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Amères vérités : N’est-ce pas une tragédie sociale que de constater que ce vilain exemple vient des chefs traditionnels, les gardiens de nos traditions et par-dessus tout relais de l’administration territoriale ?

Issoufou Mahamadou, il faut l’admettre, n’aura pas incarné que le règne de la corruption, des détournements massifs des deniers et biens publics, la primauté des intérêts extérieurs au détriment de ceux du Niger, il a symbolisé également la banalisation et la violation systématique des lois et règlements par ses partisans. C’est sous son règne que s’est développé cette propension chez des citoyens de plus en plus nombreux à s’affranchir des normes légales au nom de leur appartenance politique. Ainsi a-t-on vu naître des plaques d’immatriculation les unes plus fantaisistes que les autres. Cela a commencé, et c’est le signe le plus inquiétant pour le Niger, avec des chefs traditionnels : chefs de province, chefs de canton, chefs de groupement, amenokal, etc. Et comme la tentation de violer la loi et de paraître hors de portée de la justice est forte, particulièrement dans un contexte de laisser-aller, d’autres citoyens se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les chefs traditionnels pour s’arroger des plaques minéralogiques personnalisées. Tout y passe : section Pnds de telle localité, sous-section Pnds de telle localité, coordination Pnds de telle région, patronats Madaoua, conseil national de la jeunesse, imame de la prison civile d’Aguié et dernièrement, Alio Dan Magia, kanan Idi Masta.

Pour beaucoup de gens, ça fait sourire. Pourtant, c’est une tragédie que nous vivons. Une tragédie avant tout sociale. N’est-ce pas une tragédie sociale que de constater que ce vilain exemple vient des chefs traditionnels, les gardiens de nos traditions et par-dessus tout relais de l’administration territoriale ? À 95%, ce sont tous, aujourd’hui, des hommes instruits. Ce sont même, parfois, des cadres ou des personnalités de haut rang à la retraite.

En agissant ainsi, ils offrent l’image d’une société sans repères, sans normes et surtout sans respect pour la loi. Par cette permission qu’ils se sont accordée vis-à-vis de la loi, les chefs traditionnels ont entretenu au sein de la société une culture d’impunité qui ne les honore pas. Ils doivent par conséquent être les premiers à mettre de l’ordre dans les choses en se conformant strictement à la loi. Ils doivent impérativement faire immatriculer leurs véhicules et veiller à ce que force reste à la loi. C’est aussi l’ordre et la discipline qui les préserve d’éventuelles dérives de certains citoyens.

L’Etat, en tout état de cause, ne doit pas rester l’arme au pied et attendre le bon vouloir des citoyens pour faire respecter la loi. Un gouvernant incapable de faire respecter la loi est un gangster. Il ne mérite pas l’honneur du pouvoir d’Etat. Aujourd’hui, malgré les alertes et les condamnations, des individus continuent de rouler dans des véhicules avec des immatriculations fantaisistes et illégales. Le Niger donne ainsi l’impression d’être devenu une sorte d’anarchie où chacun y va de ses propres lois. La police et la gendarmerie semblent accepter le fait accompli comme s’il y a dans ce pays, deux catégories de citoyens : ceux qui n’osent pas rouler sans vignette et/ ou assurance et ceux qui n’ont besoin que de leur plaque comme laisser-passer.

Dans la plupart des cas, ce sont des hommes de pouvoir qui entretiennent cette situation de chaos et d’injustice. Qu’ils soient chefs traditionnels ou grands commis de l’Etat, le Niger ne mérite pas cette dégringolade des valeurs morales et républicaines. Et si rien n’est entrepris pour mettre un terme à cette chienlit, les dérapages risquent d’être sans limites et les conséquences, irréparables.

BONKANO