In Memoriam : Docteur Mahamadou Handou Amadou : l’incontournable condisciple du Lycée National - Par Djibril Baré
Tu nous as quittés le 21 juillet 2024, il y a exactement 40 jours calendaires. En apprenant la terrible nouvelle de la disparition de l’ami et frère d’un demi-siècle que tu étais, nous, promotions d’élèves du Lycée National, anciennement Lycée Classique et Moderne de Niamey, aujourd'hui Lycée Issa Korombé, des années 1960 à 1980, qui t’avons connu, avons été profondément secoués. Bien entendu, tous tes compagnons de la première heure, à savoir Djibril Abdou dit Jil, Abdouramane Halilou, Garba Maikido, Djimassi Maidanda dit Dim, Hassane Ali Mazou et son frère Bachir, bien sûr, étaient tous présents (j’implore l’indulgence de ceux qui ont été omis). Manquaient à l’appel Mohamed Moussa, avec qui tu partageais la passion de l’aviation, sans doute pris par ses hautes charges à l’extérieur du pays, et le Colonel-Major Hassane Mossi, en déplacement. L’escadron de Keita, ta contrée d’origine, conduit par le sympathique et discret Mamane Moussa, ton oncle, a dirigé de main de maître la cérémonie funéraire. Issoufou Bayard alias Joe était massivement représenté. Plusieurs promotions du Lycée National ont fait le déplacement : ceux qui y ont débuté leur scolarité dès la 6e, tout comme ceux qui ont rejoint le groupe en classe de seconde. Certains éminents membres de notre Fada du nouveau marché des années 60 et 70, non loin du marché, dont je tairai les noms, étaient également massivement présents.
Le lendemain de ton « départ », tout ce beau monde s’était spontanément donné rendez-vous au cimetière musulman de Yantala pour la traditionnelle levée du corps, suivie de ton inhumation, puis de la Fathia à ton domicile sis à Kouara Kano ou disons plus exactement ton ex-domicile.
Et pour cause, Handou, durant ton séjour de sept (7) longues années sans interruption dans ce mythique établissement d’enseignement général qu’est le Lycée National, qui a formé l’élite du pays avec un brassage ethnique inimaginable, dont seules les autorités politiques de l’époque avaient le secret, par ton dynamisme, ta disponibilité, ta générosité de cœur, ton sens inné de l’humour et partant ta joie de vivre plus que communicative, tu n’as laissé aucun lycéen, toutes générations ou promotions confondues, des quatre classes de 6e et autant de terminales, indifférent. Ce d’autant plus que, pour toi Handou, "le sentiment de ne pas être aimé est la plus grande des pauvretés" (dixit Mère Teresa). Tu t’es toujours arrangé pour mériter la sympathie de tous, en ville comme dans ton village, dans ton environnement aussi bien professionnel que familial. Pour ma part, depuis l’an 1968 lorsque nos chemins se sont croisés dans cette cour du mythique établissement, nous avons gardé des relations cordiales plus que suivies et nous nous sommes toujours arrangés pour nous retrouver durant les cinq dernières décennies post-scolarité.
C’est pourquoi, bien qu’étant du voyage du mercredi pour t’accompagner à ta dernière demeure, je ne pouvais absolument pas être consolé et apaisé tant que je ne t’ai pas adressé ce mot d’au revoir.
Je l’ai précédemment évoqué, tous ceux qui t’ont côtoyé ces 5 dernières décennies, et tes collègues du Programme Alimentaire Mondial (PAM) étaient tous là à ton domicile ce mercredi matin : Ibrahim et Omar du PAM, Dagra Diaouga, Ganda Oumaria, Abdallah Aoudi, Ly Katambé, Balla Almadjir Soungouli, et des centaines d'autres que je ne peux citer exhaustivement dans le cadre d'une simple lettre hommage. Mais rassure-toi, ils étaient tous là. Si Nouhou Daré, l'autre amoureux du Lycée, était à Niamey, il serait de la partie.
Handou, l’indécrottable lycéen que tu as été, le bizuteur attitré d’un bleu5 de seconde (Z’gond tu disais) en provenance du CEG de Madaoua, devenu célèbre, que je ne semble pas avoir aperçu à ton domicile (pour cause d’absence du territoire ? ).
Je ne rappellerai jamais assez ces années 60 à 70 de l’amitié et de la solidarité vraies, dénuées de tout calcul politicien, ces années où l’animal politique à sang froid n’avait pas encore fait son apparition pour polluer notre environnement. Ces années durant lesquelles, aux mois de novembre, décembre et même janvier, nous grelottions dans toute la ville. Oui, j’ai la nostalgie de ces années où les rapports étaient sains, ces années où Niamey, avec sa « Petite forêt », qu’on avait tant de plaisir à traverser plusieurs fois en une journée, en provenance ou à destination du Lycée ! Les temps ont bien changé, c’est certain, et les hommes avec eux !
Je ne manquerais toutefois pas de te rappeler que dès notre tendre jeunesse passée dans ce lycée, tous les bienfaits de l’école publique nigérienne gratuite nous ont assuré une éducation et une santé gratuites et de qualité, et ainsi fait de nous ce que nous sommes devenus.
Souviens-toi, nos cahiers, nos livres et nos fournitures scolaires nous étaient gratuitement distribués en début de chaque rentrée scolaire par le très jovial surveillant Robert Couldiati (paix à son âme).
Handou, souviens-toi également que notre habillement, de la tête aux pieds, était très bien assuré par Garé (PSA) de l’intendance du Lycée National, qui vient malheureusement de nous quitter, tandis que la restauration, elle, était assurée par notre autre célèbre devancier, Papa Amadou dit Papa Lycée, Johnson et Hassoumi du célèbre Réfectoire du Lycée National. Nos desserts en fruits livrés par notre maman Hadjia Tacko, notre courrier et nos mandats distribués par le brave vaguemestre Seydou. Souviens-toi que le très sympathique Économe du Lycée National, Hassan SIDDO, veillait à ce que nous ne manquions de rien. Je ne rappellerai jamais assez que ces conditions matérielles et morales exceptionnelles nous avaient tous permis de mener nos études dans des conditions matérielles optimales et dans la convivialité.
En écrivant ces mots, j’ai une pensée pieuse pour mon meilleur ami de lycée, le défunt Ibrahim Alassane Ibrahim Mayaki (le grand et bon syndicaliste), Ibrahim Yaro, Jean Padonou (paix à leur âme) et tous ceux des amoureux et nostalgiques du Lycée National qui nous ont devancés dans l’au-delà.
Malgré ton parcours académique sans faute qui t'a permis de décrocher un doctorat, tu as suivi les conseils du Sage Amadou Hampâté Bâ qui a dit : "Ne regrette rien, continue d'apprendre car l'école donne des diplômes. La vraie école, c'est l'école de la vie." Tu avais compris que la vraie valeur d'un homme n'est ni le nombre de ses diplômes, ni l'épaisseur de son compte en banque, ni le nombre de ses villas, mais ce qu'il sait véritablement faire et son comportement dans la société.
Tu t’es rendu immortel il y a quelques décennies en rencontrant la très douce Alhamdia, petite sœur de feu Amadou Adamou dit Bébé (paix à son âme), mon camarade de récréation à l’école Neuve Garçon, celle qui t’a devancé dans l'au-delà non sans t’avoir gratifié de quatre (4) "bouts de bois de Dieu". Léopold Sédar Senghor l’a dit : « Pour se rendre immortel, il faut se marier et faire des enfants ». Trivial !
Puisque nous sommes les sursitaires condamnés à vivre, même si « La grande faucheuse » a décidé d’accélérer la cadence dans nos rangs en partant avec les meilleurs d’entre nous, je ne peux m’empêcher, à propos de celle à laquelle personne n’échappera, de rappeler les célèbres mots de Stendhal : « La mort, puisqu’on ne peut l’éviter, oublions-la ! ».
L’ami Handou, repose en paix au Firdhaous aux côtés de ta devancière, celle que tu avais choisie pour la vie !
Niamey, le 30 août 2024.
Ton frère et camarade de plus de cinq (5) décennies, Djibril Baré, ancien pensionnaire du Lycée National.