Clameurs de colère contre l’ordonnance de Tiani : Gare à une rupture brutale du charme !
Quelle mouche a-t-elle pu piquer le général Tiani Abdourahamane pour l’amener à prendre cette ordonnance (n°2024-05 du 23 février 2024) portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevance et à la comptabilité publique ? Comment un soldat qui a fièrement proclamé avoir renversé le régime du président Bazoum Mohamed pour mettre fin à la malgouvernance caractérisée par des détournements massifs des deniers publics, la corruption à visage découvert dans les hautes sphères de l’Etat, l’impunité, l’injustice sociale, une gestion clanique, etc., peut-il poser un acte aussi indécent qui vise clairement à légaliser les pratiques malsaines qu’il dit pourtant vouloir combattre durant la transition ?
Comment a-t-il pu se laisser convaincre qu’il peut et doit prendre une ordonnance pour soustraire les commandes de matériels, marchandises, et prestations de services au profit des Forces de défense et de sécurité (FDS) au paiement des impôts, taxes et redevances mais aussi à la comptabilité publique ?
En dehors du fait que certaines commandes notamment d’achat d’armements peuvent revêtir le sceau du secret-défense, pourquoi les achats et prestations de services au profit des secteurs de la Défense et la Sécurité doivent-ils être exemptés d’impôts, taxes et redevances et soustraits à la comptabilité publique ? Pourquoi ils ne peuvent plus être régis par les dispositions du code général de passation des marchés publics ?
A travers cette manoeuvre malheureuse transparait clairement une volonté manifeste du CNSP et de son président de gérer exclusivement, dans l’opacité totale, tout ce qui est dépenses de l’Etat au profit de FDS, sans rendre des comptes par rapport à la gestion des fonds alloués au secteur.
Les modalités d’application de l’ordonnance seront fixées par un décret pris en Conseil des ministres, lit-on dans le document. En attendant l’adoption dudit décret, des voix commencent à s’élever au sein de l’opinion nationale pour exiger du général Tiani l’abrogation pure et simple de la fameuse ordonnance, la qualifiant de vanne grandement ouverte pour la culture de la corruption et les pratiques assimilées. Les Nigériens craignent, et à juste titre, la réédition des ‘’MDN-gate’’, en référence à des malversations portant sur quelque 76 milliards de francs destinés l’achat d’armes, de munitions et d’équipements commises par des opérateurs économiques au ministère de la Défense nationale entre 2016 et 2019, rappelle-t-on.
Marquant son ferme rejet de l’ordonnance, le Conseil exécutif national de Transparency International-Niger (T.I-N), s’est réuni le lundi 11 mars 2024, pour condamner sans réserve sa signature, qui symbolise ‘’la marche du Niger vers la promotion de l’affairisme au sommet de l’Etat’’.
Pour TN-N, l’ordonnance est d’autant inique et cynique qu’elle a été prise sans consultation ni concertation avec les acteurs concernés. En cela, elle constitue une grave atteinte aux principes de transparence, de redevabilité et de bonne gouvernance qui sont au coeur des attentes des Nigériens vis-à-vis du CNSP. Elle ouvre un grand boulevard à la grande corruption. Ce n’est ni plus ni moins que de cela qu’il s’agit, selon l’interprétation de l’organisation de lutte contre la corruption. ‘’Cette ordonnance confère aux autorités le pouvoir discrétionnaire de passer des marchés publics sans appel d’offres ni contrôle préalable, de dispenser certains opérateurs économiques (du reste connus de tous) du paiement des impôts, taxes et redevances, et de soustraire certaines dépenses publiques au contrôle des services compétents et des citoyens nigériens’’, souligne le communiqué.
Au regard de la gravité de l’acte posé par Tiani, Transparency International-Niger dit condamner sans réserve la signature de cette ordonnance qui illustre la marche du Niger vers la promotion de l’affairisme au sommet de l’Etat, avant de rappeler au président du CNSP ‘’ses multiples professions de foi quant à son engagement pour une gestion transparente des affaires publiques’’.
Et pour éviter toute détérioration inutile des rapports entre les populations et la junte, il est demandé à Tiani l’abrogation pure et simple de cette ordonnance hautement ‘’corruptogène’’ et qui va permettre de faire main basse sur les biens publics.
Et aux organisations de la société civile de se mobiliser pour lutter contre et la mauvaise gouvernance annoncée par l’ordonnance n°2024-05 du 23 février 2024. Le général Tiani prêtera-t-il une oreille attentive aux clameurs de contestation suscitées par son ordonnance et renoncer à son application ? Le temps nous le dira. La seule certitude, c’est que le sentier sur lequel il veut s’engager est escarpé et truffé d’embûches.
Tawèye (Le Nouveau Républicain)