Coldeff/Halcia/ Saman : L’assainissement a un long chemin à faire
La sortie du président de la Commission de lutte contre la délinquance financière et fiscale, après une audience avec le président du CNSP, la réplique des anciens responsables de la Haute autorité de la lutte contre la corruption et les infractions assimilées et celle du Syndicats des magistrats donne toute la mesure de la difficulté de conduire, dans ce pays, un assainissement viable. Le patron de la Coldeff disait que la Halcia aurait écrasé ses archives empêchant, probablement, que sa commission puisse s’en inspirer pour documenter certains de ses dossiers. Ce à quoi, la Halcia a répondu. Ces échanges qui peuvent jeter le discrédit sur l’assainissement prouvent qu’entre les deux structures, la communication n’est pas bonne. C’est en général le talon d’Achille des nouvelles autorités.
Que couterait à la Halcia une remise officielle des dossiers traités à la structure qui lui succède par la volonté des nouvelles autorités ? Même s’il y a eu une rupture, la continuité de l’Etat est une réalité. La Coldeff en a-t-elle fait la demande ? Et puis à l’heure de l’informatique, la récupération de données est une chose facile. Cette guéguerre, comme la guerre de Troie, n’aurait pas dû avoir lieu. Elle a simplement eu pour effets d’occuper les Nigériens devenus très friands des informations des réseaux sociaux. Est-ce l’effet recherché ? On a l’impression, d’une part, qu’en portant de telles accusations, le patron de la Coldeff discrédite la Halcia qui a pourtant fait un honnête travail d’investigations.
Si à sa création, elle n’avait pas le pouvoir de poursuites. Dans ces conditions, personne ne condamnait cette Autorité. Et tout le monde savait qu’elle transmettait les résultats de ses investigations à qui de droit. C’est là que les décisions de poursuites sont engagées. Depuis des années, ces décisions sont prises en fonction de l’appartenance politique. Les amis politiques sont soustraits et les adversaires poursuivis. A la fin, des possibilités de poursuites seront accordées à la Halcia. Même dans ce cas, elles seront rares. Sur ces entrefaites se produira le coup d’Etat du 26 juillet. D’où la naissance de la Coldeff en lieu et place de la Halcia. Et depuis, en dépit du soutien de la majorité des Nigériens,
corporations commencent à élever la voix et dénoncer les procédures utilises par la Coldeff pour récupérer l’argent détourné. Le barreau sera le premier à dénoncer la non-assistance judiciaire des présumés délinquants financiers et fiscaux.
De par la mission de cette commission que viendra faire un conseil lors de la convocation d’un présumé délinquant ? Dans cette procédure, en principe, il n’y a pas de mise probable en accusation. Donc à priori pas besoin de conseil. Ce qui se passe à la Coldeff est simple. Il est présenté les fraudes. Le prévenu a deux possibilités. Nier et apporter ses preuves ou reconnaître et prendre des engagements. La Commission transige. Que peut dire un avocat dans ces conditions. Les toges noires pourraient attendre qu’une procédure au pénal pour défendre leurs clients qui on le sait sont riches comme Crésus. Capables alors de s’offrir les meilleurs. Et justement, c’est là que les autorités nigériennes sont attendues. Si un prévenu accepte de payer, ce qui se passe en tenant compte des recettes, alors il est coupable. La suite logique est une poursuite au pénal. Et le ministre de la justice avait ébauché la conduite qui serait envisagée : la création de tribunaux composé de magistrats et de jurés. Une procédure qui permettra de connaître les avocats qui ont le talent de convaincre des jurés. On ne serait au stade des arrangements. La deuxième corporation qui élève la voix figure les magistrats.
Par le biais de leur syndicat, ils protestent. Si les avocats mettent en avant la défense et certainement l’espèce sonnante et trébuchante, les protestations des magistrats étonnent. Le syndicat des magistrats semble disqualifier pour se plaindre. Qu’a-t-il fait pour soustraire le parquet de l’autorité de la tutelle ? Rien. Et tous les dysfonctionnements dans la justice sont dus à l’inféodation du parquet au ministère de la justice. Qu’a fait le syndicat, quand il s’est agi de l’affaire du ministère de la Défense ? Là aussi rien. C’est l’Agence judiciaire de l’Etat qui dit qu’elle ne poursuivra pas les délinquants. Et pourtant, s’il s’agit d’un voleur de poulet on condamne sans sourciller. On se rappelle aussi de toutes les affaires jugées dans des conditions pas très juridiques. Et c’est l’oeuvre des militants de ce syndicat.
L’affaire des bébés dit importés est un cas d’école du comportement de certains de nos magistrats. En première instance, le juge’ a lu le droit. Estimant comme le stipule les textes, le civil, dans cette affaire, tient le pénal. En clair, il aurait fallu une plainte des vrais parents. Il aurait aussi fallu que cette plainte soit vidée pour qu’une plainte au pénal soit initiée. On sait aussi qu’un leader du parti au pouvoir avait dit que les juges ont été corrompus et que rien n’empêchera la condamnation des prévenus Et, il a été trouvé de magistrats qui ont repris le dossier et condamné. On sait aussi que des magistrats ont maintenu, sur injonction du politique, des Nigériens en prison plusieurs années pour par la suite prononcer un non-lieu. Ils auront fait la prison cadeau. Et ce par la faute des magistrats. On sait aussi tout le mal fait aux Nigériens par des magistrats lors des différents scrutins. Il faut de temps en temps regarder dans le rétroviseur.
Modibo (Le Nouveau Républicain)