Exonération fiscale : un tournant pour les médias au Niger
Soustraction de la presse au régime d’imposition : Une mesure pour sauver les médias de l’agonie et de la précarité
Le monde des médias évolue au Niger dans un environnement difficile. Depuis les années 90, combien de médias sont créés et combien ne sont plus visibles sur l’environnement médiatique, forcés de disparaitre dans un paysage difficile ? Voulu et encouragé par la démocratie qui en fait un quatrième pouvoir, voilà que, pour son rôle, il est détesté et souvent combattu par ceux qui doivent le promouvoir et lui créer un environnement incitatif qui puisse permettre l’émergence d’une presse plurielle et de qualité. Pendant des années, les acteurs du milieu se sont battus pour au moins la redistribution équitable de la publicité afin de donner ainsi les mêmes chances de survie aux promoteurs et de promotion du métier, mais jamais cette lutte n’a été entendue, les tenants du pouvoir, s’en servant comme arme pour affaiblir d’autres médias pour n’attribuer ces publicités que de manière sélective, discriminée, et en priver les mal-pensants. C’est dans un tel environnement des inégalités que la presse a évolué sans que cela, pourtant, n’aide à promouvoir ceux qui ont la faveur des pouvoirs de l’époque, ne produisant pas, malgré les soutiens nombreux, une presse de qualité dont ont besoin les Nigériens et leur démocratie en construction.
On se rappelle que même les fonds d’aide à la presse étaient devenus objet de polémiques politiques quand, foulant le pied aux textes pourtant bien connus de tous, certains régimes, ont voulu en priver des médias considérés comme étant gênants, créant des critères saugrenus et autres artifices, par lesquels ils privilégiaient certains contre d’autres pourtant plus appréciés par les Nigériens. C’est ainsi qu’embarrassés par cet appui de l’Etat, certains hommes politiques ont fini par le considérer comme un privilège, non un droit, que tous ne devraient pas mériter, et l’utilisaient alors pour régler des comptes ou, carrément, d’en priver la presse quand, par la morale, il pouvait être indécent pour certains de classer d’une certaine manière les médias alors que tout le monde pourrait contester la hiérarchisation faite. La solution a été ainsi de ne même pas accorder ces fonds d’aide à la presse pendant des années, sachant que la presse-maison a des sources officieuses de soutien. On se rappelle d’ailleurs que, pour grignoter dans cet effort insuffisant par un environnement aujourd’hui envahi par de nombreuses entreprises de presse, ce qu’il était convenu d’appeler à l’époque le CSC, n’a trouvé mieux à faire, fort du soutien des régimes de l’époque, que d’utiliser les fonds à prétendre équiper les organes de presse et à donner aux acteurs des formations dont la pertinence pouvait être contestable. Or, qui, mieux que l’entreprise elle-même, connait ses problèmes pour utiliser de manière responsable les fonds qui lui sont alloués pour faire progresser son média ? Et de quelle qualité avait été le matériel fourni ? Allez savoir… Du reste, votre journal était, si souvent, revenu sur ces questions qui fâchent.
Depuis l’arrivée des nouvelles autorités issues des événements du 26 juillet 2023, la transition qui a été à l’écoute des hommes de média, avait, sous les injonctions du Général Tiani, réuni des acteurs autour du Premier ministre, afin de discuter des problèmes des médias privés. C’est avant même d’avoir les conclusions des travaux autour de Premier ministre, que l’on apprend, à travers la nouvelle loi de finances, adoptée en Conseil des ministres le 31 décembre 2024, une première grande décision qui va permettre au monde des médias nigériens de souffler. Il s’agit de l’exonération fiscale décidée en faveur des journalistes, une mesure incitative que les entreprises de presse ne peuvent que saluer à sa juste valeur car elle prend le contre-pied de tout ce que d’autres, en d’autres temps, ont voulu comme moyen de rétorsion et de coercition, pour étouffer les médias qui dérangent, oubliant toute la portée du service public qu’ils rendent même quand ils peuvent ne pas toujours être des déversoirs d’éloges.
C’est une mesure importante car elle vient alléger les charges des médias dans un environnement difficile dans lequel évoluent les journalistes où, certains, pour la survie, rabaissent le métier, et – osons le mot – le prostituent presque alors qu’il est noble et éminemment important. Cette transition a permis justement de le comprendre depuis que, par leurs plumes, leurs micros et leurs caméras, les journalistes, ont fait corps avec l’ensemble du peuple, disant leur courage, taisant leurs souffrances endurées et assumées, pour tenir, dans la dignité, sur les chemins difficiles de la souveraineté, refusant de montrer nos souffrances et souvent nos larmes.
Mais comment pérenniser une telle décision ?
Là est tout le problème. Au Niger, les décisions ne durent souvent que de courtes saisons. Dès qu’un autre arrive, il balaie tout pour faire ce qui l’arrange et ce qui lui permet de détruire un autre. Et voilà pourquoi, dans le pays, on trottine sur les chemins, incapables d’aller de l’avant, nous attardant à nous régler des comptes, à nous faire le mal les uns aux autres et à en éprouver des plaisirs cyniques. Pourtant, la presse a montré à quel point elle pouvait être importante, notamment pour galvaniser les foules et maintenir les ardeurs guerrières du peuple en lutte.
Mais le problème, ce n’est certainement pas la transition, mais les hommes politiques, prétendument démocrates qui ne s’accommodent curieusement pas de la contradiction et de la diversité des opinions et qui pourraient, un jour, lorsque l’armée regagnera les casernes, remettre en cause ces acquis importants pour régler des comptes à des médias qui dérangent, et qui, pourtant, ne jouent que leur rôle pour alerter l’époque. On peut se souvenir de ce qu’un certain Hassoumi Massaoudou, alors tout puissant ministre des finances, avait fait pour servir son régime, combattant avec une rage extrême, par la perquisition des sièges de certains médias ciblés, et fouiller leurs outils de travail et à la fin, en guise de représailles, leur coller des impositions irrationnelles pour des gens qui ne produisent pourtant pas de la richesse, mais juste des idées. Aujourd’hui le Général Tiani et le Premier ministre et ministre des Finances et de l’économie, Ali Mahaman Lamine Zeine, avec tout son gouvernement, par cette décision contenue dans la loi de finances 2025, réparent ces préjudices qui, à terme, pourront aider nos médias à se développer surtout dans le cadre de l’AES où, de plus en plus, l’information jouera un rôle déterminant.
Les professionnels de médias ne peuvent qu’être reconnaissants pour continuer à soutenir la révolution en marche au Sahel et à saluer ce geste magnanime qui leur permettra de respirer.
Alpha (Le Courrier)