Skip to main content

Exploitation de l’or au Niger : La SML plongée dans une mafia par Angela List

Quelle malédiction peut s’abattre sur le Niger pour que plus rien de ce qui fait sa richesse ne puisse lui servir ? Très riche, il est curieusement ce pays très pauvre, parmi les plus pauvres de la terre. Qu’est-ce qui peut bien faire mériter cela au Niger ? Qu’est-ce qui a bien pu arriver à ce pays pour mériter un tel sort ? On se rappelle que l’annonce de l’exploitation de certaines ressources du sous-sol avait fait rêver les Nigériens, donnant à croire que le pays trouvait enfin là le moyen de sortir du sous-développement. Qui avait cru que lorsque le Niger eut ce qui ressemblait à une chance avec l’arrivée au pouvoir d’Issoufou Mahamadou qui pouvait reconnaitre à l’Opposition que le Niger n’est pas un pays pauvre mais un pays mal géré, l’on pouvait avoir tant de scandales dans le pays, tant d’opacité dans la gestion du pays ?

Aujourd’hui, nous allons fouiller sa gestion, documenter la gestion de la société d’exploitation de l’or de Samira, la SML. Après plusieurs années d’exploitation de l’or, l’on a l’impression, comme c’est aussi le cas pour le pétrole, que cette ressource ne sert à rien au Niger, ne change rien à la vie des populations. Comment peuton d’ailleurs comprendre que c’est en ce moment que l’école manque de classes, que les centres de santé manquent de produits et de matériels de pointe, et surtout que nos enfants, dans des abris précaires qui leur servent de classes, meurent, calcinés dans des incendies de paillottes ? En tout cas, la SML ne fait plus rêver, et les Nigériens ont même oublié qu’on exploite de l’or dans leur pays. Aujourd’hui, la SML se trouve dans un piteux état, gérée de manière opaque, une situation que peut expliquer la passe de mains dans laquelle la société s’est retrouvée. Faut-il croire que chaque fois qu’un repreneur tire le maximum de l’exploitation de la mine, elle jette l’éponge pour s’en aller, ne laissant au pays que terres défaites et inexploitables ? Au moment nous traitons cet élément, nous apprenons le lancement par la SYNTRAMIN d’une grève de trois jours à partir du mardi 20 décembre 2022, mais tout en précisant se disant disposée au dialogue.

Un peu d’histoire…

La Société des Mines du Liptako, SML/SA, est l’unique société nigérienne qui exploite l’or de manière industrielle au Niger, dans le département de Gothèye, précisément sur les sites de Samira et de Libiri. Elle a été crée – et on se rappelle de cette fameuse histoire de « lingots d’or » qui donnait beaucoup d’espoir aux Nigériens – en 1996, avec une exploitation qui a effectivement démarré en 2003 comptant comme actionnaires le canadien SEMAFO, le marocain Manangem et l’Etat du Niger. Mais en 2013, SEMAFO rompt avec la SML, cédant ses actions à l’Etat du Niger à travers la SOPAMIN, une société qui appartient entièrement au patrimoine de l’Etat. En 2016, la SOPAMIN céda, dès le premier trimestre, 80% des actions de la SML à un groupe mafieux nigérian du nom de « A GROUP INTERNATIONAL », appartenant à un proche de l’ancien président nigérian, Aboubacar Abdoul Salam. Mais, n’ayant pas tenu à ses engagements d’investissement, au premier trimestre 2018, l’Etat du Niger résilie le contrat de cette société, ce à la suite de deux lettres de mise en demeure adressées à « A GROUP INTERNATIONAL ». La Société Nigérienne de Patrimoine des Mines (SOPAMIN) reprend alors la gestion de la SML, non sans problèmes puisqu’un contentieux entre l’Etat du Niger et ce groupe a contraint le Niger à lui rembourser le prix de vente de la SML qui s’élevait à 2.5 millions de dollars, soit environ 1.5 milliards de francs CFA. Quand on sait d’autres cas, notamment avec Africard où l’Etat du Niger, ayant été trainé devant les tribunaux, avait subi le même sort à payer d’autres milliards (une dizaine) sans rien faire, l’on ne peut que s’interroger sur la gestion des socialistes, sur leur capacité à prendre soin du pays et de ses richesses.

De reprise en reprise…

L’Etat du Niger, représenté par SOPAMIN, le 31 mai 2019, conclut un contrat de cession d’actions avec le groupe « MCKINEL RESSOURCES LIMITED », une société du groupe BCM détenu par l’Australien Paul List, représenté par Angela List, métisse ghanéenne, épouse du patron de la société en question et qui, apprend- on, se servira de l’argent volé de la compagnie de son mari pour s’offrir un jet privé. Elle est aujourd’hui la Présidente du Conseil d’Administration de la SML. On note d’ailleurs que depuis l’arrivée de Mckinel au Niger, les recettes de la vente de l’or du Niger ont été, dans leur grande majorité, directement versées dans des comptes à l’extérieur du Niger au mépris des dispositions du code d’investissement du Niger et surtout en violation flagrante du règlement N°09/10/ 2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010, mais aussi du code minier en son article 105 (nouveau). Ainsi, en trois ans, rien de sérieux n’a été réalisé par le nouveau repreneur, ne respectant aucun de ses engagements.

Situation désastreuse à la SML…

Depuis la reprise par Mckinel, la SML n’a jamais réalisé, ne seraitce que la moitié de son budget annuel, régressant d’année en année. Sans aucun nouvel investissement, alors que le matériel d’exploitation est usé, presque hors de service, ne disposant pour la production que d’une pelle et quatre camions, la société ne peut pas être performante. On ne compte comme nouvelle acquisition somme toute inopportune que deux bull, une niveleuse et une foreuse.

Les équipements sont donc obsolètes, peu de mode, peu performantes par conséquent et avec des coûts d’entretien insoutenables pour une société qui est incapable de produire, de remplir son contrat. On comprend dans ces conditions que la société soit régulièrement en arrêt et pour cause, l’on peut en plus relever un manque de coordination entre les différents chefs de département. Par exemple, pour le seul premier semestre 2022, l’usine était en arrêt pour manque de gasoil et d’explosifs presque chaque mois, de gasoil et de réactifs presque chaque mois aussi. Aussi, l’usine, quand elle tourne ainsi que le rapporte le mémorandum, « […] faisait une production journalière

d’environ 40 onces pour une prévision budgétaire de 101 onces. [Précisant que] n’eut été l’alimentation récente du minerai de Bouloundjonga qui s’apparente actuellement à de l’écrémage, les pertes ne seront pas supportables pour l’entreprise ».

A la date d’émission de ce mémorandum (mi-septembre 2022), la société n’est qu’à 15% de réalisation du budget. Il faut rappeler que la production des années 2020 et 2021 n’était respectivement que de 15 et 39%, très loin du cahier des charges.

Pourtant, quand même ses réserves sont épuisées, l’on sait que la SML dispose de dix (10) permis de recherche qu’elle ne peut exploiter car aucune activité de sondage n’est menée depuis que Mckinel reprenait la société. D’ailleurs, le prestataire nigérien qui s’est hasardé sur les recherches, a dû interrompre ses activités, faute de paiement. Dans ces conditions, et avec les seuls réserves disponibles, la SML ne peut pas espérer réaliser son budget 2023.

Clauses non respectées…

Le repreneur n’a donc pas respecté les clauses contractantes avec l’Etat du Niger et n’en fait qu’à sa tête, exportant presque clandestinement ce qu’il extrait du sous-sol nigérien. Il n’a pas honoré son engagement pour la cession d’une partie de sa flotte d’engins à hauteur de 4 millions de dollars, ni les plans d’investissement minimum et global, ni même encore le placement d’un million de dollars dans un compte à Niamey. Mais où va l’argent de la SML ?

On a également reproché au repreneur la modification du montage financier, l’inexistence d’un compte d’opération au Niger qui donnerait une traçabilité de la gestion de la société, une accumulation de la dette fiscale, douanière et des cotisations sociales, avec des prestataires et fournisseurs nigériens lésés, voire suspendus. La gestion est donc chaotique, et même opaque quand pour les achats, tous sont dirigés vers des centrales d’achat négociés en amont par eux seuls.

Il faut aussi relever la mauvaise gestion administrative avec des affectations et nominations qui ne respectent aucun principe de rigueur, une chasse aux sorcières, le non-versement des cotisations sociales à la CNSS, le recours massif à des expatriés, marginalisant les compétences nationales aujourd’hui méprisées dans la société. Avec une telle gestion, l’on ne peut que s’attendre à la démotivation totale du personnel.

Un personnel vent debout…

Dans un mémorandum sur la situation de la SML adressé par la le SYNTRAMIN à la Ministre des Mines le 10/10/2022, afin de l’édifier sur la situation critique de la société, l’on peut lire tout le désastre qui arrive à la SML. Reprise par Mckinel en 2019, suscitant de l’espoir, la situation de la société, malheureusement, de jour en jour, s’est dégradée, plongeant les travailleurs dans l’expectative. Au risque d’en être complices, les représentants des travailleurs, alertent la tutelle pour sauver ce qui reste de la société, tirant sur la sonnette d’alarme afin que, rapidement, les mesures nécessaires soient prises.

En plus des inquiétudes légitimes annoncées par les travailleurs, à travers leurs représentants, la BECEAO, par lettre n°00308 du 04 février 2022, alertait sur d’importantes quantités d’or qui étaient en train d’être exfiltrées du Niger, sans que les fonds ne soient rapatriés. Aucune suite n’a pourtant été donnée à cette lettre quand même importante pour la gestion d’un pays notamment par rapport à un sujet aussi grave qui concerne l’exploitation minière qui aiguise bien d’appétits. Comment ne pas s’en indigner quand une expédition de 4.6 milliards a eu lieu en novembre et une autre de 2.3 milliards en décembre, sans que, pour chacune d’elles, les fonds ne soient rapatriés au Niger, toutes choses qui n’ont pas empêché que les activités de la mine soient suspendues par manque, tenez-vous bien, de carburant ? Mais où va cet argent ? A qui profite-t-il ? A des intérêts extérieurs ou à des intérêts obscurs nigériens, tapis dans les méandres du pouvoir et du parti au pouvoir ? Cette affaire trop grave pourrait, à elle seule, justifier pourquoi certains milieux s’accrochent mordicus au pouvoir. Qui se cache donc derrière Mckinel ? Il y a urgence à investiguer sur cette question pour mettre des visages sur ces hommes et ces femmes qui pourraient en être les plus grands bénéficiaires.

Sauver la SML…

Il est vrai que face à tant de préoccupations, la tutelle a souvent initié des actions pour trouver une solution à la léthargie de la SML et la rendre plus performante. Par exemple, par lettre n°0159 du 24 février 2022, adressée à Madame la Présidente du Conseil d’Administration de la Société des Mines du Liptako, SML.SA, Mme. List, elle adressait une deuxième mise en demeure adressée au même destinataire. Dans cette lettre, la Ministre note qu’elle a été « informée par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest que les 557kg d’or ayant une valeur de plus de 13 milliards de F CFA, exportés au titre de l’année 2021 par [SML] n’ont pas fait l’objet de rapatriement ». Puis, dans la lettre n°0160 de la même date, et adressée à la même destinataire, elle invitait « aux discussions sur la situation de la SML.SA ». Récemment encore, le 15 novembre 2022, par lettre n°0646, s’adressant à Madame la Présidente du Conseil d’Administration de la Société des Mines du Liptako SA, rendant compte de la « situation de la SML », elle note que « de tous les griefs mentionnés dans le mémorandum, seule la question relative à l’apurement des dettes pourrait faire l’objet d’un engagement de solvabilité ». Il souligne que « Les préoccupations sur les activités minières, l’exploitation, les relations avec l’Etat et celles relatives à la quiétude sociale n’ont pas l’objet de traitement adéquat ». Et elle rappelait que « la viabilité de l’unité dépendra des réponses adéquates que [la PCA pourrait] apporter pour la gestion d’une société anonyme et une exploitation minière en bonne et due forme, selon les règles de l’art ». En concluant sa correspondance, elle souligne de « faire prendre les dispositions qui siéent pour [la relève de la directrice d’exploitation au plus tard au 31 décembre 2022 », tel que cela avait été convenu.

Questions…

Dans ce désordre, des questions restent en suspens. Comment cette PCA, ressortissante ghanéenne, réussit-elle, soustrayant de l’argent de la compagnie du mari pour se payer un jet privé quand, le pays, le Niger où l’on exploite l’or, ne voit presque rien de ce que cet or peut lui apporter, ne serait-ce que les redevances fiscales et douanières ? Peutelle jouer seule, pour extirper du pays tant de quantités d’or sans bénéficier de complicités internes, nigériennes ? Quel rôle joue dans ce puzzle, cet autre Nigérien, un certain Abdou-Kader Adoum, à travers sa société, Araba Mining ? Sert-il de sociétéécran pour servir des intérêts privés, mesquins, inavouables ? Comment comprendre dans un Etat normal, que le Directeur général de la SML n’ait pas le droit de signer même un chèque de 2000f ? Finalement, à quoi peut bien servir l’Etat du Niger dans tout ça ? Peut-il avoir dans cette « association de malfaiteurs » des gens plus puissants que l’Etat et les pouvoirs publics ? Comment comprendre et admettre qu’avec cette société qui traine les pieds mais sortant quand même quelques quantités d’or du pays sans que les fonds ne reviennent dans le pays, fasse travailler un personnel qu’elle ne paie que 40, voire 45 jours après ? Pourquoi, devons-nous subir dans la gestion de ce qui nous appartient après tout ? Et comment comprendre enfin, qu’après tant de correspondances, la dame, Angela List, ne daigne même pas répondre à l’Etat du Niger à travers la Ministre de tutelle ? Sait-elle, comme les Chinois dans le cadre du pétrole, sur les pratiques malsaines d’hommes du pouvoir pour avoir un si grand mépris pour des autorités du pays ?

Intrigant…

A la table-ronde sur le PDES à Paris il y a quelques jours, l’on pouvait voir la PCA, Angela List, encadrée par les ministres des finances et du pétrole sans qu’on ne sache trop ce qui peut expliquer cette proximité alors qu’aucun de ces deux ministres ne gère les mines ? Nous creuseront ces accointances et les Nigériens en sauront davantage sur le dossier, les prochaines semaines. Les richesses du Niger sont au Niger et aux Nigériens, non à quelques individus, fussentil du pouvoir.

La situation est trop grave et inadmissible. Il faut que le président de la République s’en saisisse pour faire toute la lumière sur cette question. Au-delà, ce sont les Nigériens qui doivent sortir de leur long sommeil. On continue de piller le Niger. L’heure est grave…

Mairiga