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Chroniques sahéliennes / Au nom du Peuple ! : Par Idimama Kotoudi

S’il est un phénomène qui m’irrite au plus haut point – moi qui ne me fâche presque jamais – c’est la prise de parole publique et illégitime. Qu’est-ce à dire ?
Chaque jour que Dieu fait, nous sommes des milliers de téléspectateurs, d’auditeurs de la radio et de lecteurs de journaux à subir, impuissants, le spectacle d’individus sortis de nulle part, prétendant parler au nom du peuple pour nous dire ce que nous devons faire, en particulier nous dresser contre des dirigeants qu’ils qualifient d’illégitimes ; mieux, toujours au nom d’un peuple qui ne les a jamais élus, ils invectivent et interpellent un président élu par des centaines de milliers de Nigériens, et profèrent des insultes à l’égard d’un gouvernement et d’autres institutions de la République tout aussi légitimes, puisqu’issus de processus constitutionnels.

Ces messieurs (car il y a peu de dames dans ce milieu) qui, la bave à la bouche, passent le plus clair de leur temps à faire le tour des chaînes de télévision pour crier leur colère contre tout et n’importe quoi, sont une espèce hybride apparue au début des années 1990, à la faveur d’un croisement entre un monde politique qui faisait feu de tout bois, et des organisations de la société civile opportunistes et prébendières.

Dans un système normal, ces deux domaines devaient être nettement séparés. Mais au Niger, où durant les trente dernières années les gouvernements n’ont pas brillé par une forte application de la loi, ils se sont imbriqués et alimentés : abandonnant leur vocation première qui est justement une surveillance indépendante du jeu politique et la promotion de la citoyenneté, les organisations de la société civile se sont mises au service des appareils politiques partisans ; percevant l’intérêt qu’il y a à avoir plusieurs cordes à leur arc, les partis politiques ont lancé avec succès des OPA sur les organisations de la société civile ; ils en ont même créé de nouvelles, tout à leurs ordres…

Les déboires connus dans un passé récent par certains acteurs de la société civile, notamment leurs emprisonnements répétés, ne s’expliquent que par le mélange des genres qu’ils opèrent eux-mêmes entre le combat politique et l’engagement citoyen. Il en est de même pour quelques journalistes qui, oubliant que leur devoir était d’être auprès de leur public et non en prison, ont définitivement enterré au Niger le concept de médias indépendants. Au point que de nos jours, indépendant signifie juste non étatique. Mais véritablement indépendant, il n’y en a pas : ce sont d’ailleurs des officines dans les états-majors des partis politiques qui dictent la ligne éditoriale et veillent sur son respect, en entretenant les rédactions.

Il est grand temps que les organisations de la société civile se ressaisissent et donnent un vrai sens à leur existence au lieu de se complaire dans le « ni ni » et de mener un combat politique par procuration.

Quant à certains de leurs « leaders », qui n’arrivent plus à cacher des ambitions politiques plus qu’évidentes, qu’ils arrêtent de servir de réservoir de prisonniers politiques à des politiciens qui n’ont ni les arguments, ni le courage ou la volonté de se battre loyalement pour défendre ce qu’ils prétendent être leur cause. Qu’ils franchissent le pas et créent leurs propres formations politiques : ainsi, dès les prochaines joutes électorales, nous saurons s’ils peuvent, ou non, parler au nom du peuple.

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