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Amères vérités : Dans cette affaire de Téra, on cherche, selon toute vraisemblance, des boucs émissaires alors que le coupable ou pour être plus précis, la coupable, est toute connue

Malgré le communiqué officiel de celui qui était ministre de l’Intérieur au moment des faits et qui indique que c’est bien l’armée française qui a ouvert le feu sur les manifestants à Téra, les autorités françaises tentent toujours de se disculper et de rejeter la responsabilité des tirs à balles réelles qui ont fait en fin de compte trois morts et 17 blessés, dont 11, grièvement. Cette responsabilité de l’armée française a d’ailleurs été corroborée par les médias français qui ont reconnu que c’est bien les soldats français qui ont titré à balles réelles sur les manifestants nigériens, les cartouches ramassées sur les lieux du drame étant estampillées Otan. En outre, selon des informations dignes de foi, les gendarmes nigériens n’ont pas tiré un seul coup de feu, le contrôle de leurs armes démontrant clairement qu’ils n’ont pas utilisé les munitions dont ils ont été dotés. Bref, c’est l’armée française qui a tué des Nigériens sur le sol du Niger ; il n’y a pas de doute là-dessus.

Parler d’enquête après avoir accusé, sans détours, la France, relève d’une sorcellerie dont seuls sont capables les autorités nigériennes. C’est bien un communiqué d’Alkache Alhada, alors ministre de l’Intérieur, qui incrimine l’armée française. Pourquoi le Président Bazoum parle-t-il alors d’enquête ? De quelle enquête s’agirait-il alors que son gouvernement a déjà indexé l’armée française ? Il est évident que le Président Bazoum essaie d’amuser la galerie, une diversion d’autant plus inutile et ubuesque qu’il n’y a aucune espèce de confusion dans ce qui s’est passé à Téra.

En revenant sur ce qui s’est passé à Téra et en infirmant qu’il a demandé aux autorités françaises de diligenter une enquête pour déterminer les circonstances de ce drame, le chef de l’Etat nigérien ne fait pas qu’amuser la galerie, il veut faire croire à sa totale liberté de jugement vis à vis de la France. Une France dont la présence militaire est fortement contestée mais que le Président Bazoum loue les mérites et la contribution dans la lutte contre le terrorisme. Quelle contribution ? Une contribution qui, malgré les équipements modernes, en termes de surveillance aérienne et de moyens de guerre, n’a pas été efficiente pour le Niger. Une contribution si nulle que l’armée française est perçue comme le danger dont il faut impérativement se débarrasser pour se prémunir contre les attaques armées.

Assurément, sur ce sujet, Bazoum Mohamed, pas plus que son prédécesseur, ne cherche pas à convaincre ses compatriotes sur le bien-fondé de la présence militaire française. Le fossé est énorme et il sait, de toute évidence, qu’il ne pourrait pas le combler. Son objectif est ailleurs et la France, sans aucun doute, s’y retrouve. On cherche, selon toute vraisemblance, des boucs émissaires alors que le coupable ou pour être plus précis, la coupable, est toute connue. C’est ce qui explique l’enquête que Bazoum Mohamed a promise pour connaître les circonstances de ce qu’il appelle des dérapages du maintien de l’ordre. Sa préoccupation n’est pas de savoir pourquoi l’armée française a titré à balles réelles sur les manifestants. Sa préoccupation n’est pas non plus de demander à la France des excuses publiques, encore moins des réparations, mais plutôt de chercher des têtes nigériennes à faire tomber afin, sans doute, de contenter les autorités françaises qui cherchent désespérément les arguments d’une thèse qui corroborent l’irresponsabilité de l’armée française dans le drame de Téra.

Par expérience à tout ce que le Niger vit depuis des années et qui a été parfaitement décrit dans le communiqué de presse rendu public par …Joule à l’issue de son séjour à Niamey et à Zinder, l’enquête que promet le chef de l’Etat nigérien est déjà connue. Elle va inéluctablement aboutir à de prétendues manipulations qui auraient jeté des jeunes en travers de la route du convoi militaire français. Un crime de lèse-majesté d’autant plus inacceptable qu’il s’agit tout de même de l’armée française au Niger. Des leaders locaux, notamment des acteurs de la société civile, vont être embastillés et jetés en prison et la France aura enfin trouvé une parade pour justifier la thèse qu’elle essaie de propager. Radio France internationale, véritable radio de la propagande de la politique française à l’extérieur, se fera le plaisir de faire entendre à l’international les résultats de l’enquête.

Cette façon de faire n’est pas si différente des pratiques qui ont eu cours dans les anciennes républiques d’Europe de l’Est sous la férule de l’Union soviétique (Urss) et qui visaient à élaguer les têtes qui dépassent à travers des complots montés de toute pièces d’atteinte à la sûreté de l’Etat. En attendant, donc, qu’on nous révèle les nouvelles victimes de ces pratiques qui desservent le Niger au profit de la France, le terrorisme, lui, ne faiblit pas. Au contraire, il s’amplifie, dans l’indifférence totale d’une France qui prétend qu’elle est là pour aider le Niger. Autant croire au mariage entre la carpe et le lapin.

BONKANO