Amères vérités : Redressement financier au Niger et traque des détournements de milliards
Amères vérités : Le redressement financier passe inéluctablement par une traque de tous ceux qui ont fait main basse sur des milliards pour se construire des empires financiers
Depuis quelques jours, Niamey vit au rythme des confidences ou plutôt des discussions autour de ce qu’il est convenu d’appeler un secret de polichinelle. Le secret de polichinelle, c’est ce que peut révéler l’audit du secteur pétrolier. Tout le Niger sait déjà comment le pétrole a été géré depuis 13 ans, avec Pierre Foumakoye Gado, l’homme-lige de Issoufou Mahamadou et Sani Issoufou Mahamadou dit Abba, le fils de son père. Tout le monde sait que seuls Pierre Foumakoye et la famille Issoufou Mahamadou savent ce qu’ils ont fait des ressources financières générées par le pétrole et que la gestion opaque qu’ils ont privilégiée ne s’explique que par la volonté de faire main basse sur les revenus pétroliers. Déjà en 2012, Issoufou Mahamadou a négocié et obtenu, sans avoir requis l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale à laquelle il était pourtant tenu constitutionnellement obligé, un prêt de 1000 milliards de francs auprès d’Eximbank de Chine, une banque d’Etat chinois. La garantie ? La production pétrolière, exploitée en partenariat avec la société chinoise Cnpc. 1000 milliards, c’est énorme ! Pourtant, personne ne sait exactement ce que Issoufou Mahamadou a fait de ces 1000 milliards. 1000 milliards !
L’audit du secteur pétrolier ne peut donc que révéler ce que les Nigériens savent déjà, même si les résultats peuvent être encore plus monstrueux que ce qu’ils imaginent. En tout cas, c’est ce qui se raconte dans les salons feutrés de Niamey où des bribes d’informations sont partagées, sous un air de scandale révoltant. Les informations diffusées sur les réseaux sociaux alimentent ces échanges de salon et il n’est pas rare d’entendre que des Nigériens, abusant de leur situation et de leur statut, bénéficient d’une rente régulière de plusieurs dizaines de millions de francs CFA ; Sans rien faire, comme dirait un certain Hassoumi Massoudou. Bien entendu, ce n’est pas si surprenant lorsqu’on connaît l’ADN et les moeurs du régime incarné par Issoufou Mahamadou. N’est-ce les mêmes individus, entre autres, qui ont détourné et vendu à leurs profits personnels 15 000 tonnes de riz, une aide alimentaire offerte par la République islamique du Pakistan pour assister les populations de Diffa en proie aux exactions de Boko Haram ? Lorsqu’on peut faire à son peuple, l’on n’est pas éloigné des terroristes. Les crimes économiques ayant permis à Issoufou Mahamadou et à ses hommes de main de se construire des empires financiers par lesquels ils règnent sur le Niger sont à la fois innommables et innombrables.
La vérité, c’est que l’économie nigérienne ne peut être redressée sans une récupération de tous les biens mal acquis. Car, si l’on peut cautionner que des individus gèrent les ressources publiques comme leurs boutiques, il est évident que l’on ne peut construire quelque chose de beau et de bon pour la postérité. Il faut arrêter de se leurrer, on ne cherche pas des prêts pour faire face à des difficultés financières extrêmes alors que des individus sont assis sur des montagnes de milliards, acquis sur le dos de l’État par le biais de dols connus et établis par des rapports d’inspections. Entre nous, il sert à quoi de voter des lois lorsque, au moment de leur application, on les met à l’écart pour faire tout autre chose.
N’est-ce pas une façon de protéger les membres d’un clan de malfaiteurs qui doivent être derrière les barreaux pour l’intérêt général du Niger et de son peuple ?
N’est-ce pas créer les conditions d’une réédition de ce qui s’est passé sous Issoufou et par Issoufou ?
N’est-ce pas la façon la plus admirable de donner raison aux imbéciles qui pensent justement que seuls les imbéciles respectent la sacralité des deniers publics ?
Le problème du Niger, c’est la faiblesse de la justice et l’insincérité des acteurs de la société civile, ce n’est pas autre chose. Lorsqu’un gouvernant refuse l’application de la loi telle que prévue par le législateur et songe à changer les règles du jeu au moment de leur application, il ne peut convaincre de sa bonne foi et de sa volonté de servir l’intérêt général. On ne protège pas des criminels au détriment de la société, c’est la société qu’on protège contre les criminels. Et lorsque l’on comprend, cautionne et admet que le projet de gouvernance soit bâti sur des basses aussi surréalistes qui garantissent la liberté à des auteurs de crimes économiques et humains, il ne faut pas se faire d’illusions sur le résultat.
Le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zène est un homme qui souffre assurément. Il sait mieux que quiconque l’énormité du fossé dans lequel Issoufou Mahamadou et les membres de son clan ont précipité le Niger. Ce ne sont pas les auteurs des crimes qui paient, c’est lui qui trime à chercher et à trouver des solutions aux problèmes générés. Au four et au moulin, il doit faire face à une dette publique énorme qui n’est que le fruit de la corruption sous la 7e République.
Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) se fait du mauvais sang en acceptant de s’encombrer avec une situation des plus embarrassantes, pour ne pas dire compromettantes. Comment expliquer que même les auteurs du vaste et inadmissible scandale du ministère de la Défense soient à l’abri de toute inquiétude judiciaire ? D’ailleurs, il n’y jamais eu la moindre poursuite à l’encontre d’un quelconque haut fonctionnaire et/ou officier supérieur dans cette affaire. Sous Issoufou, puis Bazoum, Seuls les hommes d’affaires ont été entendus, histoire d’amuser la galerie avant que l’État, insulte suprême à l’endroit du peuple nigérien, ne décide de renoncer à se porter partie civile. Alors qu’il est l’unique plaignant. À dire vrai, les Nigériens ne comprennent pas cette logique et le Cnsp doit savoir qu’il doit changer de fusil d’épaule.
BONKANO (Le Canard en Furie)