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Scrutin présidentiel au Niger : Détours et déroutes / Par Dr Farmo Moumouni

 Scrutin présidentiel au Niger : détours et déroutes / Par Dr Farmo Moumouni

Au cours de la saison électorale dernière, vous avez empêché. L'échéance court à sa fin, vous tergiverser. Si, dix ans de règne sans partage vous ont permis de construire une popularité sans pareille, pourquoi n'allez-vous pas avec diligence et sans crainte aux élections inclusives ?

Mais, qu'est-ce que tergiverser, votre oeuvre permanente ?
C'est prendre des détours, c'est éluder, éviter et écarter, ruser et manœuvrer, louvoyer et atermoyer; c'est user de faux fuyants pour atteindre une fin, c'est différer la prise d'une décision cruciale.

Que les Nigériens sans exception entendent bien, s'avisent ou se ravisent que dans les moments troubles où la paix, la stabilité, la sécurité et l'avenir du pays sont en péril, ils doivent, pour son intérêt, se garder de tergiverser ; que pour l'intérêt de tous, supérieur, leurs pensées dans la communion doivent s'élever ; que la partisanerie sectaire doit être dépassée ; que rien ne doit compter plus que le bien commun et le vivre-ensemble paisible et sûr, et qu'en ces moments, enfin, l'amour du pays devient panacée.

Or, au Niger on s'est installé dans l'habitude de tergiverser. On louvoie à quelques semaines de l'échéance capitale. La paix, la stabilité et la sécurité sont menacées, on se perd en atermoiments. De grands risques rendent l'avenir incertain, on accroît les faux fuyants.

Mais la fuite en avant, on ne le sait pas assez, "pousse à se jeter dans le danger qu'on redoute"
Qui est à la manœuvre ? Qui divise et fragile ? Qui jette de la poudre aux yeux du peuple ? Qui a transformé la politique en un marché où se vendent âmes, consciences et voix ? Qui désagrège les partis politiques, et en a fait des clients avides d'aubaines ? Dites-moi, qui corrompt, trompe, leurre et abuse ? Qui, par des artifices, par la ruse, par la force intimide, séquestre, interdit, sème la peur, la crainte et la soumission ?

Entendez ! C'est le régime, c'est le parti qui se sont accaparés de l'État, de sa force et de ses moyens pour parvenir à une fin : la conservation du pouvoir.
Au cours de son exercice, ils se sont servis de la justice de l'injustice pour gouverner. Ils ont pillé, volé et violé ; se sont enrichis de manière insultante dans le pays dit le plus pauvre.

Et quoi encore ?
Scandale après scandale, ils ont donné à la politique un visage répugnant, conduit des fils du pays à la mort, et le pays dans un état de déliquescence sans précédent. Pour eux, le salut est dans le pouvoir, par tous les moyens, conservé.

Dessein salvateur pour eux, car conserver le pouvoir les dispense de rendre des comptes aux Nigériens, conserver le pouvoir leur garantit l'impunité.
Dessein funeste pour les Nigériens qui vivront alors plus de malheurs, plus d'injustices, plus d'exactions et de brimades.

Que ceux qui sont séduits, ceux qui vivent dans l'illusion, ceux à qui ils jettent des miettes, ceux qu'ils bernent de promesses, ceux qui les encensent et les chantent, se rendent à l'évidence : le combat ultime qu'ils mènent n'est pas un combat pour le pays, encore moins un combat pour leurs partisans.
Ce n'est même pas un combat pour le parti, c'est une lutte désespérée pour la nomenklatura, les privilégiés du régime qui, si le chaos advient abandonneront partisans et flagorneurs au milieu de l'imbroglio.

Ceux-là, en toute âme et conscience auront un choix à faire : défendre leur pays, leur patrie ou défendre des hommes qui les méprisent, les instrumentalisent, et qui n'auront aucune loyauté envers eux.

Qui est cible, qui est victime des manoeuvres, des ruses et des dérobades ?
Il faut sans ambages le dire : c'est Lumana. Mais Lumana n'est pas cible et victime parce qu'il s'appelle Lumana, il l'est parce qu'il constitue la force capable de faire échec au dessein suscité. Lumana est de ce fait au centre de tous les complots, de toutes combines et de toutes les intrigues : c'est l'ennemi à abattre.

La présidentielle, cette année ? Un panier de crabes !
Il y autant de partis et de candidats dans la compétition que de crabes dans un panier, ils se bousculent, mordent, nuisent les uns aux autres.
En cette année exceptionnelle, les leaders pullulent, les partis naissent et se multiplient. Vive le multipartisme intégral gage de prolifération.
Mais deux formations se détachent de la foule : le PNDS et Lumana. Deux grands partis sur l'échiquier politique nigérien, et grandeur oblige, ils doivent concourir au scrutin présidentiel par leurs candidats désignés.

Mais, il se raconte que leurs candidatures pourraient être rejetées. On évoque la loi fondamentale, l'alinéa 3 de son article 47, pour le candidat du PNDS. On rappelle le code électoral et son article 8, pour le candidat Lumana.

N'étant ni devin ni légiste, je ne puis faire une prédiction ni donner un avis technique. J'abandonne ce sujet aux spécialistes du droit, qui en parle abondamment déjà, pour me laisser guider par la raison. Elle me fais déjà dire que ce sont les hommes qui font les lois, et qu'en les faisant, ils y mettent leurs intentions, bonnes ou mauvaises.

Ah ! Qu'il était aberrant d'ouvrir un débat sur la nationalité. Il n'y a point d'étrangers parmi les candidats. La nationalité des candidats a été introduite pour ouvrir la voie à l'ethnie : c'était tout aussi biscornu.

Revenons à la question des rejets probables. Tout rejet aura ses problèmes, sans doute, et sa part d'influence sur le cours des évènements, assurément.
Je crois que le rejet de la candidature du représentant du parti au pouvoir aura moins d'incidence sur la vie nationale que celui du représentant de Lumana. Ce parti procéderait au remplacement dudit candidat, car il a en sein une réserve de présidentiables. L'un d'eux aurait pu être le candidat plébiscité, si l'actuel candidat n'avait pas été désigné par le grand maître du parti.

Je constate que l'élection présidentielle est en train de devenir la rencontre entre une grande partie du peuple nigérien qui n'aime pas l'injustice et un homme qui en a été victime pendant plusieurs années. Au charisme de l'homme - don qui ne dépend ni de lui ni des autres - s'est ajoutée la compassion de nombre de ses concitoyens, pour elargir sa popularité. Pour cette raison je crois que le rejet de sa candidature aura un impact sur la cohésion sociale.

Ceux qui prendront la décision ultime de valider ou d'invalider les candidatures diront le droit, ils se soucieront de l'éthique et de la morale; ils auront présent à l'esprit au cours de leurs délibérations, sans discontinuer, l'intérêt du Niger, l'intérêt de tous, l'intérêt général au-dessus de tous les intérêts.

Des Autres nous ne cessons d'apprendre. La Guinée et la Côte d'Ivoire, en péchant contre le droit, la morale, le bon sens et la raison, nous montrent les chemins qu'il ne faut point emprunter.

Ce pays meurtri, saigné, s'étouffe sous l'étreinte de vos intérêts particuliers. Lâchez-le pour qu'il respire la liberté, la justice, la paix.

Farmo M.