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Tillabéri, la capitale du fleuve : Terre propice aux cultures de contre saison et au pâturage

Bassirou Abdoulaye, un riziculteur de la vallée, a conclu sa dernière récolte il y a 7 semaines. Pour lui, comme l’aire de champs est éloignée de la machine de pompage, il faudrait s’y mettre tôt, avant que les débits de canalisation d’eau ne s’affaiblissent. Puisqu’il s’agit, cette fois-ci, d’une entière dépendance aux eaux de surface. « Lorsque beaucoup de cultivateurs se connectent au caniveau, l’eau parvient difficilement à notre niveau », a-t-il expliqué pendant qu’il apprête son champ à la préalable phase d’inondation. Autour de Bassirou, d’autres, disposant évidemment de plus de moyen matériel et humain, sont déjà en avance. Les planches sont suffisamment submergées. Au niveau des pépinières, la pré-semence est aussi avancée, au regard de la frappante verdure. Ainsi, le compte à rebours est lancé, avant le crucial moment de décrue.

La campagne précédente, selon Bassirou a été globalement satisfaisante. En effet, sur sa part de périmètre d’une dimension d’environ 1200 m2, il eût 15 sacs (de 100kg) de riz non décortiqué. Ce qu’ils revendent par le biais de leur coopérative à la Société du riz du Niger, pour la transformation et la commercialisation, moyennant 12 000F CFA par 72 kg. Néanmoins, pour le riziculteur, la contribution pour la prise en charge du réseau de canalisation d’eau s’élève à 43 700 FCFA par an. Son investissement annuel, avec en compte les intrants agricoles, frise les 100 000 FCFA.

A la rizière de Toula, pendant la saison des pluies, les difficultés sont beaucoup plus atténuées. La production s’achève à temps, les coûts d’investissement sont allégés. Par ailleurs, certains producteurs désherbent leurs champs par des pratiques peu admissibles telle la brûlure, comme nous l’avons constaté au niveau d’un cultivateur, dans cette même rizière. En effet, la méthode prête à des conséquences néfastes. Dans l’immédiat, souvent, on assiste à ces feux de brousse tant décriés ou à long terme l’appauvrissement des terres fertiles. Notre interlocuteur Bassirou, un jeune de 25 ans, se dit conscient de cet enjeu, à la fois économique et environnemental. Quant à lui, comme nous l’avions vu à l’œuvre, il préfère, tant bien que mal, seul avec sa daba dans son périmètre de 0,30 hectare, préparer son champ de manière recommandée.

Dans la vallée de Toula, l’éventuel conflit agriculteurs/éleveurs est assez prévenu. « Nous n’avons aucun problème avec eux. Au terme de nos récoltes, nous laissons les éleveurs trainer leurs bétails dans nos champs, pour dévorer les herbes au lieu de les brûler, avant la reprise des travaux. Maintenant que nous y travaillons, ils se contentent des passages et des espaces qui leur sont réservés », nous confie Saibou Inoussa, un autre producteur dans la rizière de Toula. Il ajoute que cette compréhension des deux parties qui cohabitent sur la rive est accentuée par le climat de dialogue, de concertation, instauré par les différents acteurs qui les accompagnent via leurs coopératives respectives.

Une culture maraîchère riche en variété

A quelques 4 km de la ville de Tillabéri se situe le périmètre aménagé hydro-agricole de Tillakaïna. C’est un périmètre maraicher de polyculture. En termes de potentialités pour le maraîchage, il y a fondamentalement le fleuve. La nappe n’est pas profonde, le sol est aussi fertile. Les semences sont disponibles, selon Hamza Harouna, assistant technique du Coordonnateur de la Fédération des Coopératives des Maraîchers du Niger. Il soutient que le maraichage a évolué, d’abord dans l’intensification de la production, ensuite par l’introduction des innovations. C'est-à-dire la mise en valeur des productions qui n’étaient pas connues dans la zone, avec notamment l’introduction des nouvelles variétés que les producteurs ne connaissaient pas. « A l’époque, la production de la tomate ne se faisait pas en hivernage. La culture de la pomme de terre dans certaines zones était beaucoup moins développée », a-t-il rappelé.

« Nous pouvons mettre beaucoup de variétés ; seulement, nous tenons compte du marché et de la période puisque certaines semences exigent des conditions climatiques adaptées, pour leur conservation surtout », a témoigné Hamza Assadou, un maraicher de Tillakaïna. Un autre cultivateur dit avoir semé du haricot vert, de la tomate, du maïs, du melon et de la patate douce. Actuellement, Hamza affirme qu’il a semé du melon en grande partie car, ce sera bientôt la flambée du fruit, et peu du piment vert. Quant à lui, c’est pendant la saison pluvieuse qu’il cultive la tomate. Généralement, les plants murissent en trois mois, d’après le maraicher. En fonction des périodes, les différentes variétés ont chacune son moment de bon marché. Les commerçants partent vers eux, pour s’approvisionner. Pendant la saison humide, le jeune maraicher cultive aussi son champ de mil, un peu au Nord de la zone. Il ne vient dans la vallée que les après-midi. En termes de difficultés, il se dit gêné par le coût de l’arrosage. En effet, pour son champ de 0,25 hectare, il paie environ 60.000 FCFA par an.

Les maraichers sont organisés en coopératives et groupements. C’est ainsi qu’ils expriment leurs besoins d’assistance. La section régionale de la Fédération des Coopératives des Maraichers du Niger de Tillabéri compte 31 unions, 62 coopératives et 12711 membres physiques. « Nous apportons plusieurs choses aux maraichers dont essentiellement l’encadrement technique, l’accès aux intrants agricoles. L’accès aux semences constitue pour les maraichers un souci de tout le temps. La fédération garantit aussi l’accès aux pesticides. Et facilite la mise au marché des produits », a déclaré l’assistant technique du coordonnateur de la Fédération des Coopératives des Maraichers du Niger.

La situation pastorale

Selon le rapport provisoire de la Direction Régionale de l’Elevage de Tillabéri, malgré le retard observé en mi-juin 2018, la campagne pastorale 2018-2019 a démarré avec des précipitations plus ou moins importantes, enregistrées dans tous les départements de la région. Ce qui a conditionné l’apparition des herbacées et la régénération satisfaisante des zones à vocation pastorale. Ainsi, la situation des pâturages de Tillabéri s’est avérée bonne, à la date du 30 octobre 2018. Ces pâturages naturels sont à la hauteur des besoins du cheptel. Aussi, après la dernière récolte, les éleveurs étaient descendus dans les zones agricoles, profitant des résidus de récolte, sans le moindre incident.

Cependant, l’abreuvement des animaux dans la région a été confronté au tarissement de la plupart de mares semi permanentes. Il convient de rappeler qu’il se fait, principalement, au niveau des eaux de surface, constituées par les mares permanentes et certaines semi permanentes, le fleuve et ses affluents. Exempté le fleuve, le niveau de remplissage de ces points d’eau continue de baisser.

La situation sanitaire s’est caractérisée au cours de la campagne pastorale 2018-2019 par des cas de suspicion de foyers de la fièvre aphteuse, de pasteurellose des gros ruminants et des petits ruminants, de la clavelée et de la dermatose nodulaire et de cas confirmés de certaines de ces maladies.

La situation sanitaire est calme dans l’ensemble des départements de la région, aucune maladie à déclaration obligatoire n’a été enregistrée à la fin de cette campagne pastorale 2018-2019. Cependant, des cas sporadiques de suspicion de la pasteurellose bovine et de la clavelée se sont manifestés dans le département de Banibangou ; il en est de même pour des cas d’intoxication des bovins par herbicide dans le département de Filingué. Des cas suspects de la fièvre aphteuse se sont aussi déclarés dans les 13 départements de la région de Tillabéri, dont ceux de suspicions de la dermatose nodulaire, de la pasteurellose chez les bovins, les petits ruminants et les camelins. Des cas de peste aviaire ont été enregistrés dans le département de Ouallam et du charbon bactéridien dans le département de Bankilaré. D’après le rapport, tous ces cas de suspicions ou confirmés ont été vite maîtrisés grâce à la vaccination et à la chimiothérapie.

La commercialisation des animaux se poursuit normalement avec une tendance à la hausse des présentations et des ventes des animaux de même que les prix. Les termes de l’échange sont en faveur des éleveurs. Cette tendance pourrait s’améliorer pour les éleveurs dans les décades à venir grâce à la disponibilité et l’accessibilité des fourrages verts.

Par Mahamane Chékaré Ismaël, Envoyé Spécial (onep)

11 janvier 2019
Source : http://lesahel.org