L'échec de notre génération : Par Dr Farmo Moumouni
Je ne me lasse pas de scruter ces mots sculptés dans " Les Damnés de la Terre "
Chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.
Je ne cesse d'évoquer et d'invoquer cette sentence parce qu'elle est devenue, à elle seule, le bréviaire dans lequel je lis, hier, aujourd'hui et demain ; le passé, le présent et le futur de nos peuples. Elle aurait été irréprochable, si Fanon y avait placé la chaîne et la solidarité des générations.
Je crois qu'en se succédant, les générations œuvrent les unes pour les autres, consciemment ou non. Je suis convaincu que les responsabilités des unes sont liées aux responsabilités des autres, l'action et l'inaction des unes ont des répercussions sur les autres. Q'une génération accomplisse sa mission ou non, qu'elle la trahisse ou non, elle déteint sur la génération qu'elle précède. Son action et son inaction contribuent à identifier, et à déterminer les responsabilités et la mission de la génération qui vient après elle. Je crois enfin que la réussite ou l'échec de la mission d'une génération lèvent un grand pan de l'opacité qui entoure la mission de la génération qui suit.
Le mérite des premières générations a été de montrer en agissant. Par leurs pratiques, par leurs actes, par leurs erreurs, elles ont enseigné ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire ; elles ont montré les sentiers obscurs qu'il ne faut pas suivre, et les sentiers tortueux qu'il ne faut emprunter.
En remplissant ou en trahissant leur mission, les premières générations ont rendu possible la definition de notre mission, elles ont aidé ainsi à dissiper l'opacité dans laquelle elle était prise.
Leurs réussites demandaient à être consolidées, leurs échecs demandaient à être surmontées. Au lieu de cela, qu'est-ce que nous avons fait ?
Qu'a fait notre génération ? Cette génération fringante au verbe haut, sortie des Universités d'Orient et d'Occident, des Écoles d'ici et d'ailleurs, exhibant ses diplômes, imbue de sa personne, se targuant d'avoir la connaissance diffuse et la tête pleine, mais peut-être pas bien faite.
Assurément avec notre génération, le Niger a fait un bond - peut-être deux ou trois - en arrière.
Au lieu de tracer de nouvelles voies, de nouvelles pistes, de nouveaux chemins et de nouveaux sentiers, elle a élargi ceux qui existaient déjà, elle y a construit des ponts et des autoroutes qui aboutissent à un cul-de-sac.
Et dans cette impasse elle a retrouvé, réactivé et amplifié les maux et les tares du passé : complexes d'infériorité, larbinisme, subordination, corruption, népotisme, violations des droits de l'Homme, résurgence du tribalisme, de l'ethnocentrisme, de la stratification castes inférieures et supérieures.
Les traits distinctifs de notre génération, il faut le reconnaître sont : la concupiscence, l'impertinence, l'irrévérence, l'insulte, l'horreur de la vérité, de l'honneur et de la dignité.
Partant de là, et constant les dommages, je dis qu'au Niger, la génération, la nôtre, qui a succédé à la génération des " pères de l'indépendance" et aux régimes d'exception, a raté dramatiquement sa mission.
Je dis qu'au milieu de la dégénérescence, il y a des miraculés et des rescapés. Je dis que notre génération a perverti une grande partie de la génération qui vient après elle. Je dis enfin que les missions sont fractionnées, que les miraculés doivent réparer autant qu'ils peuvent, pour que la génération qui suit reprenne et achève la mission de notre génération avant de mener sa propre mission.
Par Dr Farmo Moumouni
20 février 2021
Source : https://www.facebook.com/moumounifarmoPhD