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L’air du temps : Mendicité en mode business

Comment en parler, sans être soupçonné, sinon carrément accusé, de manquer un tant soit peu de valeur d’humanisme ? En effet, dans une société où les valeurs d’humanisme, de solidarité et de générosité sont fortement ancrées dans la religion et les coutumes, le seul fait de hausser la voix pour décrier certaines pratiques liées à la mendicité est un exercice difficile. L’on en court le risque de se heurter au rempart de la censure et du tollé d’incompréhensions. Des voix inquisitrices ne tarderont pas à s’élever pour vous jeter l’anathème, allant jusqu’à vous taxer d’être un adepte de Satan. C’est oublier que même l’islam, tout en exaltant la culture de la générosité et de la solidarité entre croyants, proscrit toute pratique tendant à faire de la mendicité un métier à part entière, sur fond de business florissant.

Malheureusement, nous sommes dans ce schéma étriqué qui fait de la mendicité, non pas seulement l’affaire de personnes véritablement nécessiteuses, mais aussi et surtout un terrain de prédilection pour des ‘’chasseurs d’aumône’’, en quête de fortune facilement gagnée.

Voilà pourquoi, ces dernières années, le phénomène de la mendicité est devenu tellement exacerbant dans nos villes. Prise comme un métier à part entière, la mendicité attire de plus en plus une foule de nouveaux pratiquants. Vous pouvez très aisément le constater à Niamey où, tous les matins, les carrefours, les devantures des pharmacies, les alentours des marchés et autres lieux publics sont pris d’assaut par une foule incommensurable d’hommes, femmes, vieillards et enfants qui attendent de pied ferme les usagers qui s’y aventurent. Parmi ces personnes, vous distinguerez des gens relativement bien portants, qui fuyant des métiers comme ceux de l’artisanat, de la maçonnerie ou de la menuiserie, jugés très exténuants, ont opté pour la pratique de la mendicité qui, en plus de rapporter plus gros, est harassante.

Mais le pire, c’est de réaliser que certains esprits  plutôt mercantilistes ont érigé des vrais réseaux de mendicité qui s’étendent jusque dans les pays voisins, voir lointains ! Le deal consiste pour ces ‘’marchands’’ d’un autre genre à financer le voyage pour tout un groupe de femmes et d’enfants en destination des pays de la sous-région, quitte à en récolter en retour les bénéfices liés à la manne issue de la mendicité. Et il paraitrait que cette pratique rampante de trafic de personnes est une affaire de gros sous…

Voilà qui explique pourquoi ces dernières années, dans des pays comme l’Algérie, la Libye, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Gabon, et bien d’autres pays, les rues des villes sont assaillies par ceux qu’ils appellent là-bas, les ‘’mendiants nigériens’’.  Que de frustration pour les ressortissants nigériens résidant dans ces pays qui assistent impuissants à un effritement avancé de l’image de notre pays dans ces pays d’accueil.

Franchement, à l’heure où beaucoup de personnes victimes de réels handicaps ont su prouver qu’on peut bien gagner son pain à la sueur de son front et dans la dignité, tous ces ‘’gros gaillards’’ jouant aux faux mendiants doivent s’inspirer de leur exemple pour renouer avec le travail. Sinon, les y obliger !

Assane Soumana(Onep)

04 février 2022
Source : https://www.lesahel.org/