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L’éducation dans la campagne présidentielle, sa place dans le développement et la bonne gouvernance en islam : Par Moustapha Liman Tinguiri, planificateur de l’éducation à Zinder

Les candidats à l’élection présidentielle, invités par l’UENUN à la place AB, exposent leur programme et discutent  avec la commission thé-débat composé de «spécialistes étudiants» des différents secteurs de développement. L’éducation tient une place de choix dans les discussions et cette initiative est vraiment à saluer, car autrement, ce sujet d’intérêt public très sensible ne serait pas vraiment présent dans cette campagne.

 Ces échanges inédits avec les « paroles dites » ou les engagements prononcés, devant un grand public, serviront de preuves sur lesquels sera apprécié le vainqueur au moment opportun.  Ces rencontres de portée pédagogique indéniable, montrent la maturité des étudiants et l’intérêt qu’ils portent à leurs études et constituent en outre des pratiques de consolidation de la démocratie au Niger. Tous les candidats à l’élection présidentielle considèrent, à juste titre d’ailleurs, l’éducation comme un sujet essentiel et sont conscients des difficultés du système éducatif. Ils proposent des mesures généreuses, qui vont garantir la réussite de tous, avec des bonnes paroles pour séduire les étudiants. Tous conviennent également du fait que l’école doit représenter une part très importante du budget public. Beaucoup disent également qu’ils sont issus de familles pauvres et que l’école qui a pour tâche principale de former le citoyen,  a constitué le levier de leur ascension sociale.

Est-ce que l’école est encore ce lieu de formation qui offre à chacun sa chance ? Est-ce que  l’école est encore un grand ascenseur social pour tous les nigériens ?  

L’école nigérienne est malade depuis au moins trois décennies, mais il faut aussi dire que des efforts louables ont été accomplis dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement professionnel et technique, ces deux dernières décennies avec des progrès  comparables à ceux des pays francophones de la sous-région.

Cependant, l’écart reste important concernant l’alphabétisation et l’enseignement général secondaire et moyen où le Niger a des taux  de scolarisation nettement plus faibles. Il en est de même du nombre d’étudiants où le retard est très considérable, malgré l’ouverture de plusieurs universités publiques et privées.

Le rôle de l’éducation, qu’on le veuille ou pas, demeurera, jusqu'à la fin des temps, primordial et indissociable du progrès social et humain. Aussi, c’est la situation de dégradation dans laquelle se trouve  l’Education  dans notre pays qui explique la place peu enviable occupée par le Niger depuis de nombreuses années, dans le classement de l’indice de développement humain.

Le programme des nations unies pour le développement (PNUD)  affirme qu’aucun pays ne peut prétendre au développement sans avoir atteint au minimum un taux de scolarisation de 70% et celui d’alphabétisation de 40%. Ainsi dit, le lien entre éducation et développement d’un pays n’est plus à démontrer. Une maxime attribuée à Lao Tseu, un sage de la Chine ancienne vient bien à propos en affirmant : «Donnez à un homme un poisson, et il aura à manger pour une journée ; apprenez à un homme à pêcher, et il aura à manger toute sa vie».

Investir dans l’éducation, c’est déjà, lutter contre la pauvreté, les inégalités et jeter les bases d’une croissance économique solide par la formation du  capital humain.

 Le lien entre développement et éducation est évident. Il faut donc investir davantage dans le  système éducatif pour améliorer le classement du Niger dans le concert des nations.

Pour remettre le système éducatif nigérien sur les rails, il faut d’urgence considérer les trois niveaux suivants :           

  • Réhabiliter le cadre de concertation des structures consultatives en matière d’éducation

Est-il besoin de rappeler que l’éducation commence en famille, avant de se poursuivre à l’école avec de nombreux partenaires notamment l’Etat, les enseignants, diverses  associations et organisations, des bailleurs de fonds pour ne citer que ceux-là. L’éducation n’est pas  seulement «la chose de l'Etat», elle intéresse tout le monde, toutes les composantes de la société.

L’école républicaine et démocratique nécessite un cadre de concertation permanent et périodique, regroupant l’ensemble des partenaires, du niveau communal au niveau national. Le décret n° 2003-195/MEB1/A/MESSRT du 24 JUILLET 2003, instituant  les structures consultatives en matière d’éducation est mis en veilleuse (voir l’article La paralysie des organes consultatifs en matière d’éducation et la relance de l’école républicaine au Niger dans Tamtam info du 26 octobre 2018). Il n’est point besoin d’être un expert pour reconnaître que l’école est l’avenir de la société et l’existence d’un cadre permanent de concertation de tous les protagonistes est indispensable pour prendre des mesures consensuelles d’orientation, de gestion et d’encadrement d’un système éducatif égalitaire et efficace.

  • Accroitre le Budget alloué aux ministères en charge de l’éducation et créer un fonds national d’appui à l’Education

Tous les secteurs sociaux-économiques de développement (santé, hydraulique, environnement, énergie, communications, grandes infrastructures, etc.) nécessitent des investissements colossaux et constituent des priorités nationales. Mais, la défense de l’intégrité nationale, la lutte contre le terrorisme et l’éducation nationale viennent largement au premier plan. Aucun secteur ne doit être négligé, mais l’éducation, socle du développement,  qui forme et fournit le personnel à tous les autres secteurs, nécessite  au moins le quart du  budget national. L’Etat ne pourrait prendre en charge toutes les dépenses relatives à l’éducation, et il faut donc trouver des sources de financement complémentaires à travers la coopération bilatérale et multilatérale. Il faut que l’Etat mobilise efficacement l’aide des grandes organisations internationales partenaires de l’Education et des pays amis. L’Etat doit également sans tarder mettre en place un fonds national d’appui à l’Education qui serait financé par des taxes sur toutes les grandes entreprises, des contributions volontaires, des dons et legs de personnes physiques ou morales. 

  • Former et retenir des enseignants de qualité

Le corps enseignant, la ressource la plus significative et la plus précieuse de tout système éducatif. L’idée que tout diplômé peut être un bon enseignant est un mythe qui doit être abandonné. Il faut mettre fin à la contractualisation et revaloriser la profession enseignante en améliorant la rémunération, le recrutement, la carrière et les conditions de travail des enseignants. Les moniteurs d’antan enseignaient nettement mieux que les instituteurs d’aujourd’hui, formés durant deux ans après l’obtention du BEPC, dans les  écoles normales. Pour former de bons enseignants du primaire,  il faut désormais rehausser le profil d’entrée dans les écoles normales en prenant des bacheliers ou tout au moins des élèves disposant du BEPC et justifiant du niveau de la classe de terminale.

On le sait, les fruits de l’investissement dans le domaine de l’éducation sont certains mais ils ne sont pas visibles rapidement. Il est très difficile d’évaluer rapidement les effets des mesures mises en œuvre et il faut aussi laisser le temps aux dispositifs de s’installer et éviter les multiples reformes budgétivores, non pertinentes qui perturbent le système éducatif.

En revenant au sujet des élections, il faut noter que la justice, la droiture et l’honnêteté sont les caractéristiques de la bonne gouvernance en islam. Il y a 1400 ans, le Calife Omar Ibn El Khattab, compagnon du prophète, réputé pour sa clairvoyance  avait adressé une lettre à Abou-Moussa-al-Achari, lui recommandant quelques conseils dans l’exercice de sa fonction de gouverneur et de juge. Cette lettre dans laquelle on retrouve des principes de droit moderne actuel, est devenue  un modèle de justice et de bonne gouvernance pour de nombreux états.

« La justice est une obligation sans équivoque et une voie à suivre. Sois perspicace lorsqu’une affaire t’est soumise, car il ne sert à rien de dire la vérité sans la mettre en application. Sois impartial vis-à-vis des gens dans ton assise et ton regard afin que le noble n’espère pas de toi une conduite injuste et que le faible ne désespère pas de ton équité. La preuve incombe à l’accusateur et le serment à celui qui nie. Le compromis entre les gens est permis sauf un compromis qui rend licite ce qui est interdit ou illicite ce qui est permis. Qu’une sentence que tu as émise auparavant ne t’empêche pas de revenir à la vérité, si après un examen de conscience tu te rends de la vérité, car rien ne peut remettre en question la vérité et sache que revenir vers la vérité est mieux que de persister dans l’erreur. Essaye de comprendre ce qui résonne dans ton cœur lorsqu’il n’y a ni verset ni hadith à ce sujet, détermine les cas semblables et procède par analogie, puis choisit ce qui plait le plus à ALLAH et est plus proche de la vérité d’après ton appréciation. Accorde un délai à quiconque réclame un droit absent pour qu’il en apporte la preuve. S’il l’apporte, il prend son dû, sinon tu fais appliquer la loi… Evite le malaise, l’angoisse et le préjudice que tu peux causer aux parties dans des endroits de vérité  auxquels ALLAH accorde la récompense et l’agrément, car celui dont le fond du cœur est en harmonie avec ALLAH, ALLAH arrangera ce qu’il y a entre lui et les gens. Que la paix soit sur toi. »

Il faut souhaiter des élections transparentes, crédibles  et un climat post électoral apaisé.

 Par Moustapha Liman Tinguiri, planificateur de l’éducation à Zinder