérer lesdits dossiers pour les traiter a choqué le syndicat des juges qui enfourché ses grands chevaux, à travers une déclaration rendue publique, lundi 19 février 2024, pour s’offusquer de la démarche.
Comment le colonel Abdoul Wahid Djibo a-t-il pu oser proférer avec sa bouche de tels propos qualifiés ‘’d’impulsifs et de populistes’’, par les juges ? Pour le SG du syndicat des magistrats, Yahaya Doubou, ‘’cette grave déclaration, au demeurant maladroite, si elle venait à être mise en oeuvre par les autorités de transition, créerait pour nos concitoyens, une insécurité juridique et judiciaire ambiante et mettrait à nue la volonté de certains acteurs d’anéantir l’engagement du Président de la transition’’ pour la restauration de la justice sociale tant revendiquée par les populations nigériennes à la base.
Pour le Saman, la sortie du président de la CoLDEFF est un acte grave, ‘’un énième empiètement’’ des règles du droit constitutif de ‘’violations des droits humains’’ auquel s’adonne la commission administrative et dont ‘’la plus récente est la méconnaissance du principe universel des droits de la défense’’. Au regard de ce constat, le Saman en vient à la conclusion qu’il s’agit d’une véritable ‘’cabale contre l’institution judiciaire’’, mettant ‘’en garde’’ le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), par rapport au ‘’risque d’une crise institutionnelle sans précédent que fait planer ce projet à dessein inavoué visant le pouvoir judiciaire à un moment où les citoyens ont soif de justice’’.
Pour le syndicat des toges noires, les citoyens et magistrats doivent se mobiliser comme un seul homme pour barrer la route à cet acte qu’il a qualifié de ‘’projet funeste’’, appelant ses militants siégeant au sein de la CoLDEFF à se ‘’retirer sans délai’’ de la structure ‘’pour éviter d’être comptable de cette gageure contre le pouvoir judiciaire’’. Avant les juges, les avocats se sont aussi plaints de la CoLDEFF pour avoir pris la décision de les interdire d’assister leurs clients convoqués par la structure pour affaires les concernant. Ce qui n’est pas du goût du Barreau, qui considère cela comme une violation flagrante du droit à la défense consacré par la loi.
Ramer à contre-courant
L’alerte du Saman et du Barreau, qui considèrent l’attitude de la CoLDEFF comme une menace sérieuse pour les droits humains et les libertés fondamentales dans notre pays a-t-elle des échos favorables au sein de l’opinion nationale ? Lorsqu’on suit les réactions sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels, la réponse est non !
Elle suscite plutôt un tollé de critiques acerbes vis-à-vis des juges et des avocats qui sont voués aux gémonies par de nombreux concitoyens, ne comprenant leur intérêt soudain au respect des principes de règles de droit dans les procédures alors même qu’ils ont fermé les yeux s’ils n’ont pas carrément contribué à leur violation sous le règne des Renaissants pilotés par le PNDS Tarayya.
Si les populations soutiennent la démarche de la CoLDEFF, c’est parce que tout simplement le mode de fonctionnement de la Justice, qui laisse suspecter une instrumentalisation de l’appareil et la lenteur dans le traitement des dossiers ne les rassurent plus. Les dossiers de corruption et de malversations transmis par la HALCIA à la justice ne datent pas d’aujourd’hui. Combien ont-ils été traités à cette date ?
Les populations tiennent à ce que les délinquants à col blanc qui sont compromis dans des malversations financières et autres compromissions de biens publics rendent gorge. Qu’on récupère ce qu’ils ont volé au détriment de l’Etat. Est-ce trop demander à la justice qui est, en principe, le principal pilier dans un système démocratique ?
Par Tawèye (Le Nouveau Républicain)