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Magasins sous douane : Un instrument de souveraineté et de politique alimentaire dans les mains de l’impérialisme français

Vincent BolloreLa situation difficile que vivent les populations nigériennes, notamment pour l’accès aux produits de première nécessité, n’est pas due simplement à la fermeture de la frontière nigéro-béninoise. C’est la conjonction de plusieurs facteurs qui tirent leur origine dans la gouvernance scabreuse, toute dédiée aux intérêts étrangers, notamment français, incarnée et entretenue par Issoufou Mahamadou. La presse a tiré la sonnette d’alarme très tôt en soulignant que les Nigériens devront serrer la ceinture, car le pire est à venir depuis qu’Issoufou Mahamadou a cédé les magasins sous douane à son ami Vincent Bolloré. Voici l’alerte en question :

Dans les prochaines semaines, voire dans les jours à venir, ils devront se préparer à acheter le riz, l’huile, le sucre et autres denrées de première nécessité, plus cher. La cession imposée des magasins sous douane à Bolloré va coûter trop cher aux ménages nigériens qui devront payer le supplément de ce qui va dans les comptes bancaires de Bolloré. Contrairement aux contrevérités délibérément entretenues par des voix officielles, l’analyse comparative des tarifs pratiqués par les magasins sous douane et Niger Terminal, le machin créé par Bolloré pour gruger le Niger, enlève tout doute sur la filouterie mise en place. La « note sur l’exploitation des magasins sous douane de Niamey par Terminal Niger » établit formellement les preuves de l’arnaque. Au niveau des magasins sous douane, les marchandises en transit ne sont pas soumises à des frais d’entreposage, ni à aucun autre frais. Juste un tarif forfaitaire de 650 FCFA par tonne de marchandises. Alors qu’à Niger Terminal, le machin de Bolloré, elles sont soumises à la même tarification que la mise en consommation. Avec Bolloré, tout est payant alors qu’avec les magasins sous douane, l’intérêt national est privilégié et certains services sont exonérés de frais pour favoriser un bon approvisionnement du Niger en produits de première nécessité. C’est ainsi que l’ami toubab d’Issoufou Mahamadou a prévu, pour se remplir rapidement les poches, des frais d’accès et de parking qui s’élèvent, d’une part, à 4 603 FCFA par camion pour l’accès ; d’autre part, à 2 877 FCFA par camion et par jour après 12 heures de stationnement pour le parking. Autre exemple édifiant : les manutentions diverses ne sont pas facturées par les magasins sous douane alors qu’elles le sont avec Bolloré. En définitive, les frais supplémentaires qui seront facturés aux commerçants seront supportés par les ménages nigériens dans la mesure où les grossistes et détaillants devront se « débrouiller » pour s’en sortir. Ils vont ainsi devoir procéder à des augmentations de prix, parfois fantaisistes, dans un contexte financier plombé par la sécheresse des caisses de l’État. L’inflation n’est pas loin car le pouvoir d’achat des Nigériens, déjà faible, va dégringoler davantage avec la cherté de la vie et l’argent qui se fait rare. Les citoyens auront bientôt du mal à manger à leur faim. Même dans les grands centres urbains, il suffirait que la campagne agricole soit mauvaise dans telle ou telle région du pays pour que la situation se complique par l’afflux prévisible de populations entières qui fuiraient les campagnes pour les villes. Sur chaque container de 40 pieds (24 tonnes) avec inspection, l’État nigérien n’engrangera que 10 000 FCFA sur un montant de 494 000 FCFA. Il en sera de même avec un container de 20 pieds (15 tonnes). Autant confier le Trésor public à Bolloré !

Tous les présidents et chefs d’État qui ont précédé Issoufou Mahamadou ont travaillé à préserver, à défaut de l’affermir, la souveraineté du Niger. En 1973 déjà, Mouddour Zakara, alors ministre des Finances, refusa catégoriquement une telle éventualité et donna 48 heures à «l’ancêtre» de Bolloré dans cette voie pour quitter le Niger.

Rien que sur le riz, le consommateur nigérien va devoir supporter bientôt une augmentation de 18 FCFA par kilogramme acheté, soit un montant total de 7 milliards 200 millions de FCFA pour les 400 000 tonnes importés en 2016. Dans le contexte de renchérissement anarchique consécutif à ce qui est perçu comme une guerre contre les intérêts du Niger, le sac de riz de 50 kilos va revenir, dans le meilleur des cas, à 23 000 FCFA. Imaginez, et c’est bien ce qui va se produire, une augmentation aussi du sucre, de l’huile, du sel, etc. « Ce scandale est de trop, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », s’est écrié un commerçant qui a requis l’anonymat. Il n’est pas le seul à crier au scandale et à affirmer que c’est inadmissible. « Issoufou Mahamadou a-t-il vendu le Niger à Bolloré ? », renchérit un autre avant de dire, avec beaucoup de lassitude, « Si tel est le cas, qu’on nous le dise pour qu’on colle la paix à ce toubab effronté qui veut nous prendre tout, jusqu’à nos instruments de souveraineté ». Il ne croyait pas si bien dire. En 1973 déjà, Mouddour Zakara, alors ministre des Finances, refusa catégoriquement une telle éventualité en accordant à la SOPOCAO la gestion des magasins sous douane où étaient stockés le don de sorgho canadien. Mieux, il donna 48 heures à « l’ancêtre » de Bolloré dans cette voie pour quitter le Niger. Près d’un demi-siècle a passé et huit présidents et chefs d’État ont depuis lors gravi les marches du palais présidentiel. Mais pas un seul couac de ce genre. Au contraire, tous les présidents et chefs d’État qui ont précédé Issoufou Mahamadou ont travaillé à préserver, à défaut de l’affermir, la souveraineté du Niger.

Comment peut-on livrer son pays, poings et pieds liés, à des intérêts étrangers ?

Selon des informations recueillies auprès des milieux des commerçants et transitaires, Bolloré n’est qu’un colon désargenté qui a eu l’heur de trouver en face des collabos pour faire fructifier ses affaires. Tout lui a été concédé sur un plateau en or. Il n’a rien à faire d’autre que de se courber pour ramasser. La question que se posent les Nigériens est de savoir comment peut-on livrer son pays, poings et pieds liés, à des intérêts étrangers ? Car en termes de réalisation de recettes, les autorités ont raconté des bobards. Le Trésor public, en réalité, ne recevra que 250 FCFA par tonne de marchandises traitées et 1 000 FCFA par mètre linéaire pour la durée du contrat. Le ministre des Finances de l’époque, feu Sidibé Saïdou, un bonhomme à qui on donnerait le bon dieu sans confession comme diraient les catholiques, a prétendu sans gêne que le groupe Bolloré créera des emplois directs et indirects. Dans la réalité, il a fait partir les agents des magasins sous douane tout en mettant au chômage les transitaires en leur refusant les carnets de transit. Ce qui va nécessairement créer une rupture de charge, donc des frais supplémentaires qui vont grever les prix des produits de première nécessité. Un autre argument avancé est que le traitement de marchandises à l’importation et à l’exportation sera facile avec Bolloré grâce à l’intégration du système de transport multimodal, c’est-à-dire route et chemin de fer. Or, le projet du rail de Bolloré, ce n’est pas pour demain. Ce qui veut dire que la réduction des coûts et des délais de transit tant agités n’est que du vent. Rien que du vent !

Le groupe Bolloré au Niger sous Issoufou, comme en 1950

Pour justifier la cession des magasins sous douane, beaucoup de talents ont été mis à contribution, à croire que ceux qui se sont défoncés pour Vincent Bolloré ont changé de nationalité. La direction générale des douanes n’a pas été en reste, déployant de grands efforts de communication pour convaincre de la pertinence du projet. Ainsi, le 25 mars 2016, en communication préliminaire d’un entretien avec la presse nationale sur le recours au partenariat publicprivé pour la modernisation de l’administration des douanes du Niger, la direction générale des douanes a largement expliqué les avantages que l’État gagnerait dans cette affaire. L’attributaire se serait engagé à mettre en place un équipement de manutention performant et à verser à l’État, avant signature de la convention, un droit d’entrée de 2 000 000 dollars US, soit 1 milliard de francs CFA. Après signature, le concessionnaire versera mensuellement à l’État une redevance domaniale de 1000 FCFA par mètre carré sur une base annuelle ainsi qu’une redevance d’exploitation de 250 FCFA par tonne de marchandises traitées. De fait, le groupe Bolloré n’a apporté que des tonneaux peints, de petits engins avec pelles, du grillage, etc. Mieux, c’est la direction générale des douanes qui informe l’opinion nationale que le projet va coûter au promoteur3 162 298 689 FCFA, sans exigence d’aucune garantie de l’État et permettra la création d’au moins 100 emplois permanents. La générosité de Bolloré est sans bornes puisqu’il partagera avec l’État le produit des frais d’escorte à hauteur de 100 FCFA /Km en remplacement des barèmes actuels. Bravo Issaka Ousmane ! pourrait dire Vincent Bolloré. Pas le Niger qui est totalement grugé dans cette affaire. Car, en sus d’avoir cédé au groupe Bolloré, longtemps avant la date prétendue pour la signature de la convention, les magasins sous douane, le gouvernement d’Issoufou de Mahamadou lui a également concédé le droit d’en user comme bon lui semble. C’est du moins ce que Joël Broux, l’administrateur général de Terminal Niger de Bolloré, a expressément demandé au ministre des Transports de l’époque, le 21 mai 2015, dans une correspondance portant en objet « arrêté ministériel portant transfert de la gestion du port sec de Dosso/antenne de Niamey », il dit en substance solliciter un « arrêté ministériel promulguant :

1. Le transfert de la gestion et de l’exploitation du Terminal sur le site de Niamey, Rive droite à Niger Terminal.

2. La responsabilité opérationnelle exclusive à Niger Terminal en charge de l’application des modalités d’exploitation telles que définies par la convention, notamment le passage au pesage, le chargement-déchargement des camions.

3. L’application de la grille tarifaire, telle que définie et agréée dans la convention. Ces trois aspects de la convention signée avec le groupe Bolloré montrent clairement que le toubab dispose d’une licence rose pour faire tout ce qu’il peut pour regarnir ses comptes et ceux de ses amis nigériens.

Laboukoye (Le Courrier)