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Ismaël Lo : « En Afrique, il est anormal de jeter un citoyen en prison pour avoir critiqué le chef de l’Etat »

Vous imagineriez-vous enregistrer avec Youssou N’Dour, Tiken Jah Fakoly ou Salif Keïta un appel à la mobilisation totale contre l’extrémisme violent en Afrique ?
Non seulement c’est possible mais, pour moi, le simple fait de l’envisager est un signe de reconnaissance de notre influence à nous, artistes musiciens, sur la société. Nous devons saisir ce pouvoir d’influence pour plaider la tolérance, mais aussi pour appeler nos dirigeants politiques à la modération, à l’ouverture et à la tolérance. Dans mes chansons, je défends le respect de l’humain, le respect de la tolérance.

Il n’est pas acceptable qu’un citoyen soit jeté en prison dans nos pays pour avoir eu une critique, même excessive, envers un président de la République. Je le dis parce que je considère que le pouvoir politique et la puissance qu’il confère sont des choses éphémères. Vous pouvez être milliardaire aujourd’hui et vous retrouvez sans le sou demain, car rien n’est éternel. Voyez ces nouvelles villes construites ex nihilo, ces réalisations humaines monumentales balayées en une minute par un tsunami, un tremblement de terre ou un glissement de terrain.

Tout cela doit nous amener à relativiser les choses et à promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelles. Je suis sûr que mon point de vue est partagé par les autres artistes musiciens que vous évoquez. Cela rend donc faisable le projet de mobilisation collective contre la menace terroriste.

Votre présence à Essaouira est-elle le prolongement de votre engagement pour la tolérance et le vivre-ensemble ?
En venant à Essaouira pour le Festival gnaoua et musiques du monde, j’ai le sentiment de poursuivre ma mission d’ambassadeur de la diversité culturelle. Je n’ai pas hésité un seul instant lorsque les organisateurs m’ont fait l’amitié de me demander d’y participer.

Pour moi, la musique gnaoua, c’est la musique de mes ancêtres. C’est autant la musique du Maroc que du Sénégal. Par la provenance des participants, la diversité des musiciens qui y participent, ce festival est un haut lieu de promotion de l’ouverture à l’autre, de la tolérance, de l’humilité. L’environnement actuel en Afrique et dans le reste du monde appelle que toutes les bonnes volontés se rassemblent autour des valeurs de tolérance, de partage et d’ouverture. Je continuerai d’y prendre toute ma part.
Propos recueillis par Seidik Abba (chroniqueur Le Monde Afrique, Essaouira, envoyé spécial)
17 juillet 2017
Source : http://www.lemonde.fr/afrique/