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Interview exclusive du Directeur Général de la Caisse Autonome des Retraites du Niger (CARENI) : ‘‘Le paiement des nouvelles pensions débute le vendredi prochain’’, déclare M. Mahamadou Yahaya

Quelles sont les réformes engagées par l’Etat pour faire de la CARENI une institution au service des retraités régis par le statut général de la Fonction Publique?

La création de la Caisse Autonome des Retraites du Niger en 2012 par la loi constitue en elle-même une réforme qui vise à améliorer les conditions de vie et de prise en charge des retraités. La notion de l’autonomie, s’entend ici la sécurisation du Fonds National de Retraite (FNR). C’est pourquoi, le Niger est membre fondateur de la Conférence Interafricaine des Prévoyances Sociales (CIPRES). Ainsi, en matière du paiement de la retraite, ce sont les travailleurs jeunes qui paient pour les anciens. La seconde reforme réside dans la question d’assouplissement des procédures dans le traitement des dossiers. Par le passé, lorsqu’un agent de la Fonction Publique part à la retraite, celui-ci peut aller jusqu’à un an avant de commencer à bénéficier de sa pension. A ce niveau, il faut préciser que les choses ont connu évolution substantielle pour réduire ce délai. C’est pour dire que n’eut été la réforme actuelle, le délai de traitement d’un dossier peut prendre six (6) mois. Aujourd’hui, ce délai est passé de six (6) mois à 12 jours. Ce gain en temps est lié à l’amélioration des textes en la matière. En effet, la révision des textes a permis le transfert de compétences détenues par le Ministère de la Fonction Publique à la CARENI. Cette dernière a désormais la responsabilité de traiter les dossiers, de les liquider et de générer un livret de paiement qui, jusqu’en 2021 était encore sous la responsabilité de la Direction Générale de Contrôle de Marchés Publics du Ministère des Finances. Cela veut dire que le responsable de la CARENI a comme mission de concéder techniquement, mais n’ordonnait pas le paiement. A partir de 2021, cette prérogative a été déléguée au Directeur Général de la CARENI qui, avec l’accompagnement du contrôleur affecté à la CARENI, signe l’ensemble des documents qui concernent la liquidation et l’attribution d’une pension. Cela a permis aussi de créer cette forme de traçabilité, de visibilité autour des questions de pension et d’avoir un seul et unique répondant. Il y a aussi l’adaptation des documents concernant la CARENI qui, jusqu’en 2021 n’étaient que Fonds National de Retraite (FNR) alors que la Caisse Autonome existait. C’est ainsi qu’à partir de cette date, on a adapté toute la documentation de pensions au principe qui consacre la loi 2012 créant la CARENI, y compris le logo et toutes les questions administratives.

La troisième réforme fondamentale est liée à la maitrise de l’effectif des pensionnés. Ce travail a débuté depuis 2021 dans la mesure où il fallait qu’on maitrise l’effectif pour pouvoir se projeter. Vous ne pouvez pas faire de la prévoyance sociale lorsque vous ne maitrisez pas les acteurs pour qui vous êtes en train de travailler. A cet effet, nous avons engagé un processus avec l’accompagnement bienveillant du Ministère des Finances pour que nous puissions maitriser la base des données par rapport aux retraites y compris les retraités de réversion qui sont les plus importants. Ce qui nous a amené progressivement à mettre la main sur la maitrise de l’effectif qui fait appel aussi aux moyens. A partir de 2022, l’Etat du Niger a décidé de mensualiser les pensions comme réforme d’envergure. La date initiale pour le paiement mensuel des pensions était le mois de janvier 2023. C’était l’objectif de l’Etat. Mais chemin faisant, il est apparu un problème de conformité de texte notamment le décret 61/50 qui date de 1961. Il fallait harmoniser ce texte au regard de la volonté politique de l’Etat de créer les conditions permettant aux retraités d’avoir un revenu mensuel. C’est ainsi qu’un comité a été mis en place par le ministre des Finances, dont nous sommes membre. Le travail du comité a abouti à l’adoption d’un nouveau décret portant organisation du régime de retraite au Niger qui, à son article 42 consacre la mensualisation des pensions. Quant à son article 56, il fait de la CARENI, la responsable morale de la gestion du Fonds National de Retraite. Avec l’adoption de ce décret, il n’y plus rien qui pouvait arrêter le processus de la mensualisation des pensions qui, vise véritablement l’amélioration des conditions de vie des retraités et sortir ceux-ci des griffes, à la fois des usuriers, mais aussi de cette vulnérabilité ambiante. Lorsqu’il faut attendre trois (3) mois avant de toucher sa pension, il est clair qu’on est à la merci des contingences. Or si la pension est mensualisée, c’est un ouf de soulagement pour le retraité même si par ailleurs il y a la réduction de revenu. Cependant, le rythme d’accès au revenu reste le même ; ce qui permet de faciliter la vie et réduire la vulnérabilité. En outre le paiement des pensions par trimestre est assez déplorable lorsqu’on regarde comment cela se passe. Il y a des usagers qui n’envoient leurs livrets qu’au moment du renouvellement, c’est-à-dire cinq (5) ans après. Cela veut dire que les livrets sont dans les mains des usuriers. L’Etat a très bien réfléchi en décidant de mettre fin à cette cacophonie. Le processus permettant de démarrer la mensualisation a débuté le 20 janvier 2023. Ce processus d’enregistrement de tous les dossiers s’est achevé en l’espace de deux mois. Je peux dire que la reforme suit son cours. Bien évidemment, cette mensualisation prendra son envol à partir de ce mois déjà. Mais, il sera véritablement plus visible  à partir des mois de juillet-Août 2023.

Une autre réforme non des moindre est la bancarisation du paiement des pensions. Le paiement au billetage donne droit à beaucoup d’abus et demande beaucoup de moyens. Rien que la capitale Niamey, vous avez 20.000 pensionnés à payer sur lesquels il n’y a que 7000 dont les pensions sont logées dans des banques. 13.000 pensionnés sont à payer au billetage et chacun veut être le premier à toucher son argent. Du coup, il n’y a pas d’organisation possible. Voilà pourquoi, nous avons privilégié la bancarisation. En effet, l’échelle de bancarisation est de 30.000 FCFA, cela veut dire que toutes les pensions supérieures ou égales à 30.000 FCFA vont en banque. Ceux qui ont déjà un compte, verront leur pension virée dans la banque où ils sont domiciliés. Par contre ceux qui n’ont pas de compte seront versés à la SONIBANK à partir du mois de juillet 2023. Cette banque dispose d’une carte GAB qui leur donne accès à leur ressource. L’autre volet du processus lié à la bancarisation est de créer et développer un système de convention avec les agences de transfert d’argent afin que tous ceux qui ont une pension inférieure à 30.000 FCFA puissent être pris en charge.

L’objectif est de dématérialiser de façon générale la question des pensions. Pour matérialiser cette réforme, nous avons mis en place un logiciel ou une plateforme qui permet d’éliminer les doublons. Ainsi, sur une prévision de 42.000 retraités, nous n’avons en réalité que 34.000 enregistrés dans la base des données. La finalité du processus est d’informatiser tout le système et nous serons présents sur l’ensemble des régions du Niger. Nous avons le temps de nous organiser parce qu’il n’y aura pas de retraités l’année prochaine pour que cette informatisation soit effective. Nous allons créer les conditions pour que lorsque quelqu’un veut liquider son dossier de pension, il n’aura pas besoin de se déplacer.

Relativement au processus de traitement des dossiers qui est passé de six (6) mois à 12 jours, décrivez-nous les étapes à suivre ?

Pour traiter un dossier de pension, il faut que la personne dépose un dossier à la CARENI. Ce dossier comprend outre les actes d’état civil, l’ensemble des documents qui ont géré la carrière de la personne en question. Avant, il n’y avait pas de numéro de contact de telle sorte que lorsqu’il y a une insuffisance, il est difficile de traiter le dossier. Pour des cas pareils, le dossier est systématiquement transféré au Ministère des Finances jusqu’à la régularisation de la pièce manquante. Maintenant, si ce sont des actes simples qu’on peut trouver à la Fonction Publique, nous les cherchons pour faire avancer le dossier. Pour éviter tous ces problèmes qui sont récurrents, nous avons instauré depuis 2021 que seuls les dossiers au complet soient pris. Parmi les actes à fournir à la CARENI, il y a ce qu’on appelle l’attestation de solde parce qu’il se pourrait que lors de la retraite, il y a eu retard de la fiche de mise à la retraite. La solde ne peut couper le pensionné que lorsqu’elle rentre en possession de ces documents administratifs. Il est facile de trouver des gens qui sont partis à la retraite, mais qui, ont ‘’du trop perçu’’ sur salaire. C’est pourquoi, il nous faut l’attestation de solde pour que nous soyons sûrs que la personne n’a pas pris l’argent de l’Etat. La pension a quelque chose de particulier : elle est incessible et insaisissable sauf en cas de dette envers la République. 

Le système de pension au Niger est un système contributif. Quand la personne ne contribue pas, elle ne peut pas en bénéficier. Toute poche non payée, est une poche non prise en compte. Une fois que nous avons l’attestation du FNR est là, le traitement du dossier ne prend que 72 heures pour avoir le livret de pension.

Et quand est-il de la maitrise des effectifs selon les types de retraites ?

A la date d’aujourd’hui, Nous avons 21.363 pensions d’ancienneté, y compris les nouvelles pensions, c’est-à-dire celles de l’année 2022. Les pensions d’invalidité sont au nombre de 445 ; les pensions de réversion sont au nombre de 14.150 ; les pensions de gratification sont estimées à 12 et les pensions de correction au nombre de 18. Le total des nouvelles pensions est de 1457 auxquelles il faut ajouter 134 nouvelles pensions de réversion ; 23 nouvelles pensions liées à l’invalidité. Quant à l’incidence financière en cours de traitement, elle s’élève à plus de trois (3) milliards par mois. La particularité de la pension, c’est qu’elle marche en dent de scie ; elle peut diminuer, tout comme elle peut augmenter. Sinon par vocation, une pension est appelée à diminuer parce que les indemnités qu’on perçoit pour les enfants diminuent au fur et à mesure que ceux-ci deviennent majeurs. Il y a les pensions qui sont éteintes parce que la personne qui décède n’a aucun enfant mineur. Par ailleurs, il est important de savoir que la masse de pension est de 20% de la masse salariale dont 6 % pour l’agent et 14% pour l’Etat qui est employeur.

Quelles sont les perspectives de la CARENI ?

Avant que je ne parle des perspectives, je tiens à dire que nous sommes en train de générer la prise en charge des pensions du mois de juin. Elle a une importance capitale pour nous et une valeur morale importante aussi. Le mois de juin, c’est la période où nous avons promis que les pensions 2023 seront traitées et payées en même temps que les anciennes pensions sur l’ensemble du territoire national. Nous avons reçu une contingence majeure pour traiter la reprise des documents et faire face à la mensualisation engagée. Traditionnellement on commence à sortir les nouvelles pensions entre le 15 et le 22 mai de chaque année, parce que nous enregistrons les dossiers à partir du 10 au 15 février. Donc cette année, c’est à partir du 15 février qu’on a commencé à prendre réellement les pensions pour ceux qui ont déposé avant. Mais le plus gros nombre, c’est à partir du 15 février. Donc, nous sommes en train de nous activer pour honorer cet engagement de débuter le paiement des nouvelles pensions au plus tard le vendredi, en même temps que les anciennes in chaa Allah. Et nous sommes en train de générer les états de paiement pour que le virement puisse s’effectuer au plus tard le vendredi 23 juin. Donc, il n’y a pas d’ambiguïté à ce niveau-là et il n’y a pas de problème, ni de tension de trésorerie, ni de problème administratif. Tous ceux dont les pensions ne seront pas payées, cela veut dire que leurs dossiers ont des problèmes. Sachez que ces personnes ont été appelées individuellement, et je tiens à le dire, pour leur dire la nature du problème de leurs dossiers. Donc, ceux qui ont fourni l’effort d’agir sur les difficultés de leurs dossiers sont traités. Je pense qu’il y a 914 qui seront payés sur les 1457. Ceux qui sont dans le circuit de validation et qui ont eu leur attestation de solde le vendredi passé, ils sont 244 et ils s’ajouteront au 914. Ce qui fera 1158. Le reste, c’est ceux qui ont le problème du FNR. On a affiché leur liste pour qu’ils viennent s’occuper de leurs dossiers. Le problème qui se pose, c’est que tant qu’on n’a pas ça, le contrôleur ne peut pas signer. Nous avons 298 pensions de réversion qui vont s’ajouter aux autres susdits et qui vont être payées. C’est dire que nous sommes à plus de 95% des dossiers traités finis et qui vont être payés en même temps que les autres pensions à partir très probablement de ce vendredi-là. Nous avons reçu la consigne pour que le paiement commence cette semaine. Et nous sommes prêts pour ça. Donc sans ambigüité,  je dis que les pensions 2023 seront payées en même temps que les anciennes à partir du vendredi In Chaa Allah.

En termes de perspectives, nous avons la chance que les nouveaux textes de la fonction publique en voie d’être promulgués nous donnent la rallonge de deux ans. Ça veut dire que dans les deux prochaines années, il n’y aura pas de retraites. Nous aurons beaucoup de réversions, de réformes parce que dans ces pensions d’ancienneté, on trouve des pensions de réformes des personnes qui sont tombées sur le champ d’honneur. Leurs pensions seront reversées à leurs parents, pour ceux qui n’ont pas d’enfants ou d’épouse. Une autre perspective, c’est que nous allons vers la dématérialisation de l’ensemble du processus, vers l’informatisation du système de retraite pour non seulement alléger le processus mais aussi pour nous conformer au principe de la CIPRES. Actuellement, c’est un livret qu’on donne aux usagers, que le pensionné traine toute sa vie. Franchement, il faut qu’on sorte de ça, qu’on soit dans la modernité et qu’on s’adapte au contexte sous régional. Notre ambition est d’arriver à avoir un système de paiement direct des pensions qui n’a pas besoin de passer par des protocoles ennuyeux. Ce qui implique un renforcement des capacités des agents afin de nous permettre de nous adapter à ce nouveau contexte-là.

Réalisée par Hassane Daouda (ONEP)

 Source : http://lesahel.org/