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Réflexions sur la suspension d’internet au Niger : Par Moustapha Liman Tinguiri, planificateur de l’Éducation à Zinder

La suspension de la connexion internet du 25 février au 5 mars 2021, à la suite des manifestations violentes de Niamey ayant suivi la proclamation des résultats du deuxième tour des élections présidentielles, a eu un impact considérable, bien que difficilement quantifiable aux plans sociaux et économiques. Même si le gouvernement et les opérateurs de téléphonie n’ont donné aucune explication, on peut aisément comprendre que cette suspension vise à  calmer la situation et éviter que ceux qui ont engagé ces manifestations n’enflamment la toile en jetant de l’huile sur le feu.

La violence ne peut en aucune façon être une solution à aucune crise. Et disons comme Kofi Annan que nous devons rejeter la voie de la violence, qui est le produit du nihilisme et du désespoir. Michel de Montaigne affirme « qu’il n’y a pas une idée qui vaille qu’on tue un homme », et selon Edward James Olmos « L’éducation est le seul vaccin contre la violence ». 

 Il faut noter que cette coupure d’internet a entrainé une rupture d’égalité entre une minorité de privilégiés, disposant de réseau wifi fixe, continuant de bénéficier de la couverture et pouvant même accéder aux réseaux sociaux via des applications comme « Unseen online » (débloquer des sites bloqués) alors que la quasi-totalité des utilisateurs en sont totalement dépourvus. Il faut aussi le dire clairement cette interruption porte atteinte au droit fondamental d’accès à internet, reconnu par les Nations Unies depuis 2012. Une résolution adoptée le 1er juillet 2016 par le Conseil des droits de l'homme de l’ONU condamne officiellement les restrictions d’accès à internet. Elle condamne “sans équivoque les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou la diffusion d’informations en ligne, en violation du droit international des droits de l’homme” et “invite tous les États à s’abstenir de telles pratiques et à les faire cesser”. La résolution affirme que les mêmes droits dont les personnes disposent hors ligne doivent être aussi protégés en ligne, en particulier la liberté d'expression, conformément au droit international. Elle souligne, en outre, qu'il importe de combattre les appels à la haine qui constituent une incitation à la discrimination ou à la violence sur Internet, notamment en encourageant la tolérance et le dialogue.

L’utilisation des réseaux sociaux devient aujourd’hui de plus en plus usuelle. Elle est devenue un phénomène en vogue de nos jours et le nombre d’utilisateurs ne fait qu’augmenter.

 Au Niger, selon les statistiques du rapport 2019 de l’Autorité de Régularisation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP), le parc d’abonnés essentiellement mobiles est de 11 418 301 contre 10.367.535 abonnés en 2018 soit une croissance de 11.7%. En ce qui concerne la pénétration globale des services de téléphonie, pour l’année 2019, on enregistre un taux de 52,90% contre 47,92% en 2018 soit une progression de 5%, alors que le taux global de pénétration des services Internet (fixe et mobile) s’établit à 24,53%.

Les adultes mais aussi les adolescents s’inscrivent et utilisent les réseaux sociaux de manière fréquente. Internet et les médias sociaux offrent de nombreuses opportunités de communication, d’apprentissage et d’accès à des informations diverses. Il existe des espaces comme Edmodo ou Google Classroom, conçus pour l’éducation, au profit des élèves, étudiants et leurs enseignants. Mais, l’utilisation d’internet comporte aussi des risques d’addiction (passer trop de temps à l’écran), de cyber harcèlement, de se faire escroquer, voire de protection de sa vie privée pour ne citer que ceux-là.

Il revient à l’Etat, aux parents, aux ONG et Associations de la Société Civile de sensibiliser surtout les jeunes aux bonnes pratiques d’utilisation du numérique qu’il s’agisse d’internet ou des réseaux sociaux. Il est grand temps que les ministères en charge de l’Education intégrèrent dans les programmes d’enseignements, des disciplines qui s’y prêtent, des contenus de sensibilisation pour bien utiliser internet et expliquer comment réagir face à ces risques potentiels.

L’importance des réseaux sociaux est désormais capitale pour toute la société dans des activités innombrables comme l’administration, le commerce, les finances, les divertissements, la recherche, etc. Désormais le manque d’internet même pour une journée entraine un ralentissement généralisé de tous les services et des conséquences négatives sur la vie sociale et économique. 

Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante du quotidien d’un grand nombre de personnes et il est donc essentiel de s’interroger sur les problèmes qu’ils engendrent et comment les régler dans le respect du droit et de la satisfaction de l’ensemble des utilisateurs.

 En définitive, au Niger, sauf les récentes violences post électorales de Niamey, nous n’avons pas connu de manifestations violentes de cette ampleur ni de coupure d’internet, depuis l’avènement de la démocratie. Nous espérons ne plus revivre cette situation. C’est pourquoi, nous appelons les acteurs politiques et toutes les forces vives à se ressaisir afin de contribuer au maintien de la paix, de la tolérance et de la cohésion sociale et d’œuvrer pour le renforcement de l’unité nationale et le développement de notre pays.

 Par Moustapha Liman Tinguiri, planificateur de l’Éducation à Zinder