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Bref décryptage du nouvel hymne national : L’Honneur de la Patrie / Par Abdourahamane Oumarou LY

C’est du " Albichir servi", "il n’y a pas de phrase qui donne envie de sortir du lit le matin”, “c’est une régression”, pour les uns, un chef d’œuvre pour les autres. Le fait est là, le nouvel hymne national ne fait pas l’unanimité. Rien de plus normal, comme toute œuvre humaine. S’agissant surtout d’un chant solennel censé célébrer l’enthousiasme des fils d’une même patrie, traversés par divers courants dont la politique n’est pas le dernier, l’idéal est qu’il soit un brin fédérateur.

Le capitaine Claude Joseph Rouget ne pensa pas si bien faire, surpris de voir la composition de son « chant de guerre pour l’armée du Rhin » se répandre et prendre le succès de sorte qu’il fut déclaré chant national, la Marseillaise, en France le 14 juillet 1795. Au Niger, le premier hymne national, La Nigérienne, date du lendemain de l’indépendance, c’est-à-dire 1961 ; il serait composé par Maurice Albert Thiriet et mis en musique par Robert Jacquet et Nicolas Abel François Frionnet. Après des décennies de bons et loyaux services, aux motifs que certains vers expriment une inféodation à l’ex puissance colonisatrice, il a été décidé de le modifier, voire le changer afin de l’adapter au nouveau contexte du pays.

L’Arrêté n°0135/PM du 13 septembre 2019, porte création, missions, composition et fonctionnement du Comité National d’orientation chargé de l’élaboration d’un projet d’hymne national. Ledit Comité est assisté d’un Groupe d’Experts. Le 22 juin 2023, l’Assemblée nationale a voté le projet d’hymne, L’Honneur de la Patrie, ouvrant commentaires et observations de forme et de fond.

En la forme :

Il est permis de constater que L’Honneur de la Patrie est largement moins long que La Nigérienne ; ce qui est une bonne chose. En effet, la pertinence d’un hymne ne se résume pas au nombre de strophes mais à son contenu aussi laconique soit-il.

Sur le plan poétique, à l’écrit les appositions sont marquées par des virgules où on procède à enjambements. Le non-respect de cette règle détruit le ton, le rythme du texte. Un texte qui est mis en musique ou chanté doit avoir une métrique organisée pour une question d’harmonie.

Dans le texte, il n’y a aucun refrain qui met l’accent sur le mot honneur, or c’est bien cette vertu, fil conducteur de l’hymne, qui est célébrée.

Au fond :

L’hymne peut s’assimiler au " Kirari" (autoglorification) des gladiateurs de nos arènes avec cette différence qu’il magnifie, galvanise, encense une nation et met en transe l’ensemble de ses fils. Il doit unir, souder au-delà de tous les clivages politiques, socioculturels. De ce point de vue, les observateurs attentifs de la vie musicale affirment sans ambages que la mélodie servie s’apparente au style musical du groupe Albichir, très engagé en politique. Or, au Niger, plus qu’ailleurs, la politique divise. N’aurait on pas fait mieux de travailler sur les mélodies traditionnelles qui foisonnent et qui fédèrent ? Lorsque la fanfare des FAN ou de la Garde Républicaine reprend certaines chansons du terroir, on a comme la chair de poule.

Et puis, sans vouloir donner du grain à moudre aux intégristes de tout acabit, il n’y a aucune référence à Dieu. Le peuple Nigérien est profondément religieux. Les défis multiples et multiformes qui l’assaillent auraient mérité d’en appeler la protection et la bénédiction du tout puissant. La laïcité…pardon… la séparation de l’Etat et de la religion proclamée à l’article 3 de la Constitution n’en constitue pas un obstacle à cette référence. L’honneur de la dignité doivent être puisées avant tout dans la foi.

Si l’un des buts poursuivis par le changement d’hymne était de se débarrasser des relents à consonnance colonialiste, il est pleinement atteint ; mais est-ce suffisant ? Le Pr Farmo relève que le nouvel hymne n’est pas supérieur à l’ancien tant du point de vue de l’écriture que de la musicalité.

Alors devrait on déduire que la montagne a accouché d’une souris ?

Abdourahamane Oumarou LY

Contribution web.