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Le Nigérien de la semaine : Pr. Moulaye Hassane

Pr Moulaye Hassane Pr. Moulaye Hassane Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs et nous parler de votre parcours académique et professionnel ?
Pr. Moulaye Hassane, je suis enseignant-chercheur à l'Université Abdou Moumouni de Niamey, à l'Institut de Recherches en Sciences Humaines et au Département des Manuscrits Arabes et Ajami. Mon parcours académique peut être résumé en trois phases :
• La première a eu lieu au Niger, où j'ai commencé par l'école coranique traditionnelle avant d'intégrer la Medersa de Say.
• Ensuite au Maghreb, je me suis retrouvé en Libye, en Algérie, puis en Tunisie où j'ai terminé le cycle secondaire.
• Enfin en Europe, j'ai poursuivi mes études en France, où j'ai complété les trois cycles universitaires en obtenant un doctorat en études arabes et orientales à l'Université Paris IV, Sorbonne.

Votre parcours académique et professionnel est impressionnant. Quelles sont les principales étapes qui ont marqué votre carrière ?
De retour au pays, j'ai été recruté à l'Université Abdou Moumouni de Niamey et affecté à l'Institut de Recherche en Sciences Humaines, où l'on m'a confié la restructuration du département des manuscrits arabes et ajamis que j'ai dirigé pendant une vingtaine d'années.
• J’ai donc consacré une bonne partie de ma carrière dans ce département en étudiant et en valorisant les manuscrits arabes par l’acquisition, la protection, le catalogage, l’édition et la traduction de certains spécimens.
• Je dispense des cours d'arabe à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines au département d’histoire, en vulgarisant les résultats des recherches obtenues dans les manuscrits.
• Par ailleurs, j’explique aux étudiants l’intérêt relatif à la capitalisation des riches sommes de connaissances originales se trouvant dans des manuscrits en général et dans ceux du département en particulier.
• Enfin, j’encadre des étudiants en Master et en doctorat, et reçois régulièrement des chercheurs et étudiants en islamologie.
• Mon incursion dans la diplomatie est arrivée lorsque j'ai été nommé par le feu Président Tandja comme ambassadeur du Niger en Arabie Saoudite en 2010.
• À mon retour de Riyad en 2012, j’ai été nommé conseiller spécial au cabinet du Premier Ministre, où j’ai contribué à l’installation du Commissariat au Hadj et à la Oumra (COHO) et à l’élaboration des textes du Commissariat au Hadj et à la Oumra, en Afrique de l’Ouest (COPACHO).
• À partir de 2016, j’occupe la position de chef de programme de Prévention de la Radicalisation) et de Lutte Contre l’Extrémisme Violent au Centre National d’Études Stratégiques et de Sécurité (CNESS) du Niger. Dans cette mission, je dirige en contribuant à la réalisation d’études dans le domaine sécuritaire et en tant que coordinateur à l’élaboration de la Stratégie Nationale de Prévention de la Radicalisation et de Lutte Contre l’Extrémisme Violent de la République du Niger.

Pr Moulaye Hassane Vous avez occupé des postes très diversifiés, allant de l'enseignement à la diplomatie. Qu'est-ce qui vous a motivé à assumer ces différentes responsabilités ?
La recherche et l’enseignement ont toujours été le moteur de ma carrière. Lorsque je suis rentré au Niger après mes études, j'ai constaté un décalage entre les résultats de mes recherches en doctorat sur l'exégèse coranique orale diffusée dans les années 40-60 et le discours religieux  ambiant en 1995. Ce constat m'a alors poussé à m'engager davantage dans la réflexion sur la pratique religieuse, afin de mieux appréhender les dynamiques sociétales en cours au Niger en particulier et au Sahel de façon générale. Les contacts avec le monde de la recherche et l’enseignement supérieur m’ont ouvert davantage le champ de la réflexion, ce qui m’a motivé à aller plus loin dans divers domaines en sciences sociales.

En tant qu'Ambassadeur de la République du Niger en Arabie Saoudite, quels ont été les défis majeurs que vous avez rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
À mon arrivée en Arabie Saoudite, l'ambassade du Niger traversait une période difficile, le poste étant vacant depuis plusieurs années. En plus, elle traversait une crise relative à un endettement financier important accumulé durant une longue période. Compte tenu de la complexité du domaine, nos propos resteront relatifs. Cependant, dois-je avouer qu’au début, le démarrage a été éprouvant, étant lié au règlement partiel de la dette. Heureusement,le pays était bien apprécié dans certains milieux de l’élite politique saoudienne. Grâce à un appui financier exceptionnel autorisé par le Président Tandja, j'ai pu commencer à éponger une ardoise au-delà de l'imaginable, ce qui m'a permis de redonner un certain crédit à notre Représentation.
Par ailleurs, malgré le court séjour (2010-2012), nous avons eu à retravailler plusieurs dossiers de coopération socio-économique, académiques et culturels importants. Dans le domaine diplomatique, plusieurs dossiers touchaient à l’amorce d’une redynamisation du comité ami du Niger, regroupant des membres de la Majlis Al-Shura saoudienne, et à la réorganisation du milieu de la communauté nigérienne à Riyad et à Djeddah. Le dossier préparatoire du Hadj et de la Oumra, bien que de la compétence du Consulat de Djeddah, nécessite la présence de l’ambassadeur.

Pr Moulaye HassanePouvez-vous nous parler de votre rôle actuel au Centre National d’Études Stratégiques et de Sécurité (CNESS) ?
Depuis 2016, je dirige le programme de prévention de la radicalisation et de lutte contre l'extrémisme violent au CNESS. Nous avons réalisé plusieurs études et élaboré des stratégies, notamment la stratégie de prévention validée en 2020. Mon travail inclut aussi l'encadrement des étudiants en Master et des doctorants, ainsi que des interactions avec des chercheurs et diplomates sur les questions de sécurité au Sahel et au Niger.

Vous êtes un modèle pour de nombreux jeunes Nigériens. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui aspirent à une carrière similaire à la vôtre ?
Pour réussir dans les domaines académiques et diplomatiques, il est essentiel d'avoir une grande probité morale, d'être passionné par la recherche et d'aimer apprendre. La modestie et l'ouverture à l'apprentissage continu sont également cruciales. J'encourage les jeunes à rester disponibles, à écouter et à apprendre des autres, qu'ils soient étudiants, collègues ou même des personnes rencontrées dans la vie quotidienne.

Quelles sont, selon vous, les principales difficultés auxquelles font face les jeunes chercheurs au Niger, et comment peuvent-ils les surmonter ?
Les jeunes chercheurs au Niger rencontrent plusieurs défis majeurs, notamment le manque de ressources financières, l'accès limité aux sources bibliographiques, et la difficulté à participer à des colloques internationaux. Pour surmonter ces obstacles, je leur conseille de se montrer résilients, de chercher des collaborations avec des chercheurs étrangers régionaux, et de tirer parti des opportunités de bourses et de financements internationaux. De plus, il est crucial de s'entourer d'un réseau de partenaires, de mentors et de pairs qui peuvent offrir soutien et conseils.

Tandja Moulaye HassaneComment évaluez-vous l'impact de la recherche académique sur les politiques publiques au Niger ?
L'impact de la recherche académique sur les politiques publiques au Niger reste malheureusement limité. Il existe un fossé entre les chercheurs et les décideurs politiques, souvent dû à un manque de communication et de collaboration. Cependant, certaines initiatives récentes montrent des signes positifs. Par exemple, les universités publiques et le CNESS jouent un rôle de plus en plus important en fournissant des données et des analyses qui sont prises en compte dans l'élaboration des politiques de sécurité. Pour améliorer cet impact, il est essentiel que les chercheurs travaillent à rendre leurs travaux plus accessibles et directement applicables aux besoins du pays.

Vous avez une expérience significative dans l'étude des dynamiques de l'Islam au Sahel. Quels sont les principaux changements que vous avez observés dans cette région ces dernières années ?
Les dynamiques de la pratique de l'Islam au Sahel ont beaucoup évolué, notamment avec l'émergence de mouvements terroristes extrémistes violents. La pratique de l'Islam au Sahel a traditionnellement été marquée par un soufisme modéré, mais on observe aujourd'hui une montée de courants plus rigoristes et parfois violents. Cela est en partie dû à des influences extérieures, à la faiblesse des États, et à la pauvreté, qui rendent la population vulnérable au discours extrémiste. Les réponses à ces défis doivent être multidimensionnelles, incluant à la fois des approches sécuritaires et des programmes de développement socio-économique et d'éducation religieuse.

En tant qu'expert en islamologie, comment percevez-vous le rôle de la religion dans la cohésion sociale au Niger ?
La religion joue un rôle central dans la cohésion sociale au Niger. L'islam, en particulier, est une force unificatrice qui influence de nombreux aspects de la vie quotidienne, y compris les structures familiales, les rituels sociaux et les mécanismes de résolution des conflits. Cependant, lorsque la religion est instrumentalisée à des fins politiques ou extrémistes, elle peut devenir une source de division. C'est pourquoi il est crucial de promouvoir une compréhension éclairée et tolérante de la religion qui renforce l'unité nationale plutôt que de la fragiliser.

Que pensez-vous des initiatives prises au Niger pour lutter contre l'extrémisme violent et comment peut-on les améliorer ?
Le Niger a pris plusieurs initiatives importantes pour lutter contre l'extrémisme violent, notamment à travers la création du CNESS et l'élaboration de stratégies nationales de prévention. Cependant, ces efforts doivent être renforcés par une meilleure coordination entre les différents acteurs, y compris les communautés locales, les ONG, et les partenaires internationaux. De plus, il est crucial de s'attaquer aux causes profondes de l'extrémisme, telles que la pauvreté, le chômage des jeunes, et l'injustice sociale, en investissant davantage dans l'éducation et le développement économique.

Vous avez été impliqué dans la diplomatie et les études stratégiques. Comment voyez-vous l'avenir de la coopération régionale au Sahel pour faire face aux défis communs ?
L'avenir de la coopération régionale au Sahel dépendra de la volonté des États de collaborer de manière sincère et coordonnée. Les défis communs, tels que l'insécurité, le terrorisme, et la migration, nécessitent des réponses régionales intégrées. La coopération à travers des organisations doit être soutenue par des efforts accrus de partage d'informations, de formation conjointe, et de développement transfrontalier. La solidarité régionale est essentielle pour garantir la stabilité et la prospérité de la région.

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Quelles sont vos perspectives pour l'avenir de la recherche en sciences humaines au Niger ?
La recherche en sciences humaines au Niger a un grand potentiel, mais elle nécessite un soutien plus substantiel pour atteindre son plein épanouissement. Il est essentiel de renforcer les institutions de recherche, de former de nouveaux chercheurs, et d'encourager les partenariats avec des universités et des centres de recherche régionaux et internationaux. Je suis optimiste quant à l'avenir, surtout si nous parvenons à mobiliser les ressources nécessaires et à créer un environnement académique dynamique qui valorise la recherche comme un pilier du développement national.

Enfin, quels sont vos projets futurs, tant sur le plan académique que professionnel ?
Sur le plan diplomatique, je compte m’engager aux efforts de renforcement de nos relations avec les pays frères africains, à redynamiser la coopération avec les pays limitrophes de notre pays et à consolider nos relations avec les pays avec lesquels nous avons des relations traditionnellement bonnes.
Sur le plan académique, je compte continuer mes recherches sur les manuscrits arabes et Ajami, ainsi que sur les dynamiques des pratiques religieuses en Afrique de l'Ouest. Je reste disponible pour mener des réflexions sur d’autres thématiques, à enseigner et à publier davantage pour partager mes connaissances avec un public plus large. Professionnellement, je resterai engagé dans le renforcement des capacités de la recherche au Niger et dans la lutte contre l'extrémisme violent. Je souhaite également jouer un rôle plus actif dans la formation du citoyen patriote en milieu des jeunes chercheurs et dans la promotion du dialogue interculturel, interreligieux et intra-religieux, qui est essentiel pour la paix et la stabilité dans notre région et dans le monde.
Contact du Pr. Moulaye Hassane : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Réalisée par Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)