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Opinion / L’usage de supports électroniques dans les futurs scrutins électoraux et le probable différé de l’enrôlement des électeurs de la diaspora : Par Hamma Hamadou

Chers amis,
La question de l’usage de supports électroniques dans nos futurs scrutins électoraux et le probable différé de l’enrôlement des électeurs de la diaspora défraient la chronique, actuellement.
Je me permets d’en partager avec vous mon opinion personnelle.

1- Sur la question de la biométrie, la plupart des intervenants réduisent le débat à la seule carte électorale.
Donnons-nous la peine de consulter le code électoral, particulièrement en ses articles 36, 37, 46 et 56.

Que dit-il ?

  • Art. 36, alinéa 1er : « Il est institué en République du Niger un Fichier Electoral Biométrique (FEB)… » ;

  • Art. 37, alinéa 1er : « Le fichier électoral est unique et national. Il est le produit de l’ensemble des listes des régions, des ambassades et/ou des consulats… Les listes électorales des différentes circonscriptions sont centralisées dans un fichier national dit fichier électoral ; le fichier électoral s’intègre dans un dispositif biométrique permettant l’émission des cartes d’électeurs. » ;

  • Art. 46, alinéa 2 : « …Avant sa remise officielle, le fichier peut être audité, après consultation des partis politiques, sans compromettre le processus électoral… » ;

  • Art. 56, alinéa 1er : « L’inscription sur la Liste électorale biométrique (LEB) donne droit à la délivrance d’une carte d’électeur biométrique dont le format et les mentions sont fixés par acte règlementaire du Président de la CENI, après délibération de la plénière… »


Qu’ai-je compris des responsables de la CENI, en réponse à nos questions répétées aux dernières sessions du CNDP, relativement à l’emploi de la biométrie dans le processus électoral en cours ?

  • La carte biométrique à puce coûte trop cher ; les électeurs disposeraient d’une carte électorale sécurisée et non d’une carte électorale biométrique ;
  • Le vote n’est ni électronique ni biométrique mais bien manuel, et il n’y aura pas de terminaux de lecture des cartes d’électeur à la disposition des agents électoraux dans les bureaux de vote.

Qu’entend-on ailleurs ?
Le FEB est bien intégré au niveau régional pour le dédoublonner mais pas au niveau national.

Qu’avons-nous à dire ?
Le personnel politique et le Législateur ont préféré l’usage de la biométrie à d’autres moyens dans notre processus électoral pour éliminer, à tout le moins, pour limiter la fraude électorale, les votes multiples par des électeurs.

Le drame du Niger, c’est que notre service public électoral, la CENI, pour des raisons comptables, disons-le, pour de banals motifs de coûts budgétaires, a choisi de nous priver du moyen déterminé par la loi électorale (la carte électorale biométrique) ainsi que des supports de lecture de la CEB. Ils ont ainsi maladroitement préféré l’économie budgétaire à la garantie de nous protéger des menaces sur la transparence et l’intégrité du processus électoral.

À tous ceux qui pensent que c’est une polémique inutile, je leur demande : à quoi vous sert votre Ferrari lorsqu’elle est immobilisée au garage ?

Que ce soit clair : pour moi, l’emploi de la biométrie dans notre processus électoral pouvait et devait être un progrès pour le pays même si, actuellement, je crois savoir que seuls une quinzaine de pays dans le monde utiliseraient la biométrie dans leurs enjeux électoraux. Un pays comme la France, par exemple, n’utilise pas la biométrie dans son processus électoral.

Il est vrai que l’identification des citoyens y est si facile et transparente et que les citoyens si confiants dans leur administration publique qu’ils n’ont pas besoin d’un organisme indépendant comme la CENI pour garantir la transparence, l’intégrité et la crédibilité de leurs processus électoraux. L’administration du ministère de l’Intérieur suffit pour ça.

Revenons à notre sujet et à notre cas :

La carte électorale a beau être « sécurisée », « sécurisée biométrique » ou « biométrique » ou je ne sais quoi d’autre expression maligne, à puce ou à code barre, à quoi servirait-elle si les agents électoraux ne disposent pas d’équipements pour en vérifier l’authenticité dans les bureaux de vote ?

Mon point de vue est que, clairement, tout titulaire de carte, fraudeur, peut alors, si l’on n’y prend garde, faire usage de sa carte dans des bureaux de vote situés dans plus d’une région, sur des listes manuelles additives, dans le scrutin présidentiel à circonscription nationale. Nous serions alors en plein dans le syndrome de la Ferrari au garage.

2- Pour ce qui est du 2e sujet, l’enrôlement différé sine die des électeurs de la Diaspora aux motifs de la pandémie COVID-19 :
Que nous dit-on ?

Croyez-nous sur parole, on a été explorer dans tous les pays où des centres d’enrôlement et de vote ont été prévus. Mais, après avoir programmé l’enrôlement des électeurs de la région Diaspora avec ceux des régions de Niamey, Maradi, Zinder et Diffa, en raison de la COVID-19, tous les pays d’accueil concernés de nos concitoyens ont fermé leurs frontières et la Cour constitutionnelle a jugé que la CENI est en face d’un cas de force majeure. Qu’il faut être raisonnable et accepter qu’ils soient enrôlés et intégrés plus tard au FEB qui est programmé pour être remis au président de la CENI le 02 septembre 2020. Que, dans tous les cas, quand ce sera confortable, ils vont organiser des élections partielles pour désigner les 5 députés de la Diaspora.

Que disons-nous ?
La CENI et la Cour constitutionnelle, dans leurs formations actuelles, sont là depuis des années. La CENI nous a dit avoir reçu du Gouvernement les moyens de son action.

Pourquoi n’ont-ils pas pu programmer à temps l’identification des électeurs ?

Pourquoi, au début de la pandémie COVID-19, a-t-on préféré programmer l’enrôlement des électeurs de la Diaspora dans la dernière phase ?

Pourquoi n’a-t-on toujours pas utilisé nos câbles diplomatiques, notre réseau diplomatique dont on vante tant les performances pour accueillir les missions d’enrôlement des électeurs ou utiliser nos missions diplomatiques et nos postes consulaires à cet effet, ne serait-ce qu’en zone CEDEAO où plusieurs pays sont dans un processus électoral où les frontières sont actuellement ouvertes ?

À ceux qui nous disent, vous n’êtes pas raisonnables, il ne s’agit que de quelques centaines voire quelques de milliers de gens et vous devez accepter que le virus circule encore, j’oppose le fait qu’il s’agit d’un droit constitutionnel mais aussi bien d’un enjeu électoral pour les partis politiques et, au moins dans 4 pays de la CEDEAO avec une forte diaspora nigérienne, des élections vont se faire d’ici la fin 2020 et le processus d’identification des électeurs y suit son cours.

Mais, ce qu’il faut comprendre, c’est que, alors que la loi électorale prescrit que le FEB est unique et national, sans l’enrôlement des électeurs de la Diaspora, le FEB sera amputé de la région entière Diaspora -affectant son caractère national- et ses électeurs seront privés de leur droit de participer à la désignation du tout prochain président de la République, le 27 décembre 2020. L’élection présidentielle est l’élection majeure dans notre pays, parce que le président de la République, qu’on le veuille ou non, est la clef voûte de notre vie politique, de la vie publique.

Quand on sait que tout n’a pas été essayé pour leur permettre de jouir de leur droit légitime et quelle est la contribution de la Diaspora à la vie de nos populations en milieu rural, c’est juste impensable, absurde à tous égards.

Rappelons-nous, par ailleurs, que plusieurs législatives partielles étaient attendues, depuis des années, pour diverses raisons,dans notre pays. Elles n’ont pas été organisées au seul motif que l’État n’a pas d’argent. Sauf à être naïf, comment peut-on raisonnablement faire confiance à quelqu’un qui n’a pas honoré son premier crédit ?

Si des solutions consensuelles ne sont pas opportunément trouvées à ces défis électoraux, il y a fort à craindre que nous ne soyons confrontés à des conflits électoraux et/ou post-électoraux aux conséquences imprévisibles sur notre vie en commun. Je ne le souhaite pas.

Ressaisissons-nous et que Dieu veille sur notre pays et son peuple ! Amine

Par Hamma Hamadou