Barrage de Kandadji : À quand le bout du tunnel ?
Le projet Kandadji est vieux comme le Niger. Voici des décennies qu’on en parle sans qu’on voie, pour autant, le bout du tunnel ; l’ouvrage restant toujours au stade de Projet, sans fin… Comment peut-on comprendre et expliquer cette situation ? Pourquoi donc, même sorti des contradictions qui l’ont empêché de voir le jour et que les fonds nécessaires sont mobilisés, l’ouvrage ne peut toujours pas être réalisé ? Peut-il être encore l’objet d’adversités, et si l’on ose dire, l’objet de sabotage ? Le barrage de Kandadji serait-il la victime de sabotages successifs, depuis que, sous Kountché, le projet a été pensé jusqu’à la Renaissance des Camarades qui ne peuvent, malgré le travail abattu pour assoir sa réalisation, réussir à finir l’ouvrage dont le lancement des travaux avait été organisé sous la transition de Salou Djibo. La cinquième République, sous Tandja avec comme Premier Ministre Hama Amadou, avait fait de ce projet un objectif essentiel du dernier quinquennat. Et le gouvernement de l’époque réussit, avec un lobbying en Arabie saoudite, à convaincre et à mobiliser des fonds saoudiens pour couvrir le budget nécessaire au projet. C’est ainsi qu’avant son dernier mandat, le régime réussit à couvrir l’ensemble du budget mais sans avoir la chance de poser les premiers actes qui devraient consacrer le démarrage des travaux. Peut-être que le projet a eu la malchance d’être poursuivi par des hommes qui n’y croyaient pas. Mais, allez savoir pourquoi…En effet, cela fait des décennies que l’on parle de Kandadji et qu’on n’avait jamais vu le projet évoluer si ce n’était, justement, sous la 5ème République où une volonté politique avait permis de dépoussiérer le dossier sorti des tiroirs. C’est ainsi qu’avant, dans l’imaginaire nigérien, le projet étant devenu d’autant chimérique, le nom Kandadji devenait pour les Nigériens, synonyme d’un « projet impossible », d’une action qui ne peut jamais aboutir.
Mais comment comprendre, alors que le régime de la 5ème République réussit le plus difficile – mobiliser des partenaires et les fonds nécessaires au projet, que depuis 2009, le projet après le lancement en grande pompe de la transition de Salou Djibo, piétine, ne pouvant avancer ?Certains observateurs dans cette situation y voient les mêmes adversités qui ont, dès l’entame, combattu le projet, disant à qui veut les entendre, qu’il ne serait pas rentable pour le pays, mais cachant mal des méchancetés bien connues des Nigériens. L’interruption criminelle de l’interconnexion avec Kandji, a fini pourtant par montrer que ceux-là avaient tort et qu’ils manquaient de vision pour comprendre à quel point le projet est structurant pour l’économie nationale. Certaines situations qui arrivaient avaient même fait croire que le projet est sciemment saboté quand, quelques temps après, par l’entreprise russe choisie, la réalisation avait accusé un grand retard qui avait amené le gouvernement de la 7ème République à lui retirer le marché, non sans créer de nouveaux problèmes. Après les mauvaises gestions qui ont conduit des cadres du Programme en prison, l’Etat se rend compte qu’il faut encore renégocier des fonds additionnels pour pouvoir continuer le chantier et chanter d’entreprise. C’est ainsi que les Chinois reprirent le chantier, réalisant une bonne partie de l’ouvrage hydraulique alors que le placement des pilonnes pour le port de l’électricité a avancé, et la construction de certains espaces dédiés à l’aménagement agricole sont en cours. Pour autant, l’ouvrage n’est pas encore sauvé, il doit faire face à de nouvelles difficultés qui montrent bien qu’il gêne certains milieux qui ne peuvent aimer le voir réalisé. C’est ainsi que plusieurs fois, le chantier a été la cible d’attaques terroristes qui ont impacté les travaux avec souvent des suspensions qui joué sur les délais. Les événements du 26 juillet 2023 qui ont poussé certains partenaires à arrêter leurs partenariats avaient amené la Banque Mondiale, partenaire du Projet, à interrompre le chantier.Mais, la transition du Général Abdourahamane Tiani a compris tous les enjeux autour de cet ouvrage. C’est pourquoi, le gouvernement de Ali Mahamane Lamine Zeine s’est attelé à chercher d’autres partenaires pour relancer le programme, tirant les leçons du faux bond du grand voisin du Nigéria qui avait choisi de suspendre la fourniture au Niger en énergie électrique. Depuis, de nouveaux partenaires sont venus accompagner dans le redémarrage du chantier de l’ouvrage emblématique, donnant quelque espoir aux populations riveraines et au Niger qui pourrait, par un tel ouvrage stratégique, espérer enfin accéder à son indépendance énergique et se passer, on l’espère, de la dépendance des installations nigérianes, souvent tributaires des aléas et des conjonctures politiques. Le CNSP l’a d’autant compris que son porte-parole devenait l’ambassadeur du Barrage de Kandadji où il s’était rendu il y a quelques jours pour s’assurer des conditions de reprise du chantier. Cette visite est un signe fort de ce que l’oeil politique suivra désormais le chantier pour s’assurer que tout se passe désormais dans les bonnes conditions et pour respecter la réalisation de l’ouvrage dans les délais contractuels. Kandadji doit donc sortir de ces enlisements pour enfin voir le jour afin de permettre au Niger de régler trois problèmes essentiels : environnemental pour restaurer les équilibres de l’écosystème ; agricole pour assurer la sécurité alimentaire du pays ; et énergétique pour aller à l’indépendance énergétique pour un pays qui veut enfin faire son grand pas dans le progrès.
On peut croire que, plus qu’un autre, un régime militaire pourrait mieux réussir un tel ouvrage, au coeur de tant de résistances et d’adversités qui l’empêchent de voir le jour alors que, souvent, hypocritement, l’on parle de son intérêt pour le pays.
Mairiga (Le Courrier)