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Questionnement pour partis politiques, candidats à la présidence de la République et citoyens nigériens : Par Dr Farmo Moumouni

Dr Farmo Moumouni

Il y a sept ou huit mois, je rédigeais avec force, conviction et franchise, un texte dans lequel j'exposais mon choix, ma vision mes espoirs et mes attentes pour un Niger renouvelé.

L'entreprise avait été motivée par l'abjection que m'inspire la manière de faire de la politique au Niger - je parlais alors d'impolitique - l'état de déliquescence dans lequel cette pratique avait mis le pays depuis une décennie au moins, la gouvernance calamiteuse, le niveau de corruption sans précédent, l'injustice endémique, l'impunité chronique, de même que par les sentiments de colère et de culpabilité que je ressens encore quand, spectateur, j'assiste à la décrépitude de ce pays, ma patrie.

Je crois que notre engagement - individus et partis - s'il est sincère, ne peut être dissocié de la mission générationnelle dont parle Frantz Fanon. Je crois que la découverte de la mission s'opère dans la rupture avec l'ordre établi, la prise de conscience de la nécessité du changement, du but de celui-ci, et du rôle que nous pouvons y jouer; que remplir la mission exige que soit dissipée l'opacité qui entoure l'engagement et que la trahir c'est participer à la perpétuation de l'ancien ordre.

Or nombre de partis et d'hommes - anciens et nouveaux - prônent le changement, veulent en être l'incarnation quand ils ne s'en font pas les prophètes. La saison est prometteuse, on sème bonnes paroles et promesses à tout vent, en attendant la récolte des suffrages.

Combien de temps se laissera-t-on labourer et lacérer, remuer et retourner, biner et bêcher ?
C'est aussi le temps de la rencontre avec le peuple, le moment où on va au-devant des électeurs. Il faut déjà apprendre à rendre compte au peuple, c'est-à-dire l'informer de ses intentions, avant de lui rendre des comptes c'est-à-dire expliquer, justifier son action, en être comptable et responsable devant le peuple, si d'aventure on est élu.

Le peuple a donc besoin de savoir, il a besoin d'être informé sur le sens de notre engagement, sur le but de notre mission. Et voici le moment le meilleur pour dissiper l'opacité par la révélation de nos intentions, par le dire des actions que nous entendons mener, pour remplir notre mission afin que survienne le changement.

Les peuples ont une conscience. Le peuple nigérien en a une. La conscience des peuples comme celle des hommes est sujette à des traumatismes provenant de causes diverses. Ils appellent une thérapie comme condition de leur cessation.

Qui niera que conscience du peuple nigérien est affectée depuis une décennie par une série des évènements violents, tragiques, humiliants, par un ensemble d'événements choquants, déchirants, mortels, et que de tous, celui dit "Affaire MDN" avec son cortège de détournement, de corruption, de morts, de veuves et d'orphelins a été le plus traumatisant, celui qui réclame justice et réparation comme thérapie ?

Le silence est désormais complice ou coupable.
Que chacun dise au peuple meurtri comment il entend traiter cette affaire. Qu'il dise au peuple s'il laissera courir assassins, délinquants et voleurs, s'il leur offrira une protection ou si au contraire, il leur fera subir le sort qu'ils méritent.

Qui, après les précipitations et inondations meurtrières, évoquera le réchauffement planétaire et dira les mesures envisagées pour prévenir, atténuer ou endiguer ses effets, leurs impacts sur l'environnement, sur l'agriculture, l'alimentation et l'élevage (pertes de cultures et de bétail), sur l'éducation (occupation des classes par les sinistrés), sur la santé (paludisme) ?

Qui songe un seul instant à parler de changement sans parler de souveraineté, sans dire comment il entend mettre fin à la soumission du Niger à un autre État, sans dire comment il entend défaire les liens néo-coloniaux, sans dire comment il entend libérer notre territoire de toute présence militaire étrangère non désirée ?

Qui osera parler d'indépendance en s'adressant au peuple à partir de la Françafrique, au milieu du pré carré français ?
Qui parlera au peuple, sans lui mentir, de développement et de prospérité, s'il ne dit pas au peuple qu'il doit être maître chez lui, maître de l'or, maître du pétrole, maître de l'uranium, maître du vent et de l'eau, maître du fer et du feu, maître de toutes ses ressources, qu'il doit transformer chez lui pour créer des richesses, pour investir dans son bien-être, dans l'agriculture, dans l'éducation, dans la santé, dans l'industrie ?

Qui enfin jurera devant le peuple, écoutant l'hymne national, regard le drapeau flotter, la main sur le cœur, qu'il a renoncé aux pratiques archaïques, à l'enrichissement illicite, à la corruption, qu'il est immunisé contre tous les maux en isme, qu'il est tout entier dévoué à la patrie, et qu'au terme des mandats que le peuple lui aura confiés, il rendra au peuple le pouvoir qui lui appartient ?
Tout parti est libre de répondre ou de ne pas répondre à ce questionnement d'intérêt national. Tout candidat à la présidence de la République est libre de se prononcer sur ces questions vitales pour le pays qu'il aspire à diriger, il est libre de se taire.
Je suis libre, en tant que citoyen appartenant au peuple nigérien de m'éloigner de tout parti et de tout candidat qui ne daignera pas éclairer le peuple.

Farmo M.

2! octobre 2020

Source : https://www.facebook.com/moumounifarmoPhD