Accéder au contenu principal

Groupement artistique et culturel «Etoile de l’Ader» : Un palmarès légendaire au goût des nouveaux concepts de scène

Créé dans les années 2000 par des jeunes filles et garçons, comédiens, conteurs danseurs et chanteurs de la ville Tahoua sous la houlette de l’homme de culture Tsahirou Hamidou alias Masta, le groupement artistique et culturel Etoile de l’Ader brille encore d’une performance hors du commun.

Lauréat du 1er prix en théâtre au festival de la jeunesse à Dosso en 2003, puis du 1er prix en humour ; 2ème en théâtre à Zinder en 2006, et troisième sur le podium de théâtre à la 6ème édition du festival de la parenté à plaisanterie à Niamey en 2014, la troupe n’a rien perdu de sa motivation, et de son inspiration, même dans la période de léthargie en ce qui concerne les compétitions. Avec son palmarès riche, l’Etoile de l’Ader évolue aujourd’hui dans diverses disciplines ou plutôt nouveaux concepts. Masta et ses acolytes excellent sur les podiums du théâtre forum, du théâtre participatif, du cinéma mobile, et d’animations culturelles, notamment dans le cadre des caravanes de sensibilisation sur des thématiques sociales, généralement à la demande des partenaires (ONG, Etat, les Association locales, etc.).

Le groupement artistique et culturel Etoile de l’Ader, en abrégé GACEA, est une référence à Tahoua en matière de sketches, pièces théâtrales, contes, danse et chants, pour son riche répertoire au fil des années d’expériences et d’autre part, pour avoir représenté avec brio la région lors des festivals. A cela s’ajoute une multitude de prestations et créations au service des partenaires. En effet, au cours de l’année 2022, l’Etoile de l’Ader a mené 13 campagnes de sensibilisation à travers les hameaux, villages et villes de la région, sur des thématiques telles que les abus et violences faites aux enfants et aux femmes, la cohésion sociale et la paix, la migration et la santé de la reproduction.

Aussi, l’année 2023 s’annonce bien pour la troupe car elle vient d’obtenir du Ministère en charge de la culture, sa licence d’entreprise culturelle. «Nous sommes plus qu’une troupe maintenant. Nous sommes une entreprise culturelle, sur pied. Le format de la troupe est révolu déjà depuis 2012, après avoir acquis certains papiers de reconnaissance au niveau de la région», indique le directeur artistique de GACEA, M. Tsahirou Hamidou alias Masta.

Ils sont au total 17 acteurs dont 6 filles, parmi lesquels des étudiants et des élèves, à évoluer pour le compte de la formation culturelle. «Nous avons des chanteurs, des comédiens, des conteurs, et des chorégraphes. Et pour la plupart, nous sommes polyvalents. C’est de ce groupement que nous avons créé la branche enfants, la troupe Sukabe de Tahoua. Au besoin, nous constituons jusqu’à trois équipes pour des activités simultanées dans des localités différentes. Nous avons trois kits complets de sonorisation et un véhicule pour le déplacement, même si généralement c’est le client qui nous transporte. Ce sont les caravanes qui nous font vivre. Les membres sont rémunérés activité après activité et en prélude aux déplacements. Tous les membres trouvent leur compte après chaque financement. Nous avons aussi une caisse sociale pour assister les uns et les autres en cas de maladie ou cérémonie. Nous avons tendance à délaisser les offres de compétition au profit des autres troupes qui émergent, pour ne pas nous accaparer de tout», explique Masta.

A croire le directeur artistique, GACEA n’est jamais rentrée bredouille d’une compétition. «Nous sommes toujours parmi les trois premiers», dit-il. Tsahirou Hamidou soutient que la culture est en train de renaitre au Niger, avec le retour aux compétitions d’antan, pour les performances, la productivité et l’excellence artistique. «Mais souhaitons qu’on implique encore plus les artistes dans les initiatives et l’organisation des événements», lance Masta.

Aux commandes le conteur-comédien et metteur en scène Masta, une jambe boiteuse qui   revient de loin

Agé aujourd’hui de 47 ans, Tsahirou Hamidou boite de la jambe gauche depuis l’âge de 5 ans. Ce natif de la ville de Tahoua est issu d’une famille modeste. Ses parents n’ont pas fait de son handicap une fatalité. Tsahirou est inscrit à l’école jusqu’à l’obtention du brevet d’étude du premier cycle (BEPC). C’est d’ailleurs au collège qu’il prend goût à la culture, notamment le conte et la comédie. Engagé dans le syndicat des élèves, en tant que chargé des affaires culturelles, il n’hésite pas à donner l’exemple dans les coulisses des répétitions jusqu’à prendre souvent lui-même les choses en main, lors des présentations. Le jeune élève a marqué l’esprit de ses camarades par son talent en théâtre et en conte, avant de les abandonner malgré lui aux portes du lycée. Il s’aventure d’abord au Cameroun, ensuite en Côte d’Ivoire. De retour en 2000, Tsahirou essaye de renouer avec l’art, puis tente l’enseignement à la faveur du vent de la contractualisation.

Tsahirou fait sa renommée dans l’art du conte et du sketch, sous le pseudo de Masta. Il crée l’Etoile de l’Ader dans la même année. «Sur scène, beaucoup de gens m’apprécient. Certains m’ont dit très tôt que si je continuais, je vivrais de cet art. Ils m’ont fait comprendre que ma situation de handicap ne m’empêchera pas de briller. Ma première compétition, c’était grâce à feu Salouhou Barké. C’est un comédien connu, paix à son âme! Ils partaient au festival de la jeunesse, et il n’y’avait pas un conteur dans la délégation de Tahoua. Il a fait appel à moi. Dieu merci, j’ai pu ramener le 2ème prix dans la catégorie», se remémore Tsahirou. Ainsi est lancée la carrière de Masta qui va quitter l’enseignement à partir de son poste de Founkoye, un village de la périphérie de Tahoua. «Au bout de trois mois j’ai démissionné parce que je ne me retrouvais pas en termes de revenu et cela ne me permettait pas de suivre parallèlement ma carrière. Je me suis consacré à ce qui me tient plus à cœur, la culture», explique l’artiste.

L’ancien migrant, ne franchit désormais les frontières que pour les festivals ou des formations dans le domaine de la culture. «J’ai été à des nombreux festivals au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Togo. J’ai suivi aussi beaucoup de formations sur le conte et le théâtre», indique Masta. A travers son expérience dans les différents concepts de théâtre, il tire vers le haut la troupe.

‘’L’art ne nourrit pas son homme’’

«C’est pas vrai ! Dans ce métier j’ai construit des maisons, pas une seule, pas deux…J’ai roulé dans des véhicules prsonnels. Personne ne me dira que je ne vis pas de mon art», affirme Tsahirou Hamidou alias Masta, aujourd’hui marié et père de cinq enfants dont quatre filles. «Je ne mendie pas étant handicapé. Partout je suis respecté et réputé. Et c’est grâce à ce métier, parce que j’ai cru à l’art et je me suis donné à fond», dit-il.

Parmi les œuvres de Masta la plus connue du grand public nigérien est la pièce «Ambouka l’éxodant» sur l’histoire d’un ressortissant de l’Ader qui envoie de l’argent à son oncle pour lui demander la main d’une fille. Une fois au bercail, à sa grande surprise Ambouka apprit que la fille est finalement mariée à la personne en qui il avait confiance et sur laquelle il ne peut lever la voix. D’aucuns racontent que c’est l’histoire de l’auteur du texte, en la personne de Masta. Quoi qu’il en soit, la pièce théâtrale a valu un prix à l’Etoile de l’Ader au festival de la jeunesse en 2003 à Dosso. «C’est la pièce qui me tiens beaucoup à cœur, à cause de son succès et de la réalité qu’elle relate de notre société avec les aspects de l’exode et ses conséquences», confie l’auteur.

Par Ismaël Chékaré, ONEP-Tahoua

 Source : http://www.lesahel.org