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Commentaire : Encadrer le multipartisme intégral

Les «entrepreneurs politiques» prospèrent au Niger. Mais, font-ils, en retour, le bonheur du Niger ? La question est sur toutes les lèvres. Et la réponse est quasi-unanime : non ! Que la Constitution du Niger consacre «le multipartisme intégral», soit. Que chaque citoyen jouissant de ses droits civils et politiques participe à un degré quelconque à la vie de la Cité, passe encore. Mais, que des «recalés» de scrutins populaires, des prétentieux et même des voyous aient le droit de parasiter le jeu démocratique et, pire, de vivre de la politique, aux crochets de la République, cela passe de moins en moins dans l’opinion publique nationale.

Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui et, si rien n’est fait, on lèguera de sérieux problèmes aux générations futures, car personne ne voudra travailler ; tout le monde voudra être «entretenu» par l’Etat-providence transformé alors en «maîtresse» nationale. L’Etat le supportera-t-il ? Non, assurément !

Déjà, l’autre jour, parlant de ces «Présidents de partis politiques» qui pullulent à Niamey, une connaissance à nous s’indigna que lesdits «Présidents» gagnent plus qu’un ouvrier ou un agent de l’Etat qui sont obligés de «pointer» au chantier ou au bureau, voire un paysan contraint de labourer son champ pour subsister, alors que lesdits «Présidents» ne sont ni plus Conseillers ou plus Chargés de mission que quiconque. Et pourquoi ? Parce qu’ils brandissent, à longueur d’élections et de coalitions politiques hétéroclites ou d’alliances de circonstances, le titre de propriété d’un parti politique groupusculaire et/ou «satellite».

En fait, ce que nous disons n’est pas du poujadisme ; mais, alors, ces «profiteurs de la République» peuvent, à la longue, créer de malencontreuses réactions poujadistes. Or, la France que nous copions tant en maints domaines a toujours su, au-delà des urnes, couvrir de ridicule les vaniteux qui prétendent la diriger là où même ses grands hommes d’Etat peinent à la hisser au niveau du seul pays de Nietzsche.

Le fait est qu’au Niger, il n’y a, à notre connaissance, que deux partis politiques et un homme politique de premier plan qui aient essayé de mettre le holà. A leur manière. En effet, au moment de choisir entre le régime présidentiel et le régime semi-présidentiel, seuls le MNSD-Nassara et la CDS-Rahama avaient opté pour le premier, garant, selon eux, d’une plus grande stabilité, car donnant plus de marge de manœuvres à l’Exécutif. Plus récemment, lors de son investiture à la présidentielle de 2021, l’ancien Général Salou Djibo avait frappé l’esprit des observateurs en affirmant haut et fort qu’il faudrait se pencher sur la prolifération des partis politiques.

Le fait est que, confronté à des menaces de plus en plus grandes et complexes comme le terrorisme, la crise migratoire, la crise sanitaire, les changements climatiques et la pauvreté qui en est le terreau, le Niger a plus que jamais besoin d’une classe politique unie autour de valeurs cardinales et non d’une camarilla de politicards fondant, tels des charognards, sur les ressources du pays.

Comment y parvenir ? Une loi fondamentale étant faite pour les hommes et non contre leurs intérêts supérieurs, il nous est loisible de modifier notre Constitution en réaffirmant, certes le multipartisme intégral, mais assorti d’une disposition: «Tout parti politique qui n’obtiendrait pas X pour cent d’élus aux scrutins locaux et législatifs sera dissout». C’est radical, mais, cela aura le mérite de clarifier le jeu politique, de remettre tous les petits malins et autres fainéants profitant de la politique seulement à la seule place qu’ils méritent : la dernière. Cette règle de barème minimal est très souvent à l’honneur dans les démocraties scandinaves (Suède, Danemark, Finlande). On pourrait aussi recourir au système de parrainages pour les candidats aux élections présidentielles afin d’éviter des candidatures farfelues, des ‘’candidatures de témoignage’’. Il serait également possible de revoir à la hausse la caution électorale qui serait de nature à dissuader les candidatures peu sérieuses. Au Bénin, le président Patrice Talon en a déjà montré la voie en portant à 250 millions de nos francs la caution pour l’élection présidentielle.

L’autre mérite serait tout aussi grand : éviter la concussion, les trafics et les passe-droits qu’engendrent la détention et l’abus par nombre de ces «présidents» de passeports ou autres documents administratifs qui en font des «petites terreurs» pour le citoyen lambda. Bref, devant la création d’une kyrielle d’autres partis politiques à l’orée des élections générales prévues en 2020-2021, il faudra à terme «encadrer» le multipartisme intégral au risque de tomber dans l’ancien schéma politique italien qui avait accouché du délitement de l’Etat et de la montée en puissance de la mafia.

Par Sani Soulé Manzo(onep)

23 octobre 2020

Source : http://www.lesahel.org/