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Amères vérités : La volonté politique est la clé de voûte de la résolution du problème de l’école nigérienne

La volonté politique est la clé de voûte de la résolution du problème de l’école nigérienne

L’école nigérienne est malade, très malade. Un autre cuisant échec du Président Issoufou Mahamadou qui n’a pas, hélas, renvoyé l’ascenseur – on dit que ce n’est pas son fort – à l’école qui lui a permis, tous frais payés, de Dandadji, son village natal, en France, d’être bien formé. Les résultats du brevet d’études du second cycle (Bepc) de cette année, celui qui sanctionne la fin des 10 ans de son règne, sont des plus catastrophiques : 20,50% !

Entendons-nous bien. N’en déplaise à ceux qui essaient d’en faire autre chose à travers des prix et célébrations divers, Issoufou Mahamadou est un cuisant échec pour le Niger et sur tous les plans. Le secteur éducatif, plus que tout autre, a pâti de sa politique antisociale.

20,50% ! C’est une catastrophe nationale qui traduit certainement la nature de la gouvernance qui a prévalu durant une décennie entière, mais que l’on ne saurait mettre sur le compte du seul Issoufou. Car, s’il est indiscutable que le bonhomme a lamentablement échoué, particulièrement par rapport à l’école à laquelle il a fait les plus belles promesses, il ne peut toutefois être tenu pour l’unique responsable des travers de notre système éducatif essentiellement plombé par la corruption, à tous les niveaux, et une absence de vision politique. L’échec d’Issoufou ne saurait suffire à expliquer l’état critique de la déliquescence de l’école publique nigérienne. Il faut sans aucun doute avoir une lecture globale de la situation de l’école nigérienne et reconnaître que le problème est d’abord structurel, pas conjoncturel.

Le problème de l’école publique en particulier, c’est la corruption. Une corruption des élites politiques, des encadreurs pédagogiques, des enseignants, des parents d’élèves, des syndicats d’enseignants, etc. Tout, absolument tout, est lié à la corruption. C’est ce mal, disons ce fléau qui conduit des responsables politiques à accepter de quelques bailleurs de fonds empoisonnés n’importe quoi dans le système éducatif. L’argent de celui qui prétend aider ne nous sert plus à concrétiser notre vision de l’école nigérienne, mais plutôt à étouffer celle-ci en y greffant des choses qui jurent d’avec notre culture et notre conception de ce que doit être l’école nigérienne. Ailleurs, dans les pays qui savent ce qu’ils veulent et comment l’obtenir, une telle prétention n’est pas admise.

C’est également la corruption qui conduit des encadreurs pédagogiques, enseignants, syndicats d’enseignants, parents d’élèves à se taire face aux aberrations et aux travers d’hommes corrompus. Pire, parce qu’elle n’a fait que prospérer, la corruption a conduit plus d’un, auparavant clean et éloigné des pratiques corruptives, à s’en accommoder, parfois pour ne pas dire souvent, pour défendre un droit, un acquis.

C’est la corruption qui explique des directeurs d’établissements publics se permettent de recruter, pour leur propre compte, des centaines d’élèves, rendant les effectifs pléthoriques et par conséquent les enseignements hypothétiques. Allez vérifier ce qui se passe dans les lycées et complexes d’enseignement général, vous serez horrifiés par les pratiques des responsables d’écoles.

C’est la corruption qui explique que des établissements privés ne répondent à aucun critère défini pour leur permettre d’exercer mais ils existent et constituent souvent des lieux de délivrance de faux diplômes.

C’est la corruption qui explique que même lorsque des personnes sont dénoncées pour détenir de faux diplômes, elles ne subissent aucune sanction, encore moins de poursuite judiciaire. Il y en a plein et à de hautes fonctions de l’Etat.

C’est la corruption, c’est la corruption, c’est la corruption….

Si cela ne date pas d’aujourd’hui, la situation a toutefois empiré ces dernières années. Pour l’essentiel, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis quelques décennies n’ont pas pris à bras-le-corps ce problème. Les politiques ont préféré des solutions ponctuelles, conjoncturelles, à un problème récurrent, c’est-à-dire structurel. Chacun, à la station de ministre ou de chef d’Etat, a préféré se simplifier le problème en le réduisant à sa plus simple expression pour se donner bonne conscience. Au fond, chacun sait qu’il n’a fait qu’apporter une touche de peinture et que cela ne changera pas durablement la problématique. Une fuite de responsabilité partagée et perpétuelle à laquelle les politiques ne semblent pas pressés de trouver une solution appropriée.

D’ailleurs, outre la corruption par le biais de l’argent, celle qui prévaut de par des arrangements politiciens, est tout aussi dangereuse que la première. Des enseignants qui sont hors de portée de toute sanction de leurs supérieurs hiérarchiques (directeurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs, etc.), qui se font affecter là où ils veulent et quand ils veulent ; des enseignants qui désertent leurs classes de l’établissement public où ils officient pour aller faire des cours de vacation dans des établissements privés ; des enseignants qui vendent des sujets d’examen, l’école nigérienne regorge de tous ces travestis et bien d’autres encore.

Le problème, on le sait, est très complexe et tous les acteurs, sans exception, y ont une part de responsabilité. Les politiques, bien entendu, mais aussi les parents d’élèves, les enseignants, les syndicats d’enseignants, les élèves et étudiants, etc., ont, chacun en ce qui le concerne, une responsabilité certaine dans la situation de déliquescence de l’école publique nigérienne. Cependant, et ce n’est pas, loin s’en faut, une manière de simplifier le problème mais d’en toucher le coeur, la clé est sans aucun doute politique.

Avant la démocratie multipartiste, l’école nigérienne ne connaissait pas tant de maux que l’on égrène sans fin et dont tout le monde semble se plaindre mais face auxquels on peine à trouver une solution appropriée. Une solution qui redonnerait à l’école publique ses lettres de noblesse. La situation est claire : tout le monde s’accorde sur les maux et tout le monde s’accorde également sur l’impératif d’y trouver une solution urgente et vigoureuse. Il reste à s’entendre sur le plus difficile, c’est-à-dire, d’une part, un diagnostic sans complaisance qui placerait chaque acteur face à ses travers, ses fautes et ses démissions ; d’autre part, un package de solutions adaptées à chaque cas. Evidemment, il ne s’agit pas, ici, de l’étape la plus difficile. Au contraire, c’est un jeu d’enfant d’échanger et de s’entendre sur les responsabilités des uns et des autres. En revanche, l’application des mesures arrêtées est toujours un défi immense à relever. Ce n’est pas une raison de ne pas essayer puisqu’il y va de l’avenir de tout un peuple. Un débat national sur l’école nigérienne, dépourvu des fioritures des débats stériles, s’impose. Et plus tôt ça se tiendra, plus tôt le redressement sera possible. Ne l’oublions pas : la volonté politique est la clé de voûte de la résolution du problème.

BONKANO.