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Niger : Une série d'incendies dans des écoles, révélatrice de l’insuffisance d’infrastructures scolaires

Mi-avril, des incendies ont touché plusieurs écoles primaires de différents quartiers de Niamey, la capitale du Niger, dont le plus meurtrier a fait vingt morts parmi des écoliers. Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux témoignent de ces drames. Les salles de classe parties en fumée étaient construites, faute de mieux, en paille, dans le but de pallier le manque d’infrastructures scolaires. 

L’une des vidéos postée le 26 avril sur Twitter montre des salles de classe en paille de l’école Niamey 2000 en feu, alors que quelques jeunes essaient de maîtriser l’incendie avec des seaux d’eau. 

Une autre vidéo, partagée le 20 avril sur Facebook, montre des écoliers tentant de fuir l’incendie qui venait de se déclarer dans la cour de l’école Kouado 1, dans le quartier Talladjè à Niamey. Des images de ce qui reste des salles de classe totalement calcinées ont également été partagées. 

Ces deux incendies n’ont pas fait de victimes, contrairement au drame de l’école primaire du quartier Pays-Bas où un incendie avait tué le 14 avril, vingt écoliers. Vingt-cinq salles de classes construites également en paille dans une ruelle encombrée étaient alors parties en fumée.

Des médias locaux ont également fait mention de cas d’incendies dans plusieurs autres écoles.

"Les élèves couraient dans tous les sens"

Contactée, Hamsatou Rabiou Daouda, la directrice de l’école primaire Kouado 1, explique : 

Les élèves venaient d’entrer en classe pour les cours de l’après-midi quand soudain l’une des classes en paillote, qui était tout près du portail de l’école, a pris feu.

Quelques minutes plus tard, toutes les neuf salles de classe en paillote qui sont dans la cour de l’école se sont embrasées. C’était la débandade. Les élèves couraient dans tous les sens. J’ai demandé aux enseignantes de sécuriser les élèves.

Des volontaires  nous ont également aidé à évacuer l’école. Plusieurs élèves ont escaladé la clôture pour vite sortir. Heureusement, il n’y a eu que des dégâts matériels. Mais cela aurait pu être pire.

C’est la première fois qu’un incendie touche notre école. On n’arrive pas encore à expliquer ce qui s’est réellement passé."

"Il y a des écoles dans lesquelles les normes de sécurité ne sont pas respectées"

Pour Mouakaila Halidou, secrétaire général du Syndicat national des agents contractuels et fonctionnaires de l'éducation de base (Synaceb), contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, cette vague d’incendies dans les écoles met en exergue le manque criant d’infrastructures dans le secteur de l’éducation. En 2020, le Niger comptait 2 700 000 élèves uniquement au primaire selon le média de service public Le Sahel.

Le régime précédent  de Mahamadou Issifou [2011-2021, NDLR] avait promis de construire 25 000 salles de classe en dix ans. Malheureusement nous sommes bien loin du compte. Les parents d’élèves financent donc la construction de salles de classe en paillote pour faire face aux besoins en attendant que l’État ne construise de réelles classes. 

Mais le problème est que les écoles manquent d’espace. Et ces classes en paillote ne sont pas aux normes. Une école doit être normalement construite sur une superficie de 2,5 hectares. Mais sur le terrain, vous retrouvez des écoles qui ont une superficie de moins de 500 m2 avec une majorité de salles de classe en paillote. Ce n’est pas normal. 

Il y a des écoles dans lesquelles les normes de sécurité ne sont pas respectées et qui sont même difficiles d’accès. Si un drame se produit, il n’y a même pas d’issues pour que les pompiers arrivent. Il y a une mauvaise politique de gestion des écoles.

"Avec des effectifs pléthoriques, les rendements scolaires sont mauvais"

Après le drame de l’école Pays-Bas, le gouvernement a promis l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités. Mais déjà dans l’école de Kouadio 1, la directrice Hamsatou Rabiou Daouda doit composer avec neuf salles de classe en moins.

Il nous reste 12 salles de classe en matériaux définitifs pour 1 345 élèves. C’est très peu. Après l’incendie, le directeur régional de l’enseignement avait demandé qu’on transfère les écoliers des cours moyens dans d’autres établissements plus loin. Mais les parents d’élèves ont refusé. L’école est la seule qui soit au centre du quartier, les parents d’élèves préfèrent envoyer leurs enfants ici plutôt que de les laisser traverser la grande route nationale pour rejoindre d’autres écoles, et risquer des accidents. 

Mais c’est un problème pour nous, les enseignants. Avant l’incendie, on était déjà à plus de 90 élèves par classe. C’est très difficile parce qu’avec cet effectif, les rendements scolaires sont mauvais. Il faut normalement 50 élèves par classe. Mais avec neuf salles de classe en moins, nous avons été obligés de jumeler plusieurs classes. Les effectifs sont encore plus pléthoriques.

Le 30 avril Mohamed Bazoum, le nouveau président du Niger, a promis de faire de l’éducation une priorité et de poursuivre "la construction et la réhabilitation des infrastructures scolaires". "L’idée est de disposer de modèles de construction de classes qui allient faiblesse de coûts et qualité de façon que nous en terminions avec les situations éprouvantes comme ces incendies qui sont provoqués sur les classes paillotes et qui ont débouché sur le drame du quartier Pays Bas de Niamey", a-t-il affirmé devant des partenaires techniques et financiers. 

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Rabiou Ousmane, ministre de l'Éducation nationale, n'a pas répondu à nos sollicitations.

08 mai 2021
Source : https://observers.france24.com/fr/afrique/