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Bases militaires françaises au Niger : Bazoum Mohamed est-il un président patriote ou un valet local de la France ?

La forte colonne militaire française bloquée par les Burkinabè à Kaya, a-t-elle quelle destination finale? Ce qui est sûr, elle traversait le Burkina Faso. De l’avis des autorités militaires françaises, son point de chute final est Gao, au Mali. Une destination qui n’a pas convaincu, aussi bien au Burkina Faso où les populations, fortement mobilisées pour y faire barrage, ont été intraitables, qu’au Niger où l’on soupçonne que ce matériel serait destiné à l’installation d’une nouvelle base de l’armée française à Dosso. La nouvelle a vite fait le tour du Niger et du monde. Et de partout, c’est l’indignation, les protestations et le rejet du projet. Déjà, celles qui existent sont contestées et chaque jour, des voix s’élèvent pour fustiger ce qui s’apparente, aux yeux des Nigériens, à une recolonisation de leur pays. À Dosso où la nouvelle base militaire française est projetée de l’avis de sources multiples, les populations ont commencé à s’organiser pour la riposte. Les évènements de Kaya semblent avoir fait des émules. Les Nigériens ne veulent pas rester en rade du mouvement populaire au Sahel contre la présence de l’armée française, soupçonnée de connivence avec les terroristes.

Le mouvement populaire prend rapidement naissance. Et le dimanche, 21 novembre 2021, les dossolais se sont réunis dans la capitale des Zarmakoye pour une déclaration publique et l’engagement solennel de s’opposer à toute installation de base militaire française dans la région. La présence de militaires français à Dosso, notamment au camp militaire Agali, ne facilite pas les choses. Les Français sont bel et bien à Dosso et selon toute probabilité, le matériel militaire bloqué à Kaya est destiné à la nouvelle base militaire française. C’est du moins ce qui se raconte. Une information démentie par le discours officiel selon lequel il ne s’agit nullement d’installation d’une base militaire française. Les militaires français remarqués à Dosso seraient là dans le cadre de la formation de forces spéciales comme le feraient les Américains à Dirkou, les Belges à Maradi, les Allemands à Tilia. Quoi qu’il en soit, la rupture entre la position des Nigériens et celle du pouvoir en place à propos de la présence militaire française est nette.

Les acteurs arrêtés ont été libérés grâce à une pression populaire autour du commissariat où ils sont détenus.

La préparation d’une riposte des populations contre l’installation d’une base militaire française à Dosso n’a pas été du goût des autorités locales. Dès le mardi, les principaux dirigeants du mouvement ont été interpellés et gardés à vue. Une interpellation perçue au sein de l’opinion nationale comme une volonté du pouvoir en place de briser les reins aux populations pour ouvrir une voie royale à l’armée française. Leur libération, intervenue le lendemain (hier, mercredi) a, certes, désamorcé la bombe, mais elle est loin d’avoir mis fin à la révolte qui sourd. Vérification faite, les acteurs arrêtés ont été libérés grâce à une pression populaire autour du commissariat où ils sont détenus. Ce qui présage la survie du mouvement.

Sur les réseaux sociaux, des partisans du pouvoir stigmatisent le comportement de ceux qui sont contre ce qui est perçu comme une installation de l’armée française à Dosso. De fait, la formation de forces spéciales par l’armée française n’a pas de balises temporelles connues. Jusqu’à quand durera cette formation ? Si elle n’a pas une durée limitée, elle va nécessairement être une présence permanente, dit un des acteurs. Assimiler cette présence des militaires français à Dosso à une formation n’est, donc, pas une ruse en soi. C’est tout au plus un sursis pour la France…et probablement pour le Président Bazoum, attendu au tournant par ses compatriotes. L’information selon laquelle ce dernier aurait eu un entretien téléphonique avec son homologue turc, Erdogan, sur l’éventualité d’acquisition par le Niger de blindés et de drones armés, donne certainement davantage de crédibilité au président Bazoum dans sa politique sécuritaire. Si le projet est avéré, il est clair que le Niger est en train de tourner le dos à la France. Si c’est un coup fourré médiatique, comme le pensent certains, gare aux conséquences sur le plan social.

Il s’agit de servir la France ou le Niger ; les Français ou les Nigériens.

L’interpellation des acteurs du meeting de Dosso contre toute installation d’une base militaire française allait probablement aboutir à leur incarcération puisqu’ils étaient censés être jugés en flagrant délit, le lendemain de leur arrestation. N’eût été la mobilisation populaire conséquente autour du commissariat, ils allaient être jugés et condamnés. Pour certains, le Président Bazoum, s’il en est pour quelque chose, trahirait ainsi ses véritables desseins. Contrairement à son homologue burkinabè qui a respecté l’opinion de son peuple, Bazoum irait-il jusqu’à emprisonner des Nigériens, voire à les violenter pour faire plaisir à la France ? Serait-il à l’image de son prédécesseur qui a fait fi des aspirations de ses compatriotes pour servir aveuglément la France ? L’épilogue de cette histoire est loin. Ce n’est que l’entrée en matière. On verra, dans quelques semaines, si le concept de formation de forces spéciales nigériennes n’était qu’une ruse pour désamorcer la pression populaire. Le Président Bazoum, qui a déclaré publiquement qu’ils n’ont besoin ni de soldats français ni allemands ou autres au sol, doit se résoudre à faire un choix. Et de l’avis de ses compatriotes, ce choix est clair comme l’eau de roche : il s’agit de servir la France ou le Niger ; les Français ou les Nigériens.

Le Niger n’a jamais été aussi menacé dans son intégrité territoriale, des pans entiers du pays étant devenus infréquentables pour les populations.

C’est un fait, les Nigériens, dans leur majorité écrasante, ne veulent plus des bases militaires étrangères sur leur sol. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais voulu. Ces bases militaires ont été installées par la seule volonté de l’ancien président, Issoufou Mahamadou. Des bases militaires, il en a fait installer un peu partout sur le territoire national, à croire qu’il s’agit d’un partage du gâteau. À chacun, son morceau de territoire. Les Américains à Dirkou, les Belges à Maradi, les Allemands à Tilia, les Italiens, on ne sait où et le gros morceau à la France qui se balade comme en territoire conquis, s’installant là où elle veut, quand elle le veut et comme elle l’entend. Une véritable occupation territoriale qui est en train de ceinturer tout le Niger. Au nom, prétend le discours officiel, de la lutte contre le terrorisme. Une lutte armée contre le terrorisme dans laquelle ni la France, ni les autres pays occidentaux présents au Niger, n’ont absolument rien apporté de concret. En tout cas, l’insécurité n’a jamais atteint un tel niveau dans le pays, particulièrement dans les régions de Tillabéry et de Diffa, avec, toutefois, une baisse drastique de l’intensité pour la seconde.

Pour les Nigériens, malgré sa présence militaire massive au Niger, la France continue à installer, mailler militairement le territoire nigérien comme si elle était en Nouvelle Calédonie. Une installation de plus en plus étouffante pour les Nigériens qui ont d’excellentes raisons de s’en prendre à la France. Le Niger n’a jamais été aussi menacé dans son intégrité territoriale, des pans entiers du pays étant devenus infréquentables pour les populations. D’où les contestations populaires contre cette présence militaire dont l’utilité est à démontrer. Celle de l’armée française, en particulier, suscite la révolte dans tout le Sahel. Le Mali a finalement décidé, sous la férule de jeunes officiers patriotes, de coopérer avec la Russie, jugée plus sincère dans ses relations. Quant au Burkina Faso, sa population, fortement mobilisée à Kaya, a bloqué, il y a quelques jours, le passage d’une colonne militaire française à destination, dit-on, du Niger et de Gao (Mali).

La marchandisation de la coopération militaire

L’argent serait-il l’argument qui a servi à rendre si serviles les autorités nigériennes pour accepter tant de bases militaires ? La question vaut son pesant d’or. S’il n’y a pas d’informations concordantes pour toutes les autres, la coopération militaire avec l’Italie, elle, a été sous-tendue par beaucoup d’argent versé par les autorités italiennes à celles du Niger. La révélation en a été faite par le Premier ministre italien, courroucé de constater que le Niger traîne les pieds pour respecter ses engagements. C’est Paris qui s’opposait à l’arrivée de l’armée italienne comme s’il s’agissait d’un territoire français. L’accord signé entre les deux parties a été longtemps démenti par les autorités nigériennes. Le ministre de la Défense de l’époque, Kalla Moutari, a même proféré des menaces de poursuites judiciaires contre quiconque émettrait une telle hypothèse. Bien évidemment, il surfait sur l’impossibilité pour la presse d’obtenir les preuves qu’il faut. Un combat finalement perdu. Contre vents et marées, entre les vouvoiements des autorités nigériennes et l’opposition de la France, l’Italie a su s’imposer en mettant l’une et l’autre dos au mur.

En attendant les prochains épisodes, qui risquent d’être très salés, le calme prévaut. Un calme précaire, la présence des armées étrangères ayant divisé le Niger en deux camps distincts. Quant au Président Bazoum, il a encore le bénéfice du doute, sa décision ultime de se tourner vers la Turquie étant jugée comme prometteuse.

Laboukoye