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Les déclarations de biens des acteurs institutionnels au Niger, c’est du pipeau ! : Par Hamma Hamadou

Le 24 juillet 2020, dans un article du site On-line NigerInter, en commentant la législation nigérienne sur la transparence et l’intégrité des officiers et agents publics (Constitution du 25 novembre 2010, Ordonnance N° 2020-02 du 27 janvier 2020 déterminant la liste des autres agents publics assujettis à l'obligation de déclaration de biens, Loi organique n*2020-035 du 30 juillet 2020, déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes), Dr Adamou ISSOUFOU, de la FSJP de l’UCAD, semblait attirer notre attention sur sa relative impertinence et l’inefficacité probable du contrôle en la matière. Il pointait du doigt notamment l’absence de sanctions et les contradictions avec la Loi n° 2014-07 du 16 avril 2014, portant adoption du Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l'UEMOA.
Eh bien, nous avons déjà connu une loi sur l’enrichissement illicite qui a fait long feu, et je me permets de proclamer que les déclarations de patrimoine, pardon, de biens, des acteurs institutionnels, dans le contexte actuel, c’est juste ridicule !

En effet, une simple lecture survolée du Rapport 2020 de la Cour des comptes nous renseigne que 38 des 58 responsables concernés n’ont même pas daigné s’astreindre à l’obligation de déclaration, certains depuis plusieurs années.

Quid de la correcte justification des écarts imposée par la loi ! Sauf à nous dire que les déclarations des responsables devant la Cour des comptes étaient différentes de celles près la Cour constitutionnelle, ce qui me semble absurde.

Or, voilà en quelques extraits ce que dit la Constitution VIIe République :

« Article 51 - Après la cérémonie d'investiture et dans un délai de quarante- huit (48) heures, le président de la Cour constitutionnelle reçoit la déclaration écrite sur l'honneur des biens du Président de la République.

Cette déclaration fait l'objet d'une mise à jour annuelle et à la cessation des fonctions. La déclaration initiale et les mises à jour sont publiées au Journal Officiel et par voie de presse.

Une copie de la déclaration du Président de la République est communiquée à la Cour des comptes et aux services fiscaux.
Les écarts entre la déclaration initiale et les mises à jour annuelles doivent être dûment justifiés. La Cour constitutionnelle a tous pouvoirs d'appréciation en ce domaine.

La Cour des comptes est également chargée de contrôler la déclaration des biens telle que reçue par la Cour constitutionnelle.
Article 55 - Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l'exercice de tout autre mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire et de toute autre activité professionnelle…

Article 78 - Dans les sept (7) jours de leur entrée en fonction, le Premier ministre et les ministres doivent remettre au président de la Cour des comptes la déclaration écrite sur l'honneur de leurs biens. Cette déclaration fait l'objet d'une mise à jour annuelle et à la cessation des fonctions.
Cette disposition s'étend aux présidents des autres institutions de la République et aux responsables des autorités administratives indépendantes.
La déclaration initiale et les mises à jour sont publiées au Journal Officiel et par voie de presse.

La Cour des comptes est chargée de contrôler les déclarations des biens.
La loi détermine les autres agents publics assujettis à l'obligation de déclaration des biens, ainsi que les modalités de cette déclaration.
Article 79 - Toute déclaration des biens inexacte ou mensongère expose son auteur à des poursuites du chef de faux conformément aux dispositions du Code pénal.

Que dit l’Article 3 de la Loi organique n*2020-035 du 30 juillet 2020, déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes ? Il précise :
« Elle est chargée aussi de contrôler :
- --- ;

  • Les déclarations des biens du Président de la République, du Premier Ministre et des Ministres ainsi que celles des présidents des autres institutions de la République, des responsables des autorités administratives indépendantes et tout autre agent public assujetti à cette obligation… »
    Et selon notre Code pénal :


« Article 152 : Le faux en écriture est l’altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et commise dans un écrit destiné ou apte à la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des effets de droit.

Article 153 : Sera puni d’un emprisonnement de cinq à moins de dix ans et d’une amende de 20.000 à 1.000.000 de francs tout fonctionnaire ou officier public, tout agent ou préposé d’une administration publique qui, dans l’exercice de ses fonctions, aura commis un faux :

  • soit par falsification matérielle résultant de fausses signatures, contrefaçon ou altération d’écriture ou de signature, fabrication d’acte ou convention formant titre, addition, suppression ou modification apportées après la confection des actes ou écrits dans les déclarations ou faits contenus auxdits actes ou écrits, et qu’ils avaient pour objet de recevoir ou de constater ;
  • par fabrication ou dénaturation de la substance ou des circonstances des actes ou écrits, effectuée au moment de leur rédaction, et réalisée en y portant des déclarations ou conventions autres que celles faites ou dictées par les parties, ou en y altérant par des mentions fausses ou des omissions volontaires les faits que l’acte ou l’écrit avait pour objet de constater ou en y constatant comme vrais des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne l’étaient pas.

Article 154 : Seront punies d’un emprisonnement de un an à huit ans et d’une amende de 10.000 à 500.000 francs, toutes autres personnes qui auront commis un faux en écriture publique ou authentique.

Article 155 : Sera punie d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 francs toute personne qui, par des déclarations mensongères faites devant un fonctionnaire ou officier public ou un agent ou préposé d’une administration publique, aura provoqué l’insertion, dans un acte public ou authentique, d’énonciations contraires à la vérité. »

Pour améliorer l’efficacité de notre législation dans ce secteur de la gouvernance publique, je propose au moins deux choses :

  • Légiférer en matière de nature et de plafond des cadeaux qu’un officier public ou un agent public ou même un service public ou encore une institution peut recevoir et l’usage privé ou public qu’on doive en faire ;
  • Préciser les sanctions encourues dans les textes qui astreignent à l’obligation de déclaration de biens -personnellement, je préfère de patrimoine- ou réformer le code pénal en cette matière particulière.

Sinon, je crains que nous ne continuions à nous plaindre que même « logés, nourris, blanchis » aux frais de la République, le salaire de nos chefs ne leur serve que d’argent de poche alors que « les cadeaux » enrichissent outrageusement leur patrimoine.

Par Hamma Hamadou