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Au service de la Françafrique : quand Jeune Afrique consacre un édito pour vilipender une imbattable femme, Nathalie Yamb

Nathalie Yamb

Jeune Afrique, ce journal panafricain d’une époque, aura-t-il réussi sa mutation idéologique pour servir autre cause que celle de l’Afrique et son immense besoin de sortir de la nuit dans laquelle la plongeaient des siècles d’esclavage et de colonisation ? Que fait le journal de Béchir Ben Yamed de son panafricanisme fondateur qui lui fit commencer des combats à travers cet organe qui donnait, en d’autres temps, bien de fiertés aux Africains et de prestige à son entreprise ? En s’acharnant contre sur cette femme – Nathalie Yamb – qui ou que, veut défendre ? François Soudan, un nom – Soudan – dont la consonnance africaine pourrait ouvrir une analyse onomastique, gêne dans l’objet de son écriture d’aujourd’hui, totalement à l’antipode de ce que défendaient comme idéal les pionniers. Sa parole ne sert plus l’Afrique, pas même l’idéal panafricain qui avait engagé les pionniers de cette entreprise de presse qui avait connu, faut-il en convenir, des temps où sa renommée fit le tour du monde comme Présence Africaine connut la même fortune, du reste. Et cette autre question vient : Jeune Afrique serait-il devenu un instrument au service de l’impérialisme, pire aux mains de la Françafrique pour s’en prendre aux énergies qui soulèvent et portent l’Afrique nouvelle, pleines de promesses et de dignité, non de vengeances ni de rancoeurs ainsi que Soudan voudrait le faire croire ? En consacrant un édito à Nathalie Yamb, sous le titre « Mme.Yamb, de l’influence à l’indécence », François Soudan laisse sa précieuse plume tomber dans le fiel, rabaissant et galvaudant le noble combat de ce journal qui a marqué des époques. Pourquoi d’ailleurs – si tel est son choix assumé – peut-il choisir de défendre la France et ses intérêts et dénier à Nathalie Yamb de défendre son continent, elle qui, même métisse, sait la profondeur de ses attaches africaines qu’elle ne saurait renier ? Veut-il d’ailleurs qu’elle s’alarme de ce que l’Union Européenne lui ait refusé d’habiter l’Europe alors que son Afrique, quelque part au Niger, lui offre l’hospitalité africaine, pour y vivre en citoyenne africaine reconnue et libre ? L’Afrique ne peut pas rejeter ses enfants surtout quand ils sont de ceux qui se battent pour elle. Ce n’est donc que légitime pour elle de se voir le pied mis à l’étrier à un moment où, ses adversaires, malgré sa citoyenneté suisse reconnue de son ascendance maternelle, cherchent à la faire sombrer et la faire tomber dans la dépression. Danser pour celle-là, en de telles moments où elle refuse de se mettre à genoux, signifie qu’elle reste debout, et surtout qu’elle a triomphé sur les méchants, refusant d’abdiquer et de courber l’échine. Yamb est le symbole d’une Afrique digne, battante, héroïque. Et cela gêne la France, non Emmanuel Macron, qui y a travaillé pour persécuter cette militante d’une Afrique libre, ameutant toute l’Europe à la poursuivre ! Voilà qui est indécent !
Soudan, souffre-t-il de la voir, malgré tout, si fière, si énergique encore et toujours, refusant le renoncement, même sous les coups que lui assène l’Europe ? En écrivant à partir de ces pays qui prétendent pourtant militer en faveur de l’émancipation de la femme, François Soudan tombe dans l’abaissement, refusant de valoriser cette héroïne qui a pourtant, sur le continent et à travers les diasporas africaines, plus d’audience que ne peut l’avoir sa plume aujourd’hui discréditée. D’ailleurs, pour quel intérêt, veut-il trainer dans la boue cette brave femme qu’on aurait pu distinguer quand elle peut faire preuve d’une telle pugnacité, ne se dérobant à ses engagements malgré les adversités immenses qui la visent, parmi lesquelles, aujourd’hui, Jeune Afrique qui, pour sa part de France, réduit son combat à attaquer une femme, au lieu de la célébrer.
Il n’est que dommage pour une plume respectable, au regard de son parcours de ne trouver rien à dire contre cette femme que de verser dans l’infâmie et l’injure ordurière et abjecte. C’est peu dire quand on l’entend s’interroger, non sans mépris, pour faire plaisir à ceux qu’il sert : « Nathalie Yamb serait-elle née avant la décence ? ». Jeune Afrique, ne peut-il plus avoir à défendre quelque idéal, à faire honneur à son rang et à son parcours, à avoir une parole noble, à faire de la critique juste, objective ? Chiche !
L’Afrique est déçue qu’un journal de sa trempe qui, par le nom qu’il porte, pourrait donner à croire qu’il pouvait être fier de soutenir l’époque avec les mutations en cours au Sahel qui donnent aujourd’hui, enfin, à croire que l’Afrique, portée par sa jeunesse consciente, se rajeunit, pour devenir une Afrique jeune ainsi que le rêvait sans doute, le fondateur de l’organe, au lieu de vilipender une femme qui lutte pour défendre l’Afrique et lui rendre sa dignité. C’est triste. Cette plume est méconnaissable. Pauvres de nous !
Mairiga (Le Courrier)