Au Sénégal, quand la diaspora revient
L'Afrique n'est pas qu'un continent que l'on veut quitter à tout prix à bord d'une embarcation de fortune. C'est aussi une terre où l'on revient s'installer et travailler. Une terre où tout est possible. Interception s'intéresse cette semaine à ceux que l'on appelle "les repatriés" africains.
"Repatriés" africains, ce néologisme désigne la diaspora africaine qui a choisi de revenir dans son pays d'origine.
Il y a avait les "expats", il y a désormais les "repats"
Et dans ce domaine, les Sénégalais sont en pointe. Il y a plus de 300 000 Sénégalais installés en France. Tous ne veulent pas revenir au Sénégal, bien sûr, mais des milliers ont déjà sauté le pas. Ce sont souvent les plus diplômés, mais pas seulement.
Ces "repats" sont attirés par leur pays d'origine, qui offre stabilité politique, forte croissance (aux alentours de 7% d'après la Banque Mondiale) et grands projets d'infrastructures (nouvel aéroport international à Dakar, villes nouvelles qui sortent de terre comme Diamniadio).
Qui sont ces revenants ?
Il y a les profils hautement qualifiés comme Abdoulaye Ba. Il est resté quinze ans en France, il y a décroché de multiples diplômes (doctorat en droit, DESS droit des affaires, 3e cycle en diplomatie stratégique) et il a décidé il y a dix ans de revenir s'installer au Sénégal. Grâce notamment à une subvention de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration), il a ouvert un cabinet de consulting à Dakar, "Aba Consulting"."Tout se passe en Afrique", dit Abdoulaye Ba. "Tout est à faire, tout est à construire. Les matières premières sont ici, les gens sont de plus en plus qualifiés". Il appelle de ses vœux un "sursaut patriotique" pour que la jeunesse africaine reste chez elle. "L'eldorado c'est l'Afrique, ce n'est plus l'Europe". Il cite John Fitzgerald Kennedy : "ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays".
Il y a aussi Soad Diouf, jeune femme de 32 ans, qui a fait ses études à Rouen (en génie des systèmes industriels) et qui a décidé de revenir il y a dix-huit mois "par devoir moral". "Il vaut mieux rentrer et développer notre pays en étant sur place, plutôt que d'envoyer de l'aide" dit-elle. "Un pays ne s'est jamais développé avec de l'aide". Soad Diouf a ouvert un cabinet d'audit énergétique à Dakar, pour "que les entreprises consomment de l'énergie de manière responsable". "Un métier d'avenir" dit-elle.
Moubarak Wade a décidé de rentrer pour d'autres raisons. Installé à Nice pendant neuf ans, il a mal vécu la séparation familiale. Sa fille, née à Dakar, lui manquait. Il en avait assez des "conversations sur skype", "de voir les familles dans les parcs et moi être tout seul". Il parle aussi des "fins de mois difficiles", lui qui pour financer ses études, travaillait de nuit dans un hôtel. Et puis il y a eu son agression le 1er mai 2005. "Un groupe d'extrême-droite m'a tabassé et volé mon sac. C'était très violent" raconte-t-il. Tout ça mis bout à bout, l'a poussé à revenir au Sénégal en 2012. Grâce à l'OFII, il a reçu une subvention de 8 000 euros et a ouvert une agence de communication à Dakar, le groupe "Trust" qui emploie aujourd'hui cinq salariés.