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UNIVERSITE ET SOCIETE : L’université doit contribuer au développement de la société

Universite Abdou MoumouniDans quelques jours, les enseignants- chercheurs de l’Université Abdou Moumouni de Niamey vont procéder à l’élection de doyens des facultés et de directeurs des écoles et instituts.Le samedi 08 juin 2924 précisément seront désignés, par leurs pairs, les responsables de l’Ecole normale supérieure (ENS) et l’Institut de recherches en sciences humaines (IRSH) ; les facultés d’Agronomie, de Lettres et sciences humaines, de Sciences de la santé, de Sciences et techniques. La campagne bat déjà son plein, suivie avec intérêt. D’ailleurs, ces dernières années, les élections des responsables universitaires n’intéressent pas seulement les enseignants chercheurs, les étudiants et le personnel administratif et technique de l’Université. Elles débordent du cadre purement universitaire, ne se limitant plus à ce monde presque ésotérique où les initiés se donnent le change. Les candidats, parmi les plus instruits du pays, vont donc croiser le fer, dans une lutte des esprits nous l’espérons, en confrontant les niveaux de formation, les universités fréquentées ou d’intervention, le nombre d’étudiants encadrés, l’ancienneté dans les grades, le nombre d’ouvrages écrits et les articles publiés dans telle ou telle revue scientifique internationale. A ces éléments de distinction qui sont censés permettre à chaque faculté, institut ou école d’avoir à sa tête le meilleur, viendront surement se greffer, et ce qui est déplorable, d’autres considérations moins glorieuses et moins honorables, pour un monde qui doit se situer au-dessus de certains arguments grégaires.Certains universitaires descendent fréquemment dans les égouts nauséabonds, dans des circonstances similaires, pour tenir des propos et poser des actes dignes d’un autre âge, qui séparent plus que n’unissent les nigériens. L’université c’est quand même des enseignants chercheurs, autrement dit la crème de la crème de l’intelligent sia du pays.De hauts cadres bien et chèrement formés avec les fonds publics pour réfléchir et proposer des solutions aux problèmes des hommes. C’est du moins ce qu’attend d’eux la Nation qui les a formés. Pas autre chose. Et Dieu sait que notre pays est assailli de toutes parts par de défis de tous genres. Ce qui va se passer donc à l’Université, considérée comme le sanctuaire du savoir, intéresse les nigériens pour plusieurs raisons. Les Doyens et les Directeurs qui seront élus à l’issue de ces différents scrutins ne seront pas seulement des administrateurs, mais, en tant qu’enseignants chercheurs, la société est en droit d’attendre d’eux des réformes et des pistes dechangements majeurs impactant qualitativement la vie de la communauté, du pays tout entier. Parce que justement, nous sommes dans le monde de la recherche. Et la recherche, comme la science de manière générale, doit être au service de la nation, au service de l’humanité dont les résultats et les applications techniques contribuent à améliorer les conditions de vie.Le savoir ne doit pas être seulement contemplatif, mais au service de l’homme et de son entourage. Audelà de la lutte pour le positionnement dans l’administration universitaire qui va se dérouler dans quelques jours, et la recherche des postes politiques, un exercice auquel certains universitaires nigériens sont rompus, le Niger attend des enseignants-chercheurs, que l’on n’a pas tort de qualifier d’intellectuels, la prise en charge, sur le plan intellectuel, conceptuel et technique, des défis et problèmes qui assaillent de toutes parts le pays et les hommes : insécurité liée au terrorisme et au banditisme, sécheresse impactant négativement le rendement agropastoral, très nette insuffisance de la production agricole conduisant à des famines récurrentes, dépendance énergétique criarde, développement de reflexes identitaires chez certains citoyens en perte de repères, crise des valeurs, culture de la médiocrité et des contrevaleurs…Que faire face à tout ça ? L’universitaire nigérien n’a-t-il pas un role à jouer dans le drame qui se joue au Niger?

L’enseignant chercheur dans le contexte nigérien actuel

Les enseignants chercheurs, parmi les fils et filles du pays, sont ceux qui ont eu un parcours académique qu’on peut dire glorieux, avec des niveaux de formation au top, bardés des diplômes les plus élevés. Et c’est pour cette raison justement que la société est en droit d’attendre d’eux, beaucoup plus que des autres. Surtout dans le contexte actuel fait de menaces de toutes sortes. Depuis le 26 juillet 2023, le Niger est dans une posture révolutionnaire, en rupture totale de banc avec la France et l’Occident, dans le cadre de la reconquête de sa souveraineté et son indépendance nationale. La France qui n’arrive jusqu’à présent pas à encaisser le coup, dans une posture coloniale et condescendante, a promis, de vive voix, de faire payer le Niger, par tous les moyens, à commencer par saboter la transition en cours. Elle déploie dans le monde entier des efforts inimaginables pour ‘’punir’’ le Niger. Ce qui fait le plus mal, c’est que cette expédition punitive contre le Niger et ses intérêts se fait avec la collaboration de certains nigériens apatrides et des frères africains qui ont choisi d’être au service du colon. La traite négrière et la colonisation n’ont pas eu lieu autrement, pour rappel. C’est dans des contextes de ce genre que les citoyens, comme les gouvernants, attendent des universitaires analyses, contributions à la mobilisation citoyenne, leurs propositions de pistes de solution, et la saisie de l’esprit à venir. Car, bien plus qu’un lettré ou un simple diplômé, l’universitaire peut être considéré comme un intellectuel. Il est appelé à occuper l’espace médiatique public pour éduquer, sensibiliser, aider ses concitoyens à saisir le contexte et en comprendre les enjeux. Un rôle d’encadreur, d’éducateur. Il doit non seulement aider à comprendre le présent, proposer des solutions aux difficultés qui se posent aux hommes, mais aussi ouvrir le futur, autrement dit un horizon d’attente, un horizon d’espérance, car l’individu comme la société a besoin de se projeter dans le futur. Au Niger, au cours de cette période trouble et préoccupante, les nigériens ont peu entendu les universitaires. Peu diserts, ils donnent l’impression que tout va bien, que ce qui se passe dans la société ne les intéresse pas, ou qu’ils ne peuvent rien pour éclairer les citoyens et les armer intellectuellement pour affronter les différentes situations qu’ils vivent. L’embargo inique et injuste infligé au Niger depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 a fait apparaitre la fragilité de notre pays, sa dépendance presque totale vis-à-vis de l’extérieur, du point de vue monétaire, alimentaire, énergétique. Alors que le pays dispose de potentialités énormes. Les universitaires ont un role crucial à ces niveaux pour rendre le pays plus autonome. En concevant des idées, et en mettant au point des techniques et des stratégies. Comment mettre à disposition les eaux du sous-sol pour que le nigérien produise tout le long de l’année ? Comment transformer la chaleur du soleil en énergie domestique utilisable à volonté ? Quelle est l’importance de la monnaie pour un pays ? Ce sont des questions qui peuvent et doivent être prises en charge par ceux qui ont la chance d’en savoir un peu plus que les autres : les enseignants-chercheurs.
Bisso (Le Courrier)