Amères vérités : les débats sur la refondation masquent les vraies questions
Amères vérités : Les Nigériens qui parlent de refondation et de la nécessité impérieuse d’asseoir les fondements d’une gouvernance vertueuse qui abhorre les détournements des deniers et biens publics font semblant d’oublier que le désistement de l’État à se porter partie civile n’est pas moins pernicieux que l’ordonnance portant création de la Coldeff. Tous deux constituent une grosse permission, voire une prime aux détournements des deniers et biens publics.
Nous sommes assurément dans un Niger de faux, d’hypocrisie et de mensonges érigés en dogmes et propagés dans un unique dessein de se réaliser. Les multiples débats télévisés sur la situation du pays et les perspectives sont l’occasion de voir la sourde mais tenace rivalité de compatriotes manifestement prêts à tout pour obtenir une place au soleil du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp). Une sourde mais tenace rivalité où le zèle le dispute âprement à l’hypocrisie, donnant à des débats un air théâtral où le jeu de rôles est parfaitement maîtrisé par les acteurs. Malgré les ratés et les insuffisances de départ du Cnsp qui devraient inciter à un profond doute, pour ne pas parler d’inquiétudes, le même phénomène dont on a été témoin au lendemain du 27 janvier 1996, avec le tasartché et durant la sulfureuse 7e République.
Les Nigériens, selon toute vraisemblance, n’ont tiré aucune leçon des turpitudes qui ont régulièrement conduit leur pays dans les méandres de l’instabilité politique et de l’incertitude. Ils en font la plate démonstration depuis le 26 juillet 2023 où, au lieu de chercher les voies et moyens d’éviter définitivement ce qu’ils ont subi sous Issoufou Mahamadou et Bazoum Mohamed, ils évitent soigneusement les questions qui fâchent pour tresser des lauriers au président du Cnsp et prétendre que la gouvernance de la Transition militaire actuelle est une merveille. Pourtant, nous sommes dans un pays où, près de deux ans après les évènements du 26 juillet 2023, des prisonniers politiques civils et militaires dont personne ne connaît le nombre exact croupissent encore en détention. Pourquoi ? Il ne vient à l’esprit d’aucun de ces illustres débatteurs, influenceurs et acteurs de la société civile qui pullulent les plateaux de télévision comme têtards dans un étang, de demander pourquoi le Cnsp garde-t-il des prisonniers politiques arrêtés et incarcérés par un régime qu’il a renversé ? N’est-ce pas là la première et principale épreuve à laquelle les citoyens doivent soumettre le Cnsp pour éprouver la sincérité de l’acte posé le 26 juillet 2023 ?
L’autre question par rapport à laquelle le Président du Cnsp peut se frotter les mains, tranquille et sans souci, c’est la lutte contre les détournements de deniers publics et l’impunité accordée aux prédateurs et criminels, d’abord sous le régime déchu avec le désistement de l’État à se porter partie civile (Lettre du Conseil de l’État du 2 novembre 2021 et ordonnance du 22 décembre 2021) dans le MDNgate et consolidée sous le Cnsp avec l’ordonnance 2023-09du 13 septembre 2023.portant création, missions, composition et modalités de fonctionnement de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale (Coldeff), précisément par les alinéas 2 et 3 de l’article 22.
Ça, les Nigériens qui parlent de refondation et de la nécessité impérieuse d’asseoir les fondements d’une gouvernance vertueuse qui abhorre les détournements des deniers et biens publics font semblant d’oublier que le désistement de l’État à se porter partie civile n’est pas moins pernicieux que l’ordonnance portant création de la Coldeff. Tous deux constituent une grosse permission, voire une prime aux détournements des deniers et biens publics.
La lutte contre la corruption et les infractions assimilées est un cuisant échec, mais même les grandes gueules devant l’Éternel qui ont ébloui les Nigériens avec leurs prétentions à un attachement morbide à la vérité et à un combat sincère pour un nouvel ordre de gouvernance sont muets devant la réalité. Sans gêne aucune, ils parlent de tout sauf de ces deux sujets. Ils projettent de perspectives dont les fondements n’existent pas. Histoire de convaincre, ils expliquent avec force arguments des choses qui doivent plutôt être constatées. En un mot, ils vendent du rêve là où le citoyen a besoin de vécu pour se forger une opinion.
Des prisonniers politiques dont ils ont réclamé la libération, sous Issoufou Mahamadou, sous Bazoum Mohamed et aux débuts du Général Tiani Abdourahamane, sont toujours maintenus en prison. La lutte contre la corruption et les infractions assimilées n’a ni fait gagner à l’Etat les centaines, voire les milliers de milliards mis en cause, ni mis hors d’état de nuire les criminels notoirement connus dans le MNDgate, les 1000 milliards d’Eximbank de Chine, l’uraniumgate, le dossier des exonérations douanières et fiscales, etc.
En se livrant à une lutte feutrée mais féroce pour rentrer dans les bonnes grâce du Cnsp et se faire une place au soleil, les acteurs de la société civile ne rendent ni service au Général Tiani, complètement asphyxié sous les louanges, encensements et autres discours panégyriques, ni au Niger qu’ils prétendent défendre et servir. Leur hypocrisie n’a d’égal que leur intérêt égoïste d’avoir leurs parts à eux. Ils continuent à chanter au Cnsp et à son président qu’il est possible de tresser sur des poux, ressassant les mêmes préceptes qui ont ruiné ce pays.
Les conclusions des Assises nationales sont claires, notamment par rapport au traitement judiciaire des affaires scandales qui ont ruiné le Niger. Le temps est meilleur juge et il saura nous permettre de distinguer le bon grain de l’ivraie. Il permettra de savoir si ce sont ceux qui accordent le bon dieu sans confession qui sont dans le vrai, le juste et le bon ou bien ceux qui doutent profondément sur la base de faits tangibles.
BONKANO (Le Canard en furie)