Grande Muraille Verte : le Niger est-il encore dans la course ?
Initiée il y a plus d’une décennie, la Grande Muraille Verte est un projet panafricain d’envergure visant à lutter contre la désertification en restaurant les terres dégradées du Sahel sur une bande continue de plus de 8 000 kilomètres de long et 15 kilomètres de large, allant de Dakar à Djibouti. Il s’agit d’un corridor écologique, social et économique, conçu pour restaurer 100 millions d’hectares de terres, créer 10 millions d’emplois verts et renforcer la sécurité alimentaire des populations. Le Niger, frontalier du désert et durement frappé par la dégradation des sols, s’était engagé aux côtés de ses voisins dans cette entreprise stratégique. Mais aujourd’hui, où en est ce projet titanesque ? Quel rôle joue réellement le pays dans sa mise en œuvre ? L’heure est venue de faire le point, alors que le Niger vient de célébrer la Fête Nationale de l’Arbre 2025 à Zinder, en réaffirmant sa volonté de faire de l’environnement un pilier de sa souveraineté.
Une vision sahélienne commune… mais une mise en œuvre inégale
Lancée en 2007 sous l’égide de l’Union africaine, la Grande Muraille Verte vise à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, à créer 10 millions d’emplois verts et à capter 250 millions de tonnes de carbone. Elle concerne 11 pays sahéliens, dont le Niger, particulièrement vulnérable à l’avancée du désert et à la dégradation des sols.
Avec plus de 75 % de son territoire en zone aride ou semi-aride, le Niger est un maillon essentiel de ce corridor écologique. Dès 2011, des sites pilotes avaient été identifiés dans les régions de Tahoua, Zinder et Diffa. Des projets de reboisement, de fixation des dunes et d’agroforesterie y avaient été engagés. Mais depuis, les résultats restent fragmentés, irréguliers et souvent peu documentés.
Un projet relégué ou relancé ?
La Fête Nationale de l’Arbre 2025, organisée à Zinder sous le haut patronage du Président de la République, le Général d'armée Abdourahamane Tiani, a ravivé l’intérêt pour les politiques nationales de reboisement. La plantation collective d’arbres sur le site Amadou Dan Bassa symbolise une volonté politique forte de remettre la végétation au centre de la souveraineté nationale.
Dans cette dynamique, une autre actualité mérite l’attention : le déguerpissement en cours de la Ceinture Verte de Niamey. Cette opération vise à libérer 397 hectares occupés illégalement dans un espace initialement dédié à la protection environnementale de la capitale.
La Ceinture Verte, vaste éco-corridor de 2 331 hectares, avait été conçue pour protéger Niamey des tempêtes de sable, réguler le climat urbain et absorber le carbone.
Où en est le Niger dans la Grande Muraille Verte ?
Au-delà des gestes symboliques, plusieurs questions fondamentales se posent :
• Quelles surfaces ont été effectivement restaurées depuis 2011 ?
• Quels financements ont été mobilisés ou sollicités ?
• Où en est la coordination nationale rattachée au projet ?
• Comment s’articulent les efforts locaux avec la stratégie continentale ?
Autant de zones d’ombre qui appellent une clarification publique, notamment de la part du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre la Désertification.
Un chantier stratégique pour la refondation écologique
Relancer la Grande Muraille Verte au Niger n’est pas un luxe écologique, mais bien une nécessité stratégique. Face aux crises climatiques, alimentaires et sécuritaires, chaque hectare restauré est un rempart contre la précarité. Chaque citoyen formé à la plantation, à l’entretien forestier ou à la gestion durable des ressources devient un acteur de paix et de résilience.
Le Niger, qui affirme sa souveraineté dans les domaines militaire, économique et énergétique, ne peut négliger sa souveraineté écologique. La refondation voulue par le CNSP passe aussi par les campagnes, les savanes et les zones pastorales, là où la terre se dégrade… mais peut encore être régénérée.
Et maintenant ?
Alors que la mobilisation nationale autour de l’arbre se renforce, le moment est venu de réinterroger le devenir de la Grande Muraille Verte au Niger. Une évaluation publique, région par région, permettrait de relancer ce projet sur des bases solides, cohérentes et inclusives. Si elle est conduite avec méthode et transparence, cette relance pourrait faire du Niger un modèle régional de lutte contre la désertification, alliant ambition écologique et justice sociale.
Boubé G. (Nigerdiaspora)