Colères estudiantines : Les étudiants de l’université prennent d’assaut le siège du parti au pouvoir
Au Niger, il y a souvent des colères muettes sur lesquelles, les médias alertaient depuis des années, qu’on prend peu au sérieux, les observateurs de la scène nationale redoutant qu’elles n’explosent un jour ou l’autre face aux surdités de responsables qui peuvent ne pas toujours comprendre leur rôle de régulateur des tensions sociales dans la sphère de leurs responsabilités. Il y a déjà quelques semaines que le Ministre de l’Enseignement Supérieur, PhD. Mamoudou Djibo, à la suite d’une communication en Conseil des Ministres, annonçait des mesures qui, selon ses explications, sont prises en concertation avec les huit recteurs des universités publiques pour réorganiser les entités dont ils ont la charge. Cette réorganisation a conduit à fermer des filières de formation dans certaines universités pour les ramener dans d’autres ; peut-être, avec les malaises qui existent déjà, la goûte d’eau qui fait déborder le vase.
Mais, il se retrouve que le cercle de concertation ayant permis d’assoir les réformes envisagées et mises en œuvre était trop restreint pour un environnement universitaire qui a fait le choix de la démocratie, pour qu’à ce niveau choisi, d’aussi importantes mesures puissent être acceptées par la communauté universitaire. La preuve c’est que dès le lendemain, des composantes essentielles ont rejeté la mesure notamment le puissant syndicat des enseignants-chercheurs (SNECS). La faculté de pharmacie de l’Université Dan Dicko Dankoulodo de Maradi fermée, celles-ci est ramenée à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, ce qui n’est pas du goût des étudiants de l’université déshéritée de sa ʺfilière charmanteʺ. Peut-on avoir oublié que ces universités sont créées en régions pour rapprocher les enfants de leurs familles pour mieux les aider à travailler dans de meilleures conditions de vie ? Et les étudiants n’ont pas pu digérer la mesure et ont cru qu’en profitant du Conseil Fédéral du parti présidentiel, le PNDS, qui se tenait le samedi matin dans la ville de Maradi, ils pouvaient espérer rencontrer des personnalités d’influence du parti et du pouvoir, qui plus, sont de la région, pour entendre leurs cris de colère, mais aucune n’eut le courage de les rencontrer même pour les calmer, et dans l’incompréhension d’un tel comportement de la part d’aînés qui ne peuvent écouter leurs préoccupations, les étudiants, dans le désespoir, assiégèrent le Conseil Fédéral. Un acte déplorable qui aurait pu être évité si le dialogue avait prévalu. En démocratie, on ne ferme pas les portes. Si la réorganisation ne passe pas, pourquoi ne pas la réexaminer ? On ne gouverne pas dans l’inflexibilité…
Cette situation a conduit à réprimer la manifestation spontanée des étudiants de l’UDDM et finalement à arrêter quelques uns. Le même soir, à la télévision, l’on pouvait entendre, d’autres encore en liberté, portant la voix de leur structure, dire que pour autant, les étudiants ne baisseront pas les bras et « poursuivront la lutte ». Faut-il dès lors s’attendre à une escalade dans un pays qui n’en a pas besoin ?
C’est dans un tel contexte que l’on apprenait une décision rectorale qui risque fort de faire monter les enchères. En effet, se prévalant de textes qu’il cite dans son « Autorisation de Franchises universitaires », le Recteur de ladite Université, Dr. Sani Mamane, Maître de Conférences, signant une autorisation de franchises universitaires, « autorise les forces de défense et de sécurité de la Région de Maradi à assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que le maintien de l’ordre sur l’ensemble des sites de l’université en raison de la situation instable qui sévit à l’UDDM du 22 octobre au novembre 2022 ».
Ceci n’est pas une bonne nouvelle pour l’école nigérienne et il faut espérer que le président de la République, s’en saisisse rapidement, pour baisser la tension car les grands désordres viennent souvent, de signes bénins.
Le Niger et son école ont besoin de paix.
Aïssa Altiné