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Le débat télévisé manqué de l’entre-deux-tours : Rendez-vous pourtant majeur de la campagne électorale et de la démocratie

Par correspondance en date du 8 février 2021, le Conseil supérieur de la communication (CSC) a informé l’opinion nationale que le débat télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle du 21 février 2021 n’aura pas lieu. Peu importe les raisons. Un tel débat qui s’inscrit dans la tradition républicaine des pays démocratiques (I) aurait constitué un excellent mode d’expression de la démocratie au Niger (II).

I. Le débat télévisé, rituel incontournable de tradition Américaine exporté à travers le monde entier
Le premier tête à tête télévisé de l'histoire des États-Unis remonte au 26 septembre 1960 à Chicago, entre John F. Kennedy et Richard Nixon. Par la suite, il gagnera la France en 1974 où le débat présidentiel a opposé pour la première fois Mr Valéry Giscard D’Estaing et Mr François Mitterrand. A cette occasion, le candidat Valéry Giscard D’Estaing asséna la fameuse répartie devenue célèbre : «  Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur. » D’aucuns pensent que ces propos ont contribué à sa victoire. Depuis lors, sauf en 2002, la tradition a toujours été respectée en France.

Le débat face à face constitue l’ultime occasion pour convaincre les abstentionnistes et les indécis. Au-delà des joutes oratoires, les téléspectateurs apprécient tout : la stature de présidentiable des candidats, leurs gestuelles et postures corporelles et bien d’autres images et détails. Les télévisions saisissent l’occasion pour réaliser leurs meilleures parts d’audiences de l’année. Le rituel bien ancré ailleurs a du mal à s’établir au Niger.

II. Le débat télévisé, duel non décisif au Niger, pourtant excellent mode d’expression de la démocratie
Au Niger, aucun texte n’oblige les candidats qualifiés pour le second tour à se soumettre au face à face télévisé. Tout de même, le CSC, dans l’éventualité de sa tenue, l’a réglementé à travers la Décision  N°033/P/CSC du 06 octobre 2020, fixant les conditions de programmation et de diffusion des messages et déclarations des candidats sur les médias publics dans le cadre de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du second tour du 21 Février 2021. Il ressort de l’article 10 de ladite décision que :

« Il est organisé un face à face de quatre-vingt-dix (90) minutes en français entre les deux 2 candidats le dernier jour de campagne. Les deux candidats s’engagent par écrit à prendre part à ce débat.  En cas de désistement volontaire d’un candidat, il est accordé à son challenger un entretien de quarante-cinq 45 minutes. ».

Malheureusement, depuis l’ouverture démocratique des années "90", le débat présidentiel télévisé n’a jamais suscité le consensus autour de son organisation au Niger. Est-ce, peut-être, pour sa faible contribution à la conquête de l’électorat, contrairement aux pays occidentaux ? Les militants sont intimement attachés à la personne des candidats, les programmes, quelles qu’en soient leurs pertinences exposées dans un duel, n’auraient pas substantiellement compté dans les intentions de vote des électeurs. Le débat de cette année, vivement attendu, ne sera donc pas la grande première. Pourtant, sa tenue n’aurait pas été inutile à tous points de vue. D’abord, les deux candidats auraient apporté d’amples éclairages sur leurs programmes qui s’inscrivent respectivement dans la continuité du régime en place, pour l’un, et la rupture, pour l’autre. Ensuite, la confrontation médiatique, mode d’expression par excellence de la démocratie, aurait passionné bien de curieux, au-delà des frontières nationales, à l’heure où toutes les grandes chaînes sont sur satellites. Par exemple, en Côte d’ivoire, le débat télévisé du 25 novembre 2010 entre Mr Laurent Gbagbo et Mr Alassane Ouattara, a tenu en haleine, au-delà des Ivoiriens, les Africains d’horizons divers.
La confrontation télévisuelle avortée aurait permis à la démocratie de marquer des points au Niger.

Par Abdourahamane Oumarou Ly
Contributeur


Bibliographie :
Le débat présidentiel. Un combat de mots. Une victoire aux points
Patrick Charaudeau
Dans Langage et société 2015/1 (n° 151), pages 109 à 129.

Il ressort d’une enquête, en France, lors de l’élection présidentielle française de 2017, que plus de 10 % des répondants ont affirmé que ce débat compte tout à fait dans leur intention de vote