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Enquête sur la reprise du contrôle des ressources uranifères par AREVA, actuel ORANO

Les Nigériens se souviennent toujours qu’en 2007, après une tumultueuse période des luttes politiques et sociales, la France (ses autorités comme AREVA) allait conclure, à contrecoeur, des accords sur le principe ‘’gagnant-gagnant’’ avec le Niger. Mais, la France n’abandonne à personne ses intérêts. Elle, il fallait faire bon coeur contre mauvaise fortune et attendre que les vents tournent pour reprendre sa revanche. Les vents ont tourné au Niger avec le coup d’état du 18 février 2010. Et, les acquis de 2007 vont être remis en cause par AREVA, avec la complicité des autorités du pays.

Au commencement, il y avait les velléités de contrôler les ressources uranifères…

La brusque prise de valeur du minerai jaune sur le marché mondial qui avait atteint le pic record de 230.000FCFA le kilogramme et le développement spectaculaire du nucléaire civil, notamment dans les pays émergeants comme le Brésil, étaient des facteurs clés pour un regain d’intérêt vis-à-vis de l’industrie uranifère. Dans la bataille qui s’engage, le Niger refuse d’être le dindon de la farce avec le gigantesque projet d’AREVA d’exploitation du gisement d’Imouraren qui propulsera le pays au deuxième rang mondial, après le CANADA. En fait, la guerre de l’uranium est déclenchée. En 2007, les armes du Président nigérien Tandja Mamadou se résumaient à une série d’intransigeance : la diversification des partenaires miniers du Niger et une juste et équitable répartition des retombées sur une base ‘’gagnant-gagnant’’. Dans cette logique, ses atouts reposaient sur un soutien intérieur fort de son peuple et une irruption salutaire sur la scène internationale d’une Chine, moins regardante sur les aspects de la démocratie, des droits humains et de la bonne gouvernance. Le vent n’était pas favorable à la France. Elle accepte, à contrecoeur, les exigences du Niger, convaincue que son heure sonnera, tôt ou tard. C’est le principe froid de la lutte d’intérêts.

Rappel des quelques acquis obtenus par le Niger…

Le Niger détient 36,6% à SOMAIR et 31 % à COMINAK. Il obtient également de mettre en vente directe sur le marché mondial un certain tonnage d’uranium. Ainsi, en 2007, le Niger a reçu 100 tonnes qu’il a revendues, par le canal de la SOPAMIN, à une société américaine dénommée EXELON qui rachètera une partie des 300 tonnes, constituant la part du Niger de 2008. Le reste avait été vendu à AREVA à un prix préférentiel. Ce qui fait que, dès 2010, les deux sociétés n’achetaient plus le tonnage que le Niger met sur le marché qu’à un prix dérisoire : 55.000FCFA le kilogramme. Mais, toujours selon les accords, le Niger devait bénéficier en 2010 de 1.160 tonnes, en 2011 de 1.300 tonnes et en 2012 de 1.400 tonnes.

… qui forment de graves griefs nourris par AREVA et la France…

Il n’y a pas de doute, les accords de 2007 ont fait perdre la face à AREVA. Même l’implication des plus hautes autorités françaises dans ce dossier n’avait pas fait fléchir, à l’époque, le Président Tandja qui devrait recevoir, le Président Sarkozy qui n’aurait pas plus de succès, à Niamey en mars 2009. Sur le plan diplomatique, ces échecs ne pardonnent pas. AREVA et la France acceptent ‘’l’affront’’ et attendent que le vent tourne pour rebondir car la vengeance est un plat qui se mange froid.

Et le vent tourna. Tandja défia la constitution de la 5ème République pour un petit bonus de 3 ans. Ce qui sonna sa perte. Un coup d’état balaya son ambition un 18 février 2010. L’heure d’AREVA a sonné.

L’arrivée de la junte au pouvoir, un terrain favorable à AREVA et la France

La junte militaire qui avait pris le pouvoir, à Niamey le jeudi 18 février 2010, ignorait-elle les contours du dossier des accords entre le Niger et AREVA ? Quoi qu’il en soit, AREVA profitera pour tirer la couverture de son côté. Elle demande et obtient la réouverture des négociations autour de la question de l’uranium. Dès le mois de décembre 2010, elle impose le prix de 55.000FCFA le kilogramme d’uranium.

Un document de travail suspect…

Pour parvenir à ses fins, AREVA élabore un document intitulé ‘’Document de travail’’ qu’elle va soumettre au gouvernement de Transition. A partir du mois d’Août jusqu’en décembre 2010, des rencontres autour de ce fameux document de travail vont réunir partie nigérienne et responsables d’AREVA. Ainsi, Anne Lauvergeon, en personne, viendra au Niger en fin octobre 2010 pour diriger une rencontre à l’immeuble SONARA I avec des financiers nigériens. Réunion à laquelle prendront part le Trésorier Général de la Transition et son staff.

Dans sa mallette, l’ancienne patronne du nucléaire français avait des propositions chiffrées à 20 milliards pour le Niger si celui-ci acceptait le changement du prix du kilogramme d’uranium. Dans cette optique, AREVA prend l’engagement d’accréditer un compte d’attente au profit du Niger si la proposition de prix de ce dernier ne dépasse pas les 95% du prix référentiel. Une rencontre de révision des accords est projetée en 2012 entre AREVA et la SOPAMIN.

Entre temps, Anne Lauvergeon a été rattrapée par l’affaire UraMin. Un scandale politico-financier impliquant des entrepreneurs et responsables politiques français, canadiens et africains. Révélée par la presse au début des années 2010, l’affaire UraMin est un scandale lié au rachat de la mine canadienne.

C’est donc Sébastien de Montessus qui paraphera les accords avec le Niger, le 7 décembre 2010. Le Niger perd ainsi ses acquis de 2007. En mi-décembre 2010, les autorités instruisent SOPAMIN de cesser toute activité de commercialisation de l’uranium. Dans le même temps, cette tâche est confiée, à 100 %, à une autre filiale d’AREVA, basée en Allemagne et dénommée URANGE SELL SCHAST (UG).

La guerre de contrôle des ressources uranifère est donc perdue pour le plus pauvre pays du monde sans que l’on ne puisse, au stade actuel de nos investigations, situer les responsabilités de la partie nigérienne impliquée dans les négociations.

Une stratégie de contournement qui a, dangereusement, délesté le Niger …

Dans la reprise du contrôle des ressources uranifères exploitées par AREVA, cette société avait joué d’une stratégie de contournement. Comme un courant d’eau impétueux qui contourne l’obstacle pour mieux le cerner et triompher par l’usure, AREVA N.C. encercle le projet IMOURAREN. Pour échapper au droit nigérien et aux difficultés des accords de 2007, AREVA N.C. cède une part de 15% de ses 66,65% à une filiale créée sous le droit français avec pour dénomination ‘’AREVA EXPANSION’’ basée en Allemagne. Cette dernière s’empresse de les vendre (les 15%) à KEPKO, une société Coréenne. Ainsi, par ces artifices juridiques, AREVA N.C. prive le Niger d’importantes retombées de la vente de ses parts à KEPKO.

En contrepartie de cette transaction sur le dos du Niger, AREVA avait obtenu de KEPKO la construction de l’usine d’IMOURAREN pour 1,350 millions d’euro. Mais, le Niger ne participant pas à la réalisation de ce projet de construction, AREVA exige et obtient de lui l’inacceptable cession de 7% de ses parts.

Du reste, un audit mené sur le projet IMOURAREN sur la période 2006 à 2007 a révélé que 60% des dépenses sont inéligibles (fausses). Pire, l’inéligibilité porte sur environ 23 milliards de nos francs lourds pour seulement 8 milliards de provisions ‘’estournées’’.

L’autre tactique d’AREVA a consisté à la création d’une plate forme composée de 82 personnes qui contrôlent l’ensemble des structures d’exploitation uranifère. Percevant les dangers qui entourent ce projet tant pour le pays que pour les travailleurs, le Ministre des mines et de l’énergie de l’époque, M. Mohamed Abdoulahi avait adressé une lettre N°00471 du 02 septembre 2009 à AREVA pour attirer l’attention de celle-ci de ne pas procéder à la mise en place de cette plate forme. Mais, à la faveur de la signature de nouveaux contrats avec la junte au pouvoir en décembre 2010, AREVA profite de la situation pour régler cette question. Et selon des sources crédibles, c’est la ministre des mines de l’époque, Salamatou Gourouza, qui avait paraphé de sa main lesdits accords. En juillet 2011, Sébastien de Montessus arrive au directoire d’AREVA. Le 25 novembre 2011, Il procède, avec la complicité, du cabinet du président de la République Issoufou Mahamadou à la vente frauduleuse d’uranium qui donne lieu à l’Uraniumgate. Une affaire obscure dans laquelle 200 milliards de FCA sont sortis des caisses de la SOPAMIN et partagés entre des escrocs, entrepreneurs et hommes politiques.

Ali Soumana