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CEDEAO/NIGER : Les hallucinantes contradictions

Le dernier sommet des chefs d’Etats de la Commission économique de développement des Etats de l’Afrique de l’ouest, tenu le 10 décembre et la décision de la Cour de justice de cette même organisation, intervenue quelques jours après, prouvent à suffisance que ses responsables ont perdu leurs repères. A Abuja, au Nigeria, les chefs d’Etats ont reconnu le coup d’Etat du 26 juillet. De facto, ils reconnaissent les nouvelles autorités, leur demandant une transition courte. Il n’est question du régime déchu. La réinstallation du Bazoum est reportée aux calendes grecques.

Le 15 décembre, la Cour de justice de la CEDEAO, dans un arrêt, demande la libération de l’ancien président et sa réinstallation sur le fauteuil présidentiel. Les juges communautaires ont ainsi méconnu les décisions de chefs d’Etats. On peut penser que la justice communautaire a fait preuve d’indépendance vis-à-vis du politique. Somme toute une chose souhaitable dans une gouvernance démocratique. A y voir de près et en mettant bout à bout certains non-dits, il n’est nullement question d’indépendance. C’est surtout une inféodation des juges de la Cour de la CEDEAO au politique. Au dernier sommet d’Abuja, on notait l’absence du président ivoirien Alhassane Ouattara, de Patrice Talon du Benin et du Sénégalais Macky Sall. L’aile dure à propos de la question du Niger. On se rappelle aussi que quelques heures avant l’ouverture du sommet le président Talon a rendu visite à Bola Tinubu. Ce dernier qui a entendu les récriminations de ses compatriotes dans la gestion de la crise au Niger. Des élus du Nigéria, plus précisément les Sénateurs, ont désavoué les ardeurs guerrières de leur président. Les Etats Unis ont, probablement, tempéré ses ardeurs. Sans compter les avertissements des très puissants chefs religieux de l’Islam et du Christianisme de ce grand voisin du Niger. Et depuis le président du Nigeria privilégie les négociations avec les militaires du Niamey. Et puis, il faut dire que le Nigéria n’est pas une ancienne colonie française et ses dirigeants ne sont pas redevables à cette puissance. Contrairement aux autorités actuelles du Benin, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Il n’est pas inutile, pour mieux comprendre ce qui se joue au Niger, de rappeler que le président Ouattara tient son pouvoir de la France. Après avoir imposé une guerre civile, avec la bénédiction et le soutien de l’armée française, à son pays, il accèdera à la présidence grâce à un coup d’Etat perpétré par cette même armée française contre le vainqueur de l’élection, le président Gbagbo. Macky Sall, lui, doit tout à la France. Après une tentative de passer outre les dispositions pertinentes de la Constitution sénégalaise de s’offrir un troisième mandat, il fera marche arrière sur les conseils et garanties de l’Hexagone. Le cas du béninois Talon semblait incompréhensible. Son pays et le Niger avaient des relations particulières. Tout le fret du Niger passe par le port de Cotonou. Des recettes importantes. Le Niger a aussi choisi le Benin pour l’exportation de son pétrole. En dépit de toutes ces attentions, le président Béninois se met du côté des ennemis du Niger. C’est simplement, récemment, que tout semble devenir clair. Talon est un descendant, dit-on, de négriers.

Là où il y a problème, c’est que ces trois bras armés -les trois mousquetaires- ne brillent pas, dans le domaine de la gouvernance, par l’exemple. Chacun d’eux a des cadavres dans son placard : Soro, pour Ouattara, Sonko, pour Macky et Reckya Madougou et Adjavon pour Talon. Et certainement, le voyage de ce dernier à Abuja avant le sommet de la CEDEAO, est la raison pour laquelle les trois mousquetaires n’étaient présents au sommet. Tinubu a dû dire clairement que le régime de Niamey sera reconnu. Etant minoritaires dans la Communauté, ils boycottent. Dans l’impossibilité de contrôler le politique, ils contrôlent le judiciaire. D’où la décision judiciaire qui prend le contrepied de la décision du politique. Ces contradictions sont le signe du malaise dans cette organisation communautaire. La désintégration en perspective.

Si l’on ajoute la naissance de l’Alliance des Etats du Sahel, la mort cérébrale de la CEDEAO n’est plus très loin.

Modibo