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Cedeao et démocratie : Le Président Talon n’a rien compris

 Niger Benin Patrice TalonLe Président Patrice Talon, un des fervent défenseurs des sanctions et notamment de l’invasion militaire du Niger est désormais dans la sauce de la CEDEAO, son pays payant cher les mesures qu’il appliquait avec une générosité étonnante, se plantant, avec ses propres mains, le couteau dans le ventre, aujourd’hui gémissant sans qu’on entende trop ses complaintes. Depuis quelques jours, sans que le problème du brut nigérien ne vienne sur la table, peutil lire sur les réseaux sociaux, s’agitant à se repositionner dans le débat, pour presque se désolidariser de mesures qui perdurent, des activistes noter qu’il est en train de lire l’heure. Ici, nous voudrions nous intéresser à une de ses analyses que nous avons trouvée peu pertinente lorsque, égaré dans le désarroi, et pour montrer qu’il serait pour des mutations profondes au niveau de la CEDEAO, il propose de retirer carrément des textes de l’Institution régionale « le fait d’être garant de la démocratie », oubliant que ce n’est pas l’inscription de telle ambition somme toute louable que l’on conteste mais ce qu’on en fait dans la réalité, ou pour être juste, l’application sélective qu’on en fait.

Le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance était une grande avancée en ce que, à l’époque, ceux qui ont voulu de ces mutations, voulaient que l’espace CEDEAO soit un modèle de bonne gouvernance et de démocratie dynamique afin de permettre mieux de réussir l’intégration économique, et peut-être plus tard, politique. Ils savaient que le problème est moins avec les oppositions mais avec ceux qui gouvernent et qui, une fois qu’ils découvrent les ors du pouvoir, oublient tout ce qu’ils ont à faire, et notamment les exigences de leur part vis-à-vis de la démocratie. Lorsqu’ils peuvent penser que parce que l’on est au pouvoir on doit, quel qu’en soit le prix, se débrouiller à gagner une élection pour ne pas perdre les privilèges liés au pouvoir, c’est que l’on n’est plus en démocratie. Quand, des gens au pouvoir, peuvent, comme on l’a vu au Niger sous Issoufou et actuellement, au Sénégal sous Macky Sall, enfermer sur du faux un opposant pour ainsi croire qu’on se donne plus de chance de remporter une victoire alors sans goût parce qu’on ne peut croire à ses propres idées à vendre au peuple, sans doute qu’on dessert la démocratie. Mais le pire n’est pas d’avoir ces prédateurs de la démocratie mais d’avoir une CEDEAO qui, voyant de tels actes, ne peut avoir un langage de vérité qui sied pour appeler à l’ordre ceux qui s’éloignent des principes, et détruisent la démocratie. Cela fait longtemps que dans certains pays, plus personne ne croit à cette CEDEAO surtout quand, renforçant son architecture institutionnelle d’une Justice, toutes les fois que les Opposants ou d’autres citoyens y vont pour se plaindre, on leur retorque que parce que l’affaire avait été jugée dans le pays, la justice de la CEDEAO ne peut revenir sur la « chose jugée », démontrant ainsi par elle-même qu’elle est inutile sinon que d’ajouter aux charges de l’Institution pour le confort de quelques individus qu’elle doit pourtant payer cher.

Voilà donc la vérité, Monsieur patrice Talon. La question est moins celle que vous posez mais de se demander comment faire, quel mécanisme faut-il mettre en place pour que, ceux qui sont au pouvoir ne corrompent plus la démocratie afin de laisser tous les citoyens aller à des élections et surtout à faire en sorte que ceux qui sont au pouvoir ne détournent pas les élections pour les emporter par quelques rafistolages qui réduisent au rang de démocraties bananières ce que nous pratiquons ici, un peu comme pour donner raison à cet autre en France, qui peut prétendre que l’Afrique ne serait pas mûre pour la démocratie. D’ailleurs, quand on voit avec quel enthousiasme, les peuples saluent les coups d’Etat, l’on ne peut que comprendre l’ampleur du mal que la démocratie nous fait, leur déception vis-à-vis d’une démocratie qui a trop déçu, ou du moins de la pratique qu’on en fait et qui donne même à douter de la démocratie et de ce qu’elle pourrait promouvoir la rigueur dans la gestion. La démocratie ne nous aura donné que des voleurs et autres complices de l’impérialisme.

C’est pourquoi, la CEDEAO a tort de n’avoir de cibles que les peuples au lieu de viser ceux qui, aux commandes des Etats, prennent en otage la démocratie pour vouloir tout imposer à des peuples qui doivent alors subir. Non. La démocratie ne venait que pour donner la parole aux peuples pour qu’ils disent ce qu’ils pensent et pour que les gouvernant en tiennent compte pour n’être que de bons serviteurs des peuples. Tant qu’ils ne pourront pas le faire, il y aura ce hiatus entre les peuples et l’élite que la démocratie leur apportait sans être capable de rien changer sinon que de se changer. Le cas nigérien est abyssal de ce point de vue quand on peut voir, les énormes dégâts de la gestion du parti socialiste nigérien, le PNDS, avec ces nombreux scandales qui mettent toujours en cause des dizaines voire des centaines de milliards partis dans les poches d’individus qui n’ont visiblement aucun sens de l’Etat. Sans doute que Bazoum qui a eu du plaisir à passer par deux fois à Cotonou pour finir par se lier d’amitié avec Talon, a été charmé par le nouveau visage de cette ville, merveilleusement refaite, pour comprendre qu’avec le sérieux et l’engagement, on peut bâtir, même si nous savons que les Béninois ont mille et une raisons de se plaindre de sa gestion. Les boulevards, l’esplanade de la guerrière, ce boulevard chic en bordure de la côte, font de cette ville aujourd’hui une des plus belles villes du continent, charmante et douce. Mais au Niger avec les milliards engloutis que trouve-t-on si ce n’est ce boulevard triste, cette bretelle qui va de l’aéroport à la présidente pour tromper les touristes de marque que le pays aura beaucoup changé alors que la misère est là à côté, de part en part, juste derrière la présidence, avec ces gros trous dans les rues dégradées qui deviennent, avec les pluies,des mares qui obligent bien d’usagers à contourner. Le sérieux existe donc et c’est ce que l’on demande à aux hommes politiques, à aux dirigeants.

Il ne serait donc que trop grave que la CEDEAO – si elle doit continuer à exister – n’ait plus un oeil regardant sur la démocratie telle qu’elle se vit pour laisser les gens faire comme ils veulent. Ce sera donc pire que ce que l’on plaint aujourd’hui. Tant qu’on n’aidera pas nos démocraties à se parfaire, l’on ne pourra rien changer. C’est pourquoi il est important que nous-mêmes, nous sachions ce que nous voulons pour ne plus compter sur un autre. Tout candidat qui se fera coacher et imposer par la France, ne doit pas participer à des élections. La dernière fois tout le monde a vu le candidat du pouvoir, et donc de Macky Sall, aller rencontrer le président français, sans doute pour prendre des engagements avec lui, et l’on a compris qu’un tel homme, ne pourra rien faire de bon pour le Sénégal sinon que de travailler aux seuls intérêts de la France qui jouerait en retour pour lui assurer une victoire arrachée. Comme Jean Yves Le Drian le fit avec Bazoum.

La CEDEAO le sait. Patrice Talon aussi. Mais alors, pourquoi, parce que Macky Sall et Emmanuel Macron ont compris que le peuple a compris et que, conséquemment le peuple prépare la bonne réponse que le candidat « made in France » mérite, le président sortant décidait de reporter l’élection alors que rien ne le prévoit dans la Constitution, et que ni la France ni la CEDEAO ne s’en émeuvent, prenant presque acte de la grave violation qui consacre là, sous les yeux de Tinubu et de Ouattara, un autre coup d’Etat que les opposants et les peuples sénégalais ne peuvent accepter surtout quand, en plus, certains acteurs majeurs de la majorité au pouvoir, s’étaient désolidarisés de cette démarche trop dangereuse pour la démocratie et pour la stabilité d’une des plus vieilles démocratie du continent. Ce sera donc une erreur grave que de demander à « votre » CEDEAO de ne plus se préoccuper de démocratie et de liberté. Le problème, peu-on le reconnaitre, est qu’elle ne doit plus le faire comme le fait pour savoir les problèmes qui ont conduit aux situations que l’on sait. Il est bon de rappeler pour le cas du Niger par exemple, comment la CEDEAO pouvait se taire, quand, Issoufou, pour s’empêcher d’affronter son opposant, le mettait en prison pour y battre campagne entre quatre murs – toute chose qu’on n’a jamais vu dans aucune démocratie du monde – et qu’après, ayant vu que cela, pour autant n’entamait pas sa popularité, décidait, pour aider Bazoum à triompher sans gloire, à invalider carrément sa candidature et à triturer les résultats pour déclarer son dauphin « admis » – pardon – vainqueur d’une élection controversée surtout quand, en amont, la candidature de ce celui qui était déclaré vainqueur, avait été contestée par une inscriptions que ses propres amis inscrivaient dans la loi fondamentale, sachant d’une part qu’il n’est pas Nigérien d’origine ainsi que l’exige le texte taillé sur mesure pour la fonction présidentielle et d’autre part parce que ces actes d’Etat civil, « arrangés » à plusieurs niveaux lui en donnaient au moins deux actes de naissance pour qu’un tel homme ne soit pas candidat, du moins présidentiable. Au même moment, à un autre Nigérien, on empêchait de se présenter. Et la CEDEAO, et l’UA et l’ONU ne pouvaient rien dire de ces aberrations quand même le Secrétaire Général de l’ONU, venant au Niger après l’élection, appréciant la carrure de l’homme politique recalé, disait que Hama Amadou ne peut pas avoir sa place en exil car des hommes comme lui, leur pays a toujours besoin d’eux. Qui tranche les élections si ce n’est le peuple souverain ? Pourquoi un autre, doit-il arracher au peuple, une prérogative qui lui est dévolue ? Et pourtant, comme sous Issoufou, Bazoum s’était bien accommodé de l’absence d’un adversaire craint, unanimement reconnu comme intelligent et travailleur. Est-ce ça la démocratie que la France nous vend et dont la CEDEAO se fait le vigile ?

C’est dire qu’avec de tels comportements, pour imposer aux peuples des dirigeants qu’ils n’auront pas choisis, la CEDEAO ne peut être crédible et jamais la démocratie ne peut avancer dans de tels pays et par de tels comportements. C’est pourquoi, si la CEDEAO doit exister pour les pays qui restent encore en son sein – et pour combien de temps encore ? – elle doit avoir le courage de dire la vérité à ceux qui dirigent et qui déraillent, s’éloignent des règles de la démocratie et de la bonne gouvernance afin de les arrêter dans leur errance.

Si elle ne sait pas le faire, forcément, Excellence Talon, « votre » CEDEAO mourra. Elle mourra de sa bonne mort. Irrémédiablement. Plaignez encore au Sénégal, cet autre coup d’Etat en bonne et due forme qui vient ébranler la CEDEAO. Tant pis.

Mairiga (Le Courrier)