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Pourquoi l'avenir de l'Afrique se joue au Mali ? : Par Dr Farmo Moumouni

Je laisse choir sur ce bout de papier trois dates oppressives : 652, 1441 et 1885. Vous parlent-elles assez ?
652 c'est l'année du baqt, traité par lequel le conquérant arabe oblige le royaume nubien de Dongola à lui livrer chaque année 400 esclaves noirs. C'est le début de la traite arabo-musulmane.

1441 c'est l'année où Henri le Navigateur, fils du roi du Portugal, ordonné des missions d'exploration des côtes africaines, commandée par Antao Gonçalves. Celui-ci ramène en 1444, les premiers esclaves africains qui seront vendus à Lisbonne.
Sur la date de 1885 qui marque le début de la colonisation, je ne m'étendrai pas, car nous en sommes les produits.

Cette triade témoigne de 13 siècles cumulés de servitude. Mais ce n'était pas une servitude volontaire. Elle portait en elle-même son contraire, c'est-à-dire le désir de liberté.

C'est au nom de cette liberté qu'il y eut la première rébellion d'esclaves noirs, celle des Zanj, au 9 ème siècle en Irak. C'est au nom de cette liberté que des hommes et des femmes se décidèrent collectivement dans des villages africains et dans des champs de coton ou de canne à sucre en Amérique. C'est au nom de cette liberté que des captifs se laissèrent mourir de fin pendant la traversée du Sahara, se jetèrent à la mer pendant la traversée de l'Atlantique. C'est au nom de cette liberté que des hommes et des femmes prirent les armes contre l'envahisseur.

Ce mouvement de libération de l'Afrique vient donc de loin, et se poursuit encore. Il n'est pas linéaire. Sur sa voie se dressent des écueils et des obstacles. Son cours peut être modifié, son rythme peut être ralenti. Rien ni personne ne peuvent l'arrêter, et s'ils tentent de le faire, ce sera en vain. Irréversible et irrépressible, il se réalise dans sa fin.

C'est un mouvement continu, ininterrompu. En Afrique de l'Ouest, il est aujourd'hui porté par le Mali qui poursuit les luttes ouvertes depuis le 7 ème siècle. J'ai dit plus haut que ce mouvement rencontrait écueils et obstacles sur son parcours.
La France avec ses intentions coloniales affichées, sa présence militaire décennale qui entretient plus qu'elle ne combat le terrorisme, est l'obstacle le plus visible. Sont aussi des écueils, les institutions régionales et internationales, les gouvernements dociles de son pré carré africain, qu'elle entraîne dans la Contre-histoire.

Les tergiversations de la France déroutée, les détours de Barkhane et les faux-fuyants de Takuba ne visent qu'une seule et même chose la division pour dominer et faire régner les ennemis locaux de la libération.

Si on affirme que l'avenir de l'Afrique se joue au Mali, on ne dit pas assez qu'il s'y joue parce la marche actuelle du Mali est à la fois le prolongement de la lutte pluriseculaire contre l'asservissement et l'espoir de son aboutissement.
L'Africain qui connait son histoire et comprend le sens de l'histoire apporte son soutien au Mali. Les peuples africains solidaires écrivent leur propre histoire. Les gouvernements africains responsables s'engagent aux côtés du Mali pour travailler pour leurs peuples.

La contradiction est dans l'ordre des choses, on ne fera donc pas griefs aux individus qui s'opposent au cours de l'histoire au Mali, d'autant plus que leur opposition est vaine. Il en est tout autrement des gouvernements dont les actions et décisions affectent la vie des peuples. Ils ne peuvent agir impunément contre les peuples qui détiennent la souveraineté.
Or, plusieurs gouvernement du pré carré français semblent disposés à aller contre la volonté des peuples, en livrant leurs territoires aux activités colonialistes de la France. Celui du Niger passe pour être l'hôte le plus dévoué.

Acceptera-t-il contre son peuple, d'abriter une armée qui à Téra, a tué des enfants du peuple ? Mettra-t-il son territoire à la disposition de l'envahisseur étranger pour qu'il déstabilise un pays frère ? Donnera-t-il aux yeux de l'Afrique l'image du pays qui oeuvre contre la libération de l'Afrique ?

Ni le Niger, nouvelle coqueluche de la France, ni à défaut, les autres pays pressentis pour jouer le rôle fossoyeur, ne doivent céder aux appels du déshonneur.

Peuples du Niger, de Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Bénin, du Togo, et du Tchad, treize (13) siècles d'histoire vous contemplent et vous questionnent !

Farmo M.