Affaire Orano au Niger : Djibril Baré plaide pour la libération d’Ibrahim Courmo, dirigeant d’Orano
Publiée par Djibril Bare dans l'hebdomadaire "Le Nouveau Republicain" N°585 du 04 septembre 2025 "Lettre ouverte au Général d’Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, pour la libération de mon frère et ami de 55 ans, Ibrahim Courmo dit Himou, dirigeant d’Orano"
Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi, en cette veille de Mouloud célébrant la naissance du Prophète (SAW) de notre religion commune, de vous exprimer à nouveau toute la gratitude du peuple nigérien pour avoir restauré la souveraineté et la dignité de notre pays, grâce à votre courage et au sacrifice suprême consenti le 26 juillet 2023. Je tiens également à vous remercier pour la libération des prisonniers politiques, civils comme militaires, dans une parfaite communion des cœurs et des esprits, à l’issue des assises nationales tenues au mois de mai 2025.
Je voudrais aussi exprimer ma profonde gratitude, ainsi que celle de ma famille, pour l’inscription du droit à la vérité sur l’assassinat du président Ibrahim Mainassara Baré, patriote comme vous, parmi les recommandations issues de ces assises. Enfin, je ne saurais passer sous silence l’honneur fait à mon père, Djibo Bakary, syndicaliste et homme politique hors pair, en donnant son nom à une célèbre avenue. Qu’Allah SWT vous bénisse pour ces actes de générosité.
Monsieur le Président de la République,
Après deux, (2) précédentes lettres dans lesquelles j’avais formulé des vœux, tous exaucés fort heureusement, je ne pensais pas avoir à vous écrire de nouveau sur des questions aussi délicates, afin de ne pas abuser de votre générosité. Mais, en tant que citoyen et acteur politique en liberté provisoire, ayant été soumis à un contrôle judiciaire pendant dix-huit (18) mois (de mars 2021 à 2022) suite à l’élection présidentielle de 2020-2021, je ressens aujourd’hui une obligation morale de solliciter de votre part un geste humanitaire en faveur d’un ami et petit frère en difficulté.
Je suis conscient du caractère sensible de ma demande : solliciter d’un général, qui a risqué sa vie pour accéder au pouvoir par un coup d’État, qui a subi des pressions internationales inédites et qui s’est engagé à défendre la souveraineté du pays sur ses ressources minières et pétrolières, de libérer des citoyens accusés d’atteinte à la sûreté de l’État dans ces mêmes filières, relève de l’audace. Mais je vous implore en toute humilité d’accorder votre clémence pour la libération, sous quelque forme que ce soit, de mon frère et ami Ibrahim Courmo dit Himou, dirigeant d’Orano.
Certes, comme moi, Himou aime la France et son peuple. Comme moi, il aime Paris, Marseille, Bordeaux et tant d’autres villes françaises. Nous aimons tous deux les Champs-Élysées, la plus belle avenue du monde. Mais nous aimons et aimerons toujours davantage le Niger, notre terre natale. N’avait-on pas entendu dans les années 50, le journaliste Français Raymond Cartier proclamer « la Corrèze avant le Zambèze » sans être blâmé ? Mon ami et moi préférons mille fois Doumega, Say, Fandou, Dingazi Banda et Toukounous à Paris, Marseille, Pau ou Toulouse. Les autorités françaises ont donc tort de croire que les généraux Tiani et Toumba détestent la France parce qu’ils préfèrent leur patrie, le Niger. Himou ne peut logiquement aimer la France plus que le Niger, et il ne saurait léser les intérêts de son pays au profit d’un autre. J’aime les Béninois.e.s et le peuple Béninois, j’aime les Ivoirien.n.e.s et le peuple Ivoirien en dépit des divergences passagères entre les dirigeants de ces pays et les nôtres
Monsieur le Président de la République,
Je puis vous assurer qu’Ibrahim Courmo a été l’un des tout premiers Nigériens à me parler de vous en bien, quelques jours seulement après votre avènement le 26 juillet 2023. Il me disait :
« Djibril, je connais le Général Tiani, je l’ai enseigné en mathématiques au Lycee Kassèye pendant mon service civique. C’était un bon élève, très discipliné. Je te promets une audience avec lui dans les prochains jours. »
Par la suite, alors que je m’impliquais dans le Labou Sanni, Zancen Kassa, il a plusieurs fois exprimé ses inquiétudes sur la communication autour du dossier de l’uranium, suite à la dégradation des relations entre la France et le Niger. Il aurait sollicité des audiences pour prévenir certaines erreurs que notre pays ne devait pas commettre dans l’élan souverainiste, mais en vain. Jusqu’à l'épisode de son interpellation, dramatique pour nous, ses amis, sa famille et ses proches.
Monsieur le Président de la République,
Je puis témoigner, pour avoir Himou connu dès la fin des années 60, qu’il est un homme brillant, intègre, patriote, digne fils de son père, M. Courmo Barcourgné, ancien ministre des finances inamovible du Président Diori Hamani (paix à leurs âmes). Ayant grandi à ses côtés, malgré nos appartenances politiques différentes, je n’ai jamais ressenti la moindre discrimination, y compris de la part de ses parents. Je reconnais toutefois, que, formé par l’école publique, il (Himou) a ensuite été orienté, comme beaucoup d’autres cadres nigériens, vers les sociétés minières françaises opérant au Niger.
Comme le révèele le Livre Saint que nous partageons :
« Dis : Ô Allah, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; Tu élèves qui Tu veux, et Tu abaisses qui Tu veux. Le bien est en Ta main. Tu es Omnipotent. » [Sourate 3, verset 26].
S’il y a une faute, c’est celle de l’État du Niger, qui n’a pas su fixer le cadre juridique et moral dans lequel ses cadres devaient travailler au sein de sociétés étrangères, en définissant des contraintes de recevabilité.
En tout état de cause, les détentions extrajudiciaires quelles qu'elles soient nous embarrassent, nous qui vous soutenons, malgré notre reconnaissance du professionnalisme du Colonel Bala Arabé digne fils de son père.
Monsieur le Président, vous avez déjà accompli là où vos prédécesseurs ont échoué : le recouvrement de la souveraineté nationale, bafouée depuis 2011. Allah SWT l’a voulu ainsi, et nul ne peut rien contre Sa volonté. Mais Celui qui commence une bonne œuvre doit l’achever.
C’est pourquoi, je vous implore : acceptez de libérer mon frère et ami, Ibrahim Courmo, ne serait-ce que sous conditions. Toute détention extrajudiciaire prolongée n’aura d’autre effet que d’assombrir une action politique qui, jusqu’ici, a été saluée.
Mon Général,
Vous savez, comme le disait Amadou Hampâté Bâ : « Dès notre naissance, nous sommes entrés dans une existence dont nous ne sortirons pas vivants. » Votre prédécesseur, le Général Ibrahim Baré Mainassara (paix à son âme), malgré les tentatives d’assassinat répétées contre lui, savait qu’il ne quitterait ce monde qu’à l’heure fixée par le Décret divin, et il est parti sans laisser un seul prisonnier politique.
Mon Général, pour toutes ces raisons, je sais que vous n’avez pas de crainte des hommes, et que vous accepterez de libérer ce brave citoyen.
Acceptez alors de libérer Ibrahim Courmo, dont l’âge avancé ne lui permet pas de supporter une longue détention. Libérez-le, pour ses enfants qui ne comprennent toujours pas pourquoi leur père est retenu dans un lieu tenu secret. Soyez assuré qu’aucune volonté humaine ne peut rien contre vous ni contre vos compagnons de lutte, si ce n’est la volonté divine.
Si vous agissez ainsi, votre aura ne pourra que s’élever encore davantage.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Général d’Armée, l’expression de ma haute considération et de ma déférence.
À Niamey, le 4 septembre 2025
Par Djibrilla Baré Mainassara