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Mobilisation de ressources financières : La Halcia dans les rues, les délinquants financiers dans les salons feutrés

Pourquoi l’Etat ne harcèle pas ceux qui ont détourné les ressources publiques, y compris celles destinées à l’armement des Forces armées nationales, en temps de guerre ? Grave question qui mérite une réponse, particulièrement ces derniers jours où l’on voit des agents portant des jaquettes frappées d’un dossard Halcia aux coins des rues, en compagnie de la police et/ou de la gendarmerie. Ils procéderaient à des vérifications afin d’obliger les automobilistes non en règle de se munir des papiers exigés. Une tendance qui s’ajoute à la surveillance des examens et concours professionnels dans lesquels la Halcia s’est investie ces dernières années. Si une telle extension de ses missions n’est pas en soi une si mauvaise chose, les Nigériens attendent, en revanche, plus de fermeté vis-à-vis des délinquants en col blanc qui ont saigné les finances publiques. En juin 2021, la Halcia a animé un point de presse au cours duquel elle a révélé aux Nigériens que plus de 234 milliards de francs CFA de droits n’ont pas été versés à l’Etat par des personnes physiques ou morales. Ce montant, a indiqué l’ancien président de la Halcia, Aboudramane Gousmane, est issu des opérations du contrôle des recettes internes de l’Etat, menées par la Halcia, les directions générales des impôts et de la douane. Avec 157 milliards d’impayés, les grandes entreprises sont les plus grands récalcitrants de la classe. Viennent ensuite les moyennes entreprises avec un montant de 67 milliards. Les 10 autres milliards devaient provenir d’autres recettes. Avec un tel niveau de rébellion fiscale, on se demande bien qui paie alors les impôts au Niger, surtout lorsqu’on sait, par le biais de la Halcia, toujours, que certaines sociétés totalisent à elles-seules, plus de 40 milliards de droits non versés.

Ces révélations de la Halcia, on le sait, sur la base des scandales de détournements de fonds publics, ne sont que la face visible de l’Iceberg. Pourquoi l’Etat harcèle automobilistes et autres citoyens à se conformer aux lois et règlements alors que les délinquants financiers sont épargnés de toute reddition des comptes ? Des affaires scabreuses dans lesquelles l’Etat a été spolié de ses ressources, il y en a à la pelle. Les fonds de l’armée détournés au ministère de la Défense, les 200 milliards de l’uraniumgate, ceux engloutis dans l’acquisition de l’avion présidentiel, l’achat d’engrais à la Caima, dans les cadeaux fiscaux… donnent une idée de la gouvernance financière qui a prévalu sous Issoufou Mahamadou, amis surtout des montants faramineux que l’Etat pourrait engranger au bout d’une opération coup de poing rendue plus que jamais nécessaire au regard de la tension de trésorerie observée. Les Nigériens auraient préféré voir la Halcia et la justice portées sur ces dossiers susceptibles de rapporter à l’Etat ce qui lui a été pris plutôt que de se disperser dans des opérations perçues par l’opinion nationale comme étant destinées à noyer le poisson.

Selon Transparency international, le Niger est le 8e pays le plus corrompu d’Afrique de l’Ouest. Cette image est-elle exacte ? Rien n’est moins sûr. Le sentiment général est qu’en 10 ans, sous la gestion d’Issoufou Mahamadou, la corruption et les infractions assimilées ont fait évaporer sans doute des milliers de milliards de francs CFA qui auraient pu servir à financer l’éducation, la santé, l’hydraulique, etc. Les conditions de vie des Nigériens, bien en deçà de la moyenne africaine, ont régulièrement fait classer le pays au dernier rang de l’Indice de développement humain (Idh). Les services sociaux de base sont en cause et le taux d’alphabétisation en est le noeud gordien. Avec un taux démographique jugé des plus élevés, le Niger a connu, sous Issoufou, c’està- dire avec le boom pétrolier, un net recul dans la gouvernance. Tout, absolument, a été mis en l’envers. Les contre-valeurs ont remplacé les valeurs, les délinquants financiers font juger et condamner ceux qui les dénoncent et les gouvernants chantent, malgré tout, les vertus de la bonne gouvernance et d’une justice saine.

Laboukoye