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Lutte contre l’impunité Après : SONUCI, à quand les autres dossiers ?

Des Nigériens peuvent s’offusquer que la presse s’interroge toujours sur le sort de certains dossiers connus du grand public et auxquels le régime traine à donner une suite judiciaire. Si l’on revient très souvent sur ces questions, c’est bien pour une raison toute simple : l’équité qui voudrait que les Nigériens soient traités au même pied d’égalité devant la Justice qui est là pour tous, non pour écraser certains et en épargner d’autres, égalité étant un des fondements de la République et de l’Etat de droit. Il est vrai qu’il y a quelques jours, la gestion de la SONUCI a fait l’objet de beaucoup de débats avec, à la fin, apprenait-on, deux anciens Directeurs Généraux qui avaient été confondus dans la gestion et qui ont été écroués à la prison civile de Niamey. Lorsque des fautes sont reconnues et sanctionnées, l’on ne peut que s’en réjouir non pas parce qu’il s’agit du malheur d’un autre mais simplement parce que l’on peut croire que la Justice, dans le pays, enfin fonctionne et que personne n’en est au-dessus, fut-il un DG. Le Niger, comme toutes les démocraties, a un immense besoin de justice et il faut la lui rendre, ce d’autant que le président de la République, à son entrée en fonction, en faisait au peuple la promesse et un engagement personnel.

Nous ne remuons pas une plaie déjà traitée, mais nous l’évoquons ici juste pour attirer l’attention du régime sur d’autres cas tout aussi graves qu’on semble ne pas vouloir toucher, les laissant oubliés des Nigériens. Comment ne pas se souvenir et rappeler les cas révélés par des inspections d’Etat dont les résultats « dorment » dans les tiroirs du président de la République, alors même que les magistrats du Niger, il y a quelques semaines, lui demandaient, si tant est qu’il tient à lutter contre l’impunité, de transmettre tous les dossiers qui sont ou entre ses mains ou entre les mains du parquet ou de la Halcia ? Les Juges nigériens ne demandent pas mieux que de leur donner l’indépendance indispensable pour eux à faire le travail que le peuple attend d’eux pour vivre dans une société de justice et de paix. Mais, visiblement, ça coince quelque part, car depuis ces passes d’armes, les choses ne semblent pas avoir évolué, le régime se taisant gravement sur le sort de tant de dossiers connus aujourd’hui de tous les Nigériens. Et l’on se demande que deviennent les dossiers de la SONIDEP, de la CAIMA, du ministère de l’équipement, du Ministère de l’Education, du ministère de la Défense, du ministère de l’intérieur, de l’ancien ministère de l’enseignement secondaire, du ministère du pétrole, les rapports de la Cour des comptes etc. ? Pourquoi tant de dossiers doiventils échapper à la justice ? Qui met le pied dessus pour ne pas les libérer et les mettre à la disposition de la Justice ? Le président de la République s’en est-il inquiété au regard de la complexité et de la gravité de ces dossiers pour, finalement, ne pas leur donner la célérité nécessaire afin que les Juges nigériens s’en saisissent et fassent toute la lumière dessus ? Ce qui, du reste, est de l’intérêt même de ceux qui sont cités, à tort ou à raison, dans ces différents dossiers. Ils ont tous un honneur à défendre, un nom à protéger de souillures trop salissantes pour leur réputation. C’est une question morale avant même d’être politique que de laisser des hommes échapper à la justice quand, par leurs fautes, des nigériens meurent chaque jour faute de moyens, comme si leur vie ne comptait plus. Faire justice dans un dossier comme celui de la défense, c’est aussi une façon – et sans doute la bonne aussi – de recréer la confiance avec l’armée, pour que ceux qui s’y engagent au prix de leur vie sachent que ceux qui gèrent le pays mesurent toute la portée symbolique de leur choix des armes. Pourquoi, quand un Ibou Karadjé va prison pour « ses » fautes laissant d’autres complices, quand un Hama Zada quitte manu militari son douillet bureau de ministre pour une cellule à la prison de Kollo, d’autres, pour leurs fautes, ne peuvent pas aller en prison pour payer, comme les autres, pour leur gestion ? Doit-on se contenter d’une justice à double vitesse dans le même pays ? Pourquoi, ceux-là et d’autres « petits poissons » peuvent être si facilement prenables et que d’autres, sous les mêmes lois, dans la République, en soient soustraits ? Pourquoi ?

Quand on peut réaliser que, jusqu’à cette date, aucun des dossiers sérieux n’a été ni traité ni même transmis à qui de droit pour une suite et un traitement judiciaires, l’on ne peut que douter de la promesse de justice du président de la République. Les hommes, et les Nigériens surtout, sont très sensibles à l’injustice. Pourtant, c’est le président lui-même qui, poussé par ses convictions intimes, donnait l’assurance d’une nouvelle justice, créant par son engagement et sa volonté politique de s’attaquer à l’impunité une confiance que ne pouvait pas avoir son prédécesseur et qui lui avait valu la détente que l’on sait dans le pays avec un climat politique dont le thermomètre descendait brutalement à un certain niveau que personne, avant, ne pouvait prédire. Veut-il capitaliser un tel climat à son avantage ? La question doit être posée quand on sait que, pour autant, les Nigériens, frustrés par la gestion de dix ans d’Issoufou, n’ont pas désarmé et qu’ils restent toujours à renouer avec les vieilles fougues, avec les mêmes ardeurs vengeresses. Que fait-il donc de sa promesse d’impunité zéro qu’il faisait un 2 avril 2021 dans la solennité de la grande salle de conférence de Mahatma Gandhi ? Peut-il donc être poussé à oser de telles déclarations par l’ivresse du pouvoir qu’il découvrait, par le bonheur radieux de la Présidence qu’il découvrait, plongé dans l’euphorie d’une ascension qui le surprenait dans le forcing de son compagnon qui lui fit le bonheur du pouvoir ? Peut-il donc aujourd’hui dire aux Nigériens que c’est sous l’emprise de la joie immense d’être président que le Philosophe, presque perdant ses lucidités, fit l’annonce d’une justice nouvelle que rien et personne, tant qu’il devra être président, ne peut contrarier ? Les Nigériens l’avaient cru parce qu’ils croient qu’il est différent et qu’il pouvait être capable d’une telle force pour semer dans le pays les graines de la justice dont le pays était devenu désertique depuis qu’Issoufou arrivait au pouvoir.

Il est vrai qu’il y a quelques jours, le président faisant entendre que les prisons nigériennes sont remplies de délinquants, et que nombre d’entre eux, sont de son parti, confirmant ainsi ce que les Nigériens ont toujours fait entendre. Cette question de la justice pour son régime est pourtant un bel outil dont il peut, à dessein, se servir pour voir clair dans son camp et obliger au respect ceux qui, comptant sur un autre, ne lui vouent pas le respect qu’il est en droit d’attendre de leur part parce qu’aujourd’hui il est et demeure le Président du pays, un autre ne pouvant se croire plus légitime et plus puissant que lui même quand il n’occupe plus le fauteuil. Le président, magistrat suprême, peut-il donc être faible en face de certains hommes qui pourraient alors être plus forts que lui dans le bateau de la nouvelle Renaissance où il est censé être le capitaine incontesté et incontestable ? Quand on apprend que des deux Directeurs Généraux de la SONUCI écroués, un serait proche de la famille de Bazoum Mohamed, l’on peut croire qu’il peut avoir la main ferme, chaque fois qu’il le décide, pour ne pas hésiter à frapper car, sans doute qu’en tant que philosophe, il a lu Antigone de Jean Anouilh, et pourrait savoir le rapport qu’il y a entre la pouvoir et la justice, entre le Droit et le Devoir, entre la famille et l’Etat, et ce tant que l’on aspire à être un vrai chef. Créon, le roi, au nom de la loi, n’avait pas hésité à condamner Antigone qui, en plus d’être sa nièce, est aussi celle que son enfant s’apprête à épouser. Quand on gouverne, on ne tremble pas et souvent, hélas, l’on est sans coeur. Machiavel le confirme dans Le Prince.

Sur ce défi, Bazoum Mohamed est très attendu, pour recréer la confiance entre lui et les Nigériens d’une part, et entre lui et les Juges nigériens d’autre part. Mais, se demande- t-on, un tel défi est-il trop large pour ses épaules ?

Mairiga