Bazoum Mohamed : Entre l’étau d’un extrémisme suicidaire
Le président Bazoum Mohamed dont l’élection avait été controversée, marquée par de fortes tensions et une guérilla urbaine qui avait agité la capitale, s’étendant souvent jusque dans certains villages nigériens, à la suite d’une proclamation des résultats manipulés qui avaient mis le feu aux poudres, poussant des populations en colère à investir les rues. On ne pouvait donc pas comprendre que chassé du pouvoir, un tel acteur, mal élu après tout, ait eu une telle intransigeance à vouloir ne pas prendre acte de sa déchéance à la suite de l’action menée par les militaires, comptant sur une résistance interne et un soutien extérieur conduit par la France pour vouloir reprendre en main la situation et revenir pour reprendre le fauteuil qu’il perdait. Il a sans doute misé, surtout quand sa famille, épouse et enfant, devrait être avec lui, sur la pitié que son sort pouvait provoquer au niveau de certains milieux, pour être soutenu dans sa résistance. Des chances lui étaient pourtant données, pour prendre l’exemple sur d’autres qui avaient subi le même sort et les mêmes pressions pour résister. Mais, ils firent le choix de la grandeur, et ils s’en allaient par la grande porte, refusant que pour leur cause, leur pays subisse des violences inutiles, que leur pays sombre, que le sang de leurs compatriotes soit inutilement versé, estimant sans doute que la présidence n’est pas une fin en soi pour en souffrir tant de l’avoir perdu et vouloir le chaos pour s’en venger. S’il l’avait eu dans les règles de l’art, ce pouvoir, sans doute qu’on aurait pu comprendre cette attitude de sa part. Pourquoi, peut-il ne pas comprendre que dans la bagarre d’un autre, qu’il aurait pu se contenter de sa seule gifle qu’il aurait assénée pour s’en aller avec élégance ? Pourquoi a-t-il voulu insister pour se maintenir alors que tout était, de toute façon, perdu pour lui ?
Plus d’un an après, Bazoum un homme abandonné dans son combat ?
L’on est tenté de le croire car cela fait des mois que l’on entend plus ces voix qui prétendent se battre pour sa cause à organiser une résistance pour le ramener au pouvoir. Il n’y a finalement qu’un certain Rhissa Ag Boula qui prétend être encore sur le front pour un combat qu’il ne peut que perdre face à la vaillante armée nigérienne dont il connait, mieux qu’un autre, la bravoure et le professionnalisme. S’il n’y prend pas garde, il finira par périr dans les petits actes de harcèlement qu’il mène, à l’image de l’attaque à la sauvette, menée la semaine dernière à Assamaka où très vite, ses éléments se sont repliés pour publier par la suite un communiqué qui ne dit pourtant rien d’un succès militaire que le groupe aurait réussi là. Les autres bavards se sont tus car les soutiens qu’ils avaient s’étaient finalement amenuisés depuis que la France était restée seule, dans son option guerrière contre le Niger. Elle-même semble avoir déchanté depuis qu’elle comprenait qu’elle ne peut plus dicter pour le Niger ce qu’il doit faire et depuis qu’elle a également compris que toutes les options imaginées ne pouvaient pas réussir quand d’abord, la CEDEAO devrait se déchirer sur la question de l’intervention militaire qu’elle voulait préparer contre le Niger, et surtout quand, entre temps, les pays de l’Europe s’en sont désolidarisés et que les Etats-Unis, jouant la carte de la realpolitik, ont compris que ce ne devrait pas être la bonne attitude à adopter face à une crise aux multiples strates. Et pour cause, ils voyaient à quel point le peuple du Niger jubilait du fait du renvoi des socialistes du pouvoir, s’en réjouissant à soutenir, malgré les épreuves à affronter du fait des sanctions décidées contre le pays, et contre les nouvelles autorités militaires du pays. Il est vrai que la France tenterait, par d’autres voies, quelques actions de déstabilisation, mais éprouvant des difficultés à trouver des territoires proches dont elle peut se servir pour mener des actions subversives. L’Algérie, le Tchad, le Nigéria qui ont besoin d’une paix au Niger pour vivre en paix et qui, pour une telle raison, sont contraints d’avoir de bonnes relations avec le Niger, ne peuvent pas servir de basses-arrières à une France qui veut semer le chaos dans notre région car tout le monde a compris que le faisant, la France n’a aucun moyen de contenir le désordre provoqué dans le seul Sahel et que la violence, irrémédiablement, devrait s’étendre dans d’autres pays dont les peuples s’en sont à juste titre inquiétés pour appeler à la désescalade et se sont de ce fait, opposés au projet de guerre dans lequel la France voudrait les pousser. On entend encore, des médias occidentaux, notamment français, se réjouir que Bazoum Mohamed, le Président déchu ainsi qu’ils peuvent le reconnaitre, refuserait toujours de démissionner comme si sa signature pour acter sa déchéance du pouvoir était si nécessaire pour les militaires qui le renversaient pour continuer à l’exiger de sa part. Les militaires n’avaient pas besoin de ce détail pour s’assurer qu’il n’est plus président du Niger, sachant que la place vacante est effectivement occupée quelques heures après le coup d’Etat .Il ne faut pas oublier que les militaires savent bien les vrais résultats de la dernière élection trafiquée par le système déchu pour le placer à la tête de l’Etat. Un coup d’Etat même à ce niveau aurait pu se justifier face à des acteurs politiques qui tordaient le cou à la démocratie. En propageant une telle information qui voudrait l’héroïser dans son attitude extrémiste, ceux qui parlent pour d’autres motivations de sa prétendue résistance ne lui rendent aucun service. Peut-il être plus président que Kaboré ou ’Ibrahim Boubacar Keita pour décider que lui n’abdiquera pas ? Au contraire, cette attitude de sa part, pour les Nigériens, est la preuve de son égoïsme et sans doute aussi de ce qu’il n’aurait aucun amour pour ce pays dès lors qu’il peut accepter que des armées étrangères se coalisent contre le pays pour venir détruire et tuer, ce dans l’espoir qu’un tel acte, lorsqu’on aura tué jusqu’au dernier Nigérien qui résistera à son retour au pouvoir, il ait la chance de venir trôner sur un pays alors vidé de son peuple massacré ? Ibrahim Boubacar Keita, alors qu’Issoufou Mahamadou l’appelait à résister au nom de la même pseudo-démocratie avait refusé qu’une goutte d’un seul Malien soit versé pour défendre son fauteuil perdu et, plein de sagesse, il décidait, dans la dignité de s’en aller, souhaitant que ceux qui venaient aient plus de chance que lui , à mieux conduire son pays et à l’en sortir de la misère et de l’insécurité. Mais de telles réflexions n’intéressent pas Bazoum. Visiblement. Après son renversement, piégé sur son téléphone que les militaires lui laissaient pour communiquer avec le monde extérieur, il appelait à suspendre l’électricité à partir du Nigéria pour que les Nigériens, meurent de chaleur, et demandait Emmanuel Macron, gardien de la Renaissance, d’organiser une intervention militaire pour attaquer le Niger, donnant des informations précieuses, apprenait- on auprès de la « Junte » pour lui permettre de revenir au pouvoir. Habba, peut-on faire ça à son propre pays ? Sabo da iko ?
Ainsi pour de nombreux Nigériens, Bazoum Mohamed pouvait tout aimer mais pas le Niger. On comprend que les Nigériens ne pardonnent pas à tous ceux qui, face à une telle option dictée à la CEDEAO qui n’est que le bras armé visible de la France ayant soutenu l’intervention militaire pour déloger les militaires du pouvoir, ne peuvent qu’être des apatrides. Ils sont d’ailleurs nombreux à s’aligner derrière ce choix avant que certains, face à la non opérationnalité de l’intervention, se rétractent, pour défendre un autre discours par lequel ils font entendre qu’ils ne peuvent pas soutenir une telle action contre leur pays. Ils oubliaient que les Nigériens, eux, n’oublient pas leurs paroles. Ils avaient cru que parce que c’était la France qui décidait de cette guerre pour défendre ses « ouvriers » défaits, que forcément la guerre sera gagnée contre le Niger et contre le CNSP.
Aujourd’hui, après un an, l’on se demande, ce que le Philosophe devient, entre quatre murs, isolé du monde et des siens, mais sans doute plongé dans la philosophie qui est cogito, réflexion pour se perdre à s’interroger sur l’humain, sur l’art politique qui n’est pas forcément ce qu’en dit Nicolas Machiavel, sur la bête politique et sur les passions humaines dévastatrices. Vit-il donc les remords de ses extrémismes ? Peut-il, masochiste, se plaire dans l’inconfort dans lequel il vit depuis un an, dérouté par ses extrémismes, alors qu’une humilité aurait pu lui permettre de revenir à la vie pour se trouver une place dans ce merveilleux Niger qui se construit ?
Peut-il savoir l’héritage et l’identité qu’il laisse par ces extrémismes inopérants à ses enfants qui auront sans doute besoin de vivre dans un Niger de paix et où, quoi que fut le père et d’où qu’il vienne, ils voudraient vivre dans la plénitude de leur citoyenneté que leur donne au moins une ascendance maternelle ? Nous l’écrivons souvent pour dire que les choses de la vie, liées à la matérialité, ne doivent pas trop nous perdre et nous obnubiler. A nos enfants, nous laissons plus que des comptes garnis, plus que des biens matériels quelconques, plus que des villas cossu et insolents ; nous leur laissons un héritage inépuisable : le nom.
Avec le recul, Bazouma, comme dirait l’autre, pourrait avoir compris que l’homme politique nigérien n’est pas toujours fiable, girouette devant l’Eternel ainsi que s’en plaignait le Général Baré. Aujourd’hui, dans ses méditations profondes, il aura certainement compris qu’il aurait eu tort de s’engager dans un combat perdu d’avance car, il ne peut, pour des gens dont la boussole est dans le ventre, qu’être trahi. Et on les voit, qui cherchant une impunité, qui une place pour encore manger, courtisant les militaires au pouvoir pour couvrir leurs fautes de gestions. Et le peuple regarde.
Bazoum, par un orgueil trop excessif, n’a pas aidé Bazoum. Ainsi il s’est égaré. La voie de l’humilité pouvait pourtant sauver l’honneur. Mais tant pis.
Par Korombeysé (Le Canard en furie)